Malgré ses normes d’hygiène très strictes et l’importance capitale apportée à sa nourriture, le Japon peut faire face à d’importantes déconvenues en matière de santé publique. Dans deux préfectures, de nombreux cas de grippe aviaire ont été découverts cette semaine, parmi les volailles d’élevage destinées à la consommation. Les propriétaires des fermes concernées ont fermement reçu l’ordre d’éviter toute propagation du virus, résultant à une série d’abatage de masse enclenchée par le gouvernement Japonais. Au total, c’est le nombre effroyable de 560 000 animaux tués qui est porté à ce jour afin d’éviter que l’épidémie ne touche l’Homme.

De nombreux animaux touchés

Lundi 28 novembre au matin, 20 poulets d’élevage ont été retrouvés morts dans une ferme du village de Sekikawa, dans la préfecture de Niigata. Le lendemain matin aux aurores, 10 canards d’élevage ont été retrouvés morts dans une autre ferme, spécialisée dans les canards musqués, dans la préfecture d’Aomori. Le Ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche allié aux gouvernements des deux préfectures concernées, ont décidé d’envoyer des équipes d’experts dans les deux fermes, afin de rapidement procéder à des analyses préliminaires, afin de déterminer la cause de ces décès. Pour chacune des fermes, les tests ont été réalisés sur cinq oiseaux morts et cinq oiseaux encore vivants, et le résultat accablant donne la chair de poule : 90% des oiseaux ont été testés positifs au virus de la grippe aviaire.

Ces analyses ont par la suite été confirmées en laboratoire, par la présence de la souche H5, hautement infectieuse et responsable de la première grippe aviaire apparue chez les êtres humains. Les lois au Japon sont très claires dans des cas suspects similaires de morts d’animaux d’élevage, et il devient alors interdit de les déplacer même au sein des fermes concernées. Les gouvernements des préfectures de Niigata et Aomori ont ainsi banni les mouvements et transports de volailles et de leurs œufs dans une zone de 10 kilomètres autour de ces fermes afin de freiner la prolifération du virus. Cette zone concerne 60 fermes dans la préfecture de Niigata, et 7 fermes dans la préfecture d’Aomori, touchant respectivement 500 000 et 400 000 oiseaux.

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Source : Yukie Nishizawa / Kyodo News

À ce jour, un nombre effarant de 310 000 poulets ont du être tués dans la ferme de Niigata, portant le total d’oiseaux abattus à 560 000 dans les deux préfectures, en moins d’une semaine seulement. Le gouvernement de Niigata a procédé au déploiement de troupes des forces japonaises d’auto-défense, afin de mettre en œuvre l’opération d’urgence d’abattage en masse de volailles et d’aider les fermiers face à cette situation, tandis que les fermiers d’Aomori procèdent à l’enterrement de leurs canards dans des containers remplis de dioxyde de carbone.

Cependant, la menace de grippe aviaire n’est pas encore résolue et les informations restent assez lacunaires dans les médias japonais. Cependant, le Secrétaire général du Cabinet, Yoshihide Suga, a indiqué lui-même, lors d’une conférence de presse, que malgré toutes les mesures prises pour empêcher le virus de se propager, l’infection pourrait atteindre son pic à partir de janvier 2017, et pourrait se propager dans tout le Japon. Le Premier ministre Shinzo Abe a également pris les dispositions sanitaires habituelles dans ce type de circonstances depuis mardi.

Les derniers cas de détection du virus H5 datent de janvier 2015, relevés dans les préfectures de Saga et d’Okayama, et les autorités compétentes précisent qu’il s’agit ici de la souche H5N6. Les toutes premières présences du H5N6 cette année furent découvertes sur des oiseaux sauvages, trouvés morts entre le 18 et le 28 novembre, dans les préfectures d’Akita, Iwate, Kagoshima, et Tottori, déclenchant l’alerte d’infection générale de niveau 3 depuis le 21 novembre. Il est tout à fait possible que l’origine du virus soit venu par transmission d’oiseaux migratoires, déjà contaminés, venant de l’autre côté de la mer du Japon. En effet, il est bon de préciser que la Corée du Sud a révélé cette semaine l’existence de 46 cas de grippe aviaire depuis le 18 novembre, en ayant abattu plus de 2 000 000 de volailles. Pour information, l’Europe n’est pas en reste non plus face à la grippe aviaire : bien que le virus connu en Europe soit de souche différente, il n’en reste pas moins pathogène. Ces dernières semaines, des milliers de canards sauvages ont été abattus dans le nord de la France, et la contamination a touché par la suite la Suisse, l’Allemagne, la Roumanie, et les Pays-Bas : ces derniers ont procédé à l’abattage de 190 000 canards dans six de leurs fermes.

Les risques de la grippe aviaire sur les humains

Même si le Ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche affirme qu’il n’y a, pour l’instant, aucun cas recensé de transmission du virus à l’homme au Japon, que ce soit par la consommation de viande, de volaille, ou d’œufs, il indique toutefois aux citoyens de ne pas approcher des oiseaux sauvages, et incite à informer aux autorités toute présence d’oiseaux morts. Le directeur du Centre de Recherche sur la Grippe Aviaire à l’université Sangyo à Kyoto, Koichi Otsuki, est du même avis, et demande à quiconque de rester éloigné des oiseaux morts, ainsi que des corbeaux, afin de limiter la propagation du virus vers les humains. Pour rappel, cette même souche de virus a fait six morts en Chine entre 2014 et 2016, il est donc bon de prendre toutes ces dispositions au sérieux.

L’humidité est également un facteur plus propice à la propagation de virus, c’est pourquoi les fermiers des régions humides japonaises ont installé depuis peu, des filets de sécurité au-dessus de leurs fermes, afin d’éviter tout contact avec les oiseaux venus de l’extérieur, pouvant être contaminés. Ces cas de grippe aviaire ont pris de court les autorités, qui affirment que les fermes de Niigata et d’Aomori sont situées dans des zones sèches. Le gouvernement de la préfecture d’Aomori déclare même qu’ils n’ont jamais eu affaire à cette situation auparavant, et qu’ils ne savent pas combien de temps cela va durer.

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Source : Mizuki Enomoto

Les fermiers sont d’autant plus inquiets que leur réputation et leur production vont subir un impact important durant cette période. Ces cas de grippe aviaire arrivent au plus mauvais moment pour les Japonais, qui fêtent Noël depuis le mois de novembre, et ont pour tradition de consommer beaucoup de poulet. Les files d’attentes aux KFC se font extrêmement longues dans les rues en ces périodes de fin d’année, et la risque de contamination peut alors être très grand si l’épidémie n’est pas contrôlée. Le foie gras est également prisé en cette période, qu’il soit fait localement ou qu’il soit importé de France, rare denrée alimentaire à être acceptée dans les terres japonaises.

Il est donc globalement conseillé de réduire drastiquement sa consommation de volaille en cette période, et être très attentif que ce soit au restaurant, lors de commande de certains sushis avec de la viande de volaille crue, ou même aux offres spéciales sur les bentos de poulet, disponibles dans les konbinis. La chaîne de yakitori Torikizoku Co, spécialisée dans le poulet grillé, voit ses demandes baisser de près de 3% cette semaine, et les intoxications alimentaires et autres troubles digestifs apparaissent de plus en plus.

De manière générale, ce sont les techniques industrielles d’élevage qui sont pointées du doigt dans l’origine de telles épidémies. Selon un rapport du GRAIN, c’est l’industrie avicole qui est à l’origine de ce problème et devrait donc être au centre des actions menées pour maîtriser le virus. Outre les techniques de production qui imposent un confinement important des animaux et amplifie les risques de propagation de maladies (en dépit de l’utilisation d’antibiotiques), le système mondialisé de distribution, extrêmement automatisé, permet d’envoyer ces produits de élevages autour du globe par une multitude de canaux et de manière rapide. En bref, si vous êtes aux Japon comme ailleurs, restez informés et prenez soin de vous.

– Yenool


Sources : phys.org / The Japan Times / The Mainichi