Une forêt protégée rasée, un éco-système de plusieurs espèces anéanti pour construire les pistes de ski des Jeux Olympiques de Corée. Pour deux semaines de jeux, les organisateurs on sacrifié plus de 50 000 arbres centenaires. Face aux retombées économiques importantes, la préservation de l’environnement ne pèse pas lourd. Rares sont les médias à s’être fait l’écho de ce triste fait, focalisés sur la célébration les JO de Pyeongchang. Malheureusement les prochains JO, qui se tiendront à Tokyo dans deux ans, s’engagent sur le même chemin de non-respect de l’environnement à une époque où il en va de l’intérêt de l’Humanité entière de considérer la nature à sa juste valeur.

En avril 2017, sept ONG s’inquiétaient déjà de l’origine du bois contre-plaqué utilisé dans la construction du nouveau grand stade olympique de Tokyo et souhaitaient qu’une enquête indépendante soit menée. Ayant identifié des marques sur le bois utilisé sur le chantier, elles avaient conclu que le bois provenait de la compagnie malaisienne Shin Yang spécialisée dans l’exploitation de bois et la plantation d’huile de palme et dont l’activité détruit les forêts de Sarawak.

Pourtant, les ONG avaient, à l’avance, mis en garde le Comité International Olympique et les organisateurs des JO de Tokyo sur le risque élevé d’utilisation de bois non issu d’exploitation durable. Déjà en décembre 2016, quelques jours avant le début de la construction du stade, plus de 40 organisations environnemental avait alerté le CIO sur l’incapacité des autorités japonaises à s’assurer de l’origine légal du bois. Et pourtant…

Reste à savoir si le Japon était vraiment prêt à faire un tel effort et surtout s’il n’est pas déjà trop tard. Car le pays est le second plus gros importateur mondial de bois tropical sous forme de contre-plaqué d’après un rapport de l’ONG Global Witness daté de décembre 2015. La moitié de ce bois provient de l’état de Sarawak en Malaisie dont l’exploitation intensive viole les droits de l’Homme et engendre la destruction de forêts tropicales où habitent des dizaines de milliers d’indigènes Penan, mettant aussi en danger la bio-diversité et le climat.

À elle seule à la fin de 2014, l’entreprise Shin Yang avait détruit 42 terrains de football par jour dans le Coeur de Bornéo, une zone protégée que l’on envisageait de transformer en parc national. L’ONG estime qu’un tiers du bois exporté par le Sarawak depuis les années 90 a été vendu au Japon et déclare posséder des preuves que ce bois illégal a été utilisé sur des chantiers à Tokyo pour les JO.

Cet appel à la transparence sur l’origine du bois utilisé pour les JO 2020 a été réitéré le 11 septembre 2017 par 47 ONG dont Greenpeace qui réclamaient aussi l’arrêt de l’exploitation forestière abusive et des violations des droits de l’Homme. Toutefois, les organisateurs de JO de Tokyo avaient réfuté ces allégations dès le lendemain, assurant dans leur communiqué avoir adopté des règles strictes après des consultations approfondies et avoir tenu compte des retours du public pour établir les codes d’approvisionnement durable (concernant notamment le bois) pour s’assurer du respect de l’environnement et des droits de l’Homme : « Tokyo 2020 a eu des discussions approfondies avec des groupes de travail comprenant des experts en matière d’environnement, de droits de l’homme, de droit du travail, de responsabilité sociale des entreprises et dans d’autres domaines », avait déclaré un porte-parole des Jeux de Tokyo, qui a ajouté que les discussions avaient été ouvertes aux médias dans un souci de transparence. Réels engagements ou campagne de communication ?

Source : Wikimedia Commons

La communication qui se voulait rassurante aura fini par voler en éclat le 23 février dernier de l’aveu même du comité d’organisation des JO de Tokyo 2020 : 87% du bois contreplaqué utilisé pour construire le nouveau stade provient bien des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est et son l’origine ne peut être retracée avec certitude à cause du manque de sérieux des protocoles de certification. Une annonce qui confirme malheureusement les craintes des ONG.

Peg Putt, la porte-parole de l’ONG Markets For Change, a déclaré : « Nous sommes atterrés par l’importante quantité de bois tropical qui a été utilisé jusqu’à présent et par le manque flagrant de sérieux pour assurer la durabilité et la légalité du bois utilisé« . Elle a ajouté que le comité des JO « n’a pas réussi à s’assurer que le bois utilisé pour la construction olympique a été récolté légalement et durablement » ce qui démontre l’ampleur du problème d’un approvisionnement non-responsable.

Et pourtant, la communication qui entoure les Jeux Olympiques continue de vendre du « rêve vert » à qui veut bien y croire. Par exemple, le village olympique a été annoncé comme une véritable vitrine techno-écologique…

Déforestation à Madagascar. Source : Wikimedia Commons

Car si les codes d’approvisionnement établis par le comité exigeaient effectivement que le bois soit « légal, respectueux de l’environnement, des travailleurs et des indigènes », dans les faits, il n’y avait aucune obligation de traçabilité remontant à la forêt d’origine, même lorsque le bois provenait de pays à haut risque, comme l’Indonésie et la Malaisie. On peut dès lors se demander comment le comité comptait s’assurer de la légalité du bois utilisé ; et ces codes d’approvisionnement sonnent finalement comme de simples effets d’annonce marketing. À ces lumières, c’est sans grande surprise que l’on retrouve une si grande quantité de bois non éthique dans le stade olympique de Tokyo. Un bois qui serait en plus gaspillé selon les organisations écologistes, car principalement utilisé pour des coffrages et des moules dans lesquels le béton est coulé avant d’être éliminé

Notons que l’exploitation abusive de bois a atteint un niveau record mondial en 2017, estimé à 29,7 millions d’hectares de forêts disparus en une année. Dans un contexte de crise climatique aux répercussions économiques et humaines importantes, la problématique est très loin d’être négligeable. Et pourtant, très rares sont les médias japonais à exposer cette situation. Pendant ce temps, l‘Indonésie et la Malaisie figuraient parmi les dix pays à avoir perdu le plus de surface forestière, à cause de l’exploitation d’huile de palme, de papier et de bois à destination de l’exportation. Avant même leur lancement, les J.O. de Tokyo qui se voulaient éthiques et « green » ont déjà apporté leur pierre à cet édifice destructeur.

S. Barret


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Pour un autre regard sur le Japon, soutenez-nous sur Tipeee. Sources : changingtimes.media / reuters.com / asiancorrespondent.com / climatechangenews.com

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