Une symbolique forte après la catastrophe dont les conséquences vont peser pendant des décennies sur l’environnement et sur l’Homme. Dans la préfecture de Fukushima, les autorités locales veulent couvrir 100% de leurs besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables d’ici 2040 et ainsi définitivement tourner la page du nucléaire dans la région.

Passer d’un lieu synonyme de catastrophe nucléaire à pionnier dans les énergies renouvelables, le défi est ambitieux pour la préfecture de Fukushima au regard du planning annoncé dès 2014 par les autorités. Celles-ci espèrent utiliser 40% d’énergies propres d’ici 2020, 65% en 2030 et enfin 100% pour 2040. Pour faire aboutir ce projet, les autorités peuvent compter sur le soutien de plusieurs organisations de la région promouvant les énergies renouvelables comme l’Institut des énergies renouvelables de Fukushima de Kôriyama (une branche de l’Institut national des sciences et technologies industrielles avancées) qui se penche sur le développement et l’amélioration de diverses énergies vertes : du photovoltaïque à la géothermie, en passant par l’éolien offshore et l’emploi de l’hydrogène dont le potentiel commence tout juste à être exploité et sur lequel le gouvernement mise beaucoup.

La centrale solaire d’Aikawa. Source : wikimedia

Dans la préfecture, les villes de Shinchi, Soma, Namie, Naraha et Katsurao accueillent des projets pilotes où l’électricité et le chauffage des installations publiques ou même de quartiers urbains proviennent uniquement d’énergies propres. En outre, à Namie, est envisagé depuis l’été dernier le plus grand centre de production d’hydrogène du monde, utilisant des énergies renouvelables avec zéro émission de CO2. Le Premier Ministre Shinzo Abe, qui voit en Fukushima un lieu précurseur d’une nouvelle société énergétique propre, a même déclaré que de l’hydrogène propre fabriqué à Fukushima sera utilisé pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo 2020. Un discours qui a de quoi surprendre alors que la figure politique soutient par ailleurs ouvertement le développement de l’énergie nucléaire dans l’archipel où, rappelons-le, l’activité sismique est très importante.

Début 2017, la production d’énergie issue du solaire, de la biomasse, de l’éolien et pour une petite part de la géothermie était ainsi comparable à celle d’un réacteur nucléaire (1,7 gigawatts) et sans prendre en compte l’hydro-électricité à grande échelle. Le tout permettant de couvrir à ce jour 28% des besoins énergétiques de la préfecture dont environ 60% de l’électricité. Dans une correspondance avec le Japan Times Masaru Nakaiwa, le directeur général de l’Institut, a déclaré : « Avec le soutien technologique de l’Institut, un programme d’aide aux entreprises locales dans les zones touchées par le tremblement de terre et le tsunami est en cours de réalisation et des ressources humaines sont développées en collaboration avec les universités locales. Avec comme résultat la mise en œuvre de 107 projets de recherche conjoints et neuf exemples réussis de commercialisation. »

La ferme éolienne de Kamisu. Source : wikimedia

Des efforts loués par le ministre de la reconstruction Masayoshi Hamada lors de sa visite en février dernier à l’Institut : « En tant qu’institut de recherche au rôle actif pour la création d’une nouvelle société énergétique à Fukushima, l’Institut des énergies renouvelables de Fukushima a été en contact avec les entreprises locales et il est gratifiant d’en voir les résultats ». Pourtant, si les initiatives locales de Fukushima sont encouragées par le gouvernement via la création en 2016 d’un plan d’énergie renouvelable, des obstacles demeurent pour les étendre au niveau national alors même que la population japonaise est de plus en plus favorable au développement d’énergies durables depuis 2011. À commencer par le gouvernement même qui n’octroie pas d’aide financière pour les énergies propres. Au contraire, les subventions sont majoritairement versées en faveur des énergies fossiles, le nucléaire notamment (le Japon importe son uranium), freinant le développement global des énergies vertes et la résilience énergétique du pays très dépendant de l’étranger. D’où, en 2016, un très faible taux national de 15% d’électricité produite par les énergies renouvelables.

Outre les problèmes lié aux coûts d’investissement importants, une autre difficulté majeure provient du raccordement au réseau pour étendre au pays la distribution d’énergie verte. Un problème qui touche également l’éolien alors que le gouvernement central s’est fixé l’objectif de produire 820MW d’électricité via les éoliennes offshore d’ici 2030. Le secteur est en effet victime de mauvaises infrastructures électriques dans des régions venteuses comme le Tohoku & Hokkaido alors qu’à l’inverse des régions plus peuplées et mieux équipées ont un vent plus faible, rendant l’exploitation et le dégagement de bénéfices plus difficiles. Mais Masaru Nakaiwa fait confiance à l’industrie nippone pour résoudre ces faiblesses structurelles d’autant plus que les entreprises se soucient de plus en plus de leur empreinte écologique influencées en cela par les Objectifs de développement durable de l’ONU.

La centrale solaire du mont Komekura. Source : wikimedia

En janvier dernier, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables s’est réuni sous l’impulsion de Tadashi Mogi, un haut fonctionnaire du Département de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables du Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie, pour discuter du cas de Fukushima. Il en est ressorti que le potentiel de l’énergie solaire et éolienne y est à son maximum mais qu’approvisionner des zones grandes consommatrices d’énergie comme Tokyo sera délicat, la faute à une capacité de transport sur de longues distances encore limitée. Dès 2019 toutefois, Tadashi Mogi envisage un développement important de lignes de transmission.

Si les moyens sont mis à la hauteur de ces ambitions, nul doute que la région de Fukushima réussira son pari de recourir à 100% d’énergies vertes. Dans ce cas, l’expérience ne devrait pas rester isolée et servir uniquement de vitrine médiatique et politique. Au contraire, associations et observateurs espèrent que le gouvernement nippon s’appuiera sur cet exemple pour qu’un jour ce soit le pays tout entier qui utilise uniquement des énergies renouvelables afin de devenir un exemple pour les pays carburant encore aux énergies fossiles. Et bien que la lutte contre les lobbies pétroliers et de l’industrie fossile soit difficile à mener, il est encore permis d’y croire.

S. Barret


Vous aimez ce que vous lisez ? Soutenez Poulpy sur Tipeee !

Source : japantimes.co.jp

PARTAGER