Safecast est un programme international dans lequel sont engagés des citoyens volontaires qui récoltent et analysent des données sur l’environnement. Alors que l’on reproche souvent aux experts de prendre la place des politiques, aux politiques de ne pas écouter les experts, cette nouvelle forme de participation recèle une dimension éducative importante et permet aux habitants un contrôle indépendant des décisions politiques. C’est dans cet objectif que des citoyens japonais se sont réunis afin de mettre en commun des données sur la radioactivité dans leur pays suite au tremblement de terre qui a provoqué l’accident de Fukushima, le 11 Mars 2011.

Parer collectivement à l’inefficacité gouvernementale

Après l’accident nucléaire du 11 mars, de nombreuses personnes, autant japonaises qu’étrangères, déplorent l’absence de données précises et d’informations sur les conséquences de la catastrophe. Le gouvernement se montrant particulièrement discret sur la question, de grandes difficultés apparaissent dans l’obtention d’indications précises concernant les taux de radioactivité. Comment savoir, alors, si une zone est localement contaminée et comment connaître le danger réel que courent les populations dont certaines retournent déjà sur les lieux de l’incident ?

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C’est pour cette raison que le projet Safecast s’est construit à l’initiative de chercheurs et scientifiques ayant décidé de prendre des mesures indépendantes autour des lieux de l’accident et de les partager avec la population en libre accès. Mais l’outil a un coût : la participation citoyenne. Ainsi, afin de collecter des informations précises, les habitants de zones touchées sont appelés à relever les taux de radioactivité près de chez eux. Chacun peut ensuite mettre en ligne ces données. Le recoupage des différentes mesures permet par la suite de dresser une carte interactive précise de la situation actuelle et de l’évolution dans le temps des taux de radioactivité.

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Safecast met ainsi en place un système inédit dont l’objectif est de rendre visible un problème invisible grâce à un réseaux interconnecté de « capteurs citoyens » engagés. Afin d’accroître l’indépendance de chacun, le site internet de Safecast propose un tutoriel, pour se procurer en construisant soi-même son propre compteur Geiger. Le projet est entièrement financé par des donations. Si le programme se concentre à ce jour en particulier sur l’accident de Fukushima, véritable choc psychologique pour nombre de japonais, les fondateurs souhaitent élargir leurs analyses afin d’intégrer des données au niveau mondial sur tous types de sujets liés à l’environnement. De plus, personne n’est à l’abri d’un nouvel incident. Ces données pourraient être fondamentales en situation d’urgence pour sauver des vies.

Les sciences participatives comme nouvel outil d’action publique

Au delà des critiques visant à décrédibiliser de telles initiatives qui relèveraient de l’ordre des « pseudos-sciences », les collectifs de chercheurs citoyens open-source participent à une petite révolution dans la manière de considérer l’interaction entre citoyens, experts et politiciens. Sont proposées de cette manière des mesures alternatives sous la forme des sciences participatives et de développements collaboratifs, face à aux manques de réactivité ou de transparence des gouvernements et des grandes entreprises impliquées. En effet, alors que de plus en plus l’expert prend la place du politique, et que le citoyen est mis à l’écart du débat public, le partage collectif d’informations qui peuvent ensuite être utilisées librement est une solution efficace en matière de démocratie participative. On assiste ainsi à la naissance d’une nouvelle forme de contre-expertise (donc, contre-pouvoir) qui vient s’ajouter à celle déjà proposée par certaines ONG et autres organismes indépendants.

De manière plus générale, la confrontation des données permet de gagner en précision, et de rétablir la confiance des citoyens vis à vis des experts indépendants. Selon les chercheurs en Sciences politiques Laurence Alard et Olivier Blondeau ces projets « conférent une « capacité active » aux citoyens pour interpréter leur environnement, le capter et  le mesurer et in fine agir sur lui. »

On peut s’imaginer de nombreux autres domaines dans lesquels des mesures collectives pourraient donner une meilleur information aux citoyens à propos de leur environnement direct. Mesure de la pollution de l’air, de l’eau, observation des oiseaux en ville ou encore des étoiles. Les initiatives sont nombreuses et se multiplient !

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Sources : nationalgeographic.com / openedition.org / safecast.org / globalgiving.org