Le Shiba Inu est le chien japonais par excellence : petit, gentil, mignon et fier. L’animal à poil doux est devenu la star d’Instagram et une quasi-fierté nationale au Japon. Et pourtant, au début du XXème siècle, ce canidé si sympathique et attachant a bien failli disparaître dans l’indifférence générale…

Le Shiba Inu (littéralement « chien-broussaille » : shiba / : inu) est une race de chien native de l’archipel japonais. Son habitat naturel se trouvait être, à l’origine, la région montagneuse qui fait face à la Mer du Japon. Il fait environ 40cm pour 12 kg maximum, soit ni trop grand, ni trop petit, au regard des Japonais. Depuis des millénaires, le Shiba fut utilisé pour chasser des animaux de petite taille et des oiseaux.

Aujourd’hui, la plupart des gens ignorent son origine de chasseur et le chien est devenu très populaire chez les familles japonaises. Évidemment, le Shiba de race pure est plus que privilégié par les propriétaires : le rejet de l’influence étrangère reste très vif au pays du Soleil levant. Mais cette folie collective pour le Shiba était à deux doigts de ne jamais se produire, l’espèce étant en déclin, voire au bord de l’extinction, il y a tout juste un siècle !

Source : flickr

De 1898 à 1912, le Japon de la fin de l’ère Meiji est en pleine révolution industrielle. De grands changements s’opèrent dans la société japonaise. L’ère Meiji se caractérise notamment par cette soudaine ouverture sur le monde et une course à la modernité. En effet, elle a été précédée d’une période féodale très sévère et dure en dépit d’une paix persistante. Le nouvel empereur, Mutsushito, met un point d’honneur à transformer le pays et à s’ouvrir sur le reste du monde afin de renforcer les fondements de son État. Par la force des choses, le Japon s’ouvre à l’importation et s’inspire de ce qui se fait de mieux en occident, notamment en matière de chiens de chasse… Et c’est là qu’intervient notre Shiba.

Ainsi, à la fin du XIXe siècle, énormément de chiens anglais (setters, pointers, mastiffs) sont importés dans le pays et deviennent le choix privilégié des chasseurs en raison de leurs capacités supérieures à celles des chiens japonais moins nerveux. Ces chiens européens prennent d’ailleurs une place important sur les estampes Ukiyo-e de l’époque. Les Shiba, un peu moins efficaces, perdent leur attrait économique et se trouvent alors mis peu à peu de côté. Beaucoup sont croisés avec ces chiens importés afin d’en faire des combattants massifs et féroces. Ils furent, par la suite, utilisés dans des combats de chiens, très populaires à l’époque et toujours légaux de nos jours. C’est par ce processus tragiquement silencieux que le Shiba de race frôlera une extinction pratiquement complète entre 1912 et 1926. Mais l’histoire ne s’arrête évidemment pas là !

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Le Shiba aurait certainement disparu si un petit club de passionnés, spécialisé dans la préservation des races japonaises officiellement reconnues, n’était pas intervenu. Ce club a été crée en 1928 par le docteur Saito et d’autres intellectuels de l’époque. Nommé le « Nihonken Honzonkai » ce groupe avait comme objectif de préserver l’espèce dans sa forme native. En 1943, le standard de la race est établi et, en 1937, le Shiba est déclaré comme « Monument Naturel » du Japon

Supporté par le gouvernement japonais, le Nihonken Honzonkai s’est développé et fait désormais autorité au Japon. Grâce aux actions de repopulation entreprises par ce club, le nombre de Shiba a considérablement augmenté pour devenir aujourd’hui LA coqueluche du Japon. En 2005, il s’affichait sur la jaquette de Nintendogs, le jeu de simulation de Nintendo. Sa popularité a ensuite explosé grâce à internet en raison de sa mimique inimitable : le fameux « Shibu » (doge) est utilisé dans de nombreux « memes » humoristiques.

Aujourd’hui, le Japon n’est plus le seul pays à élever et vendre des Shiba, avec toutes les dérives et le trafic qu’on imagine… Victime de son caractère kawaii, l’espèce est devenue un produit de consommation comme un autre, élevée dans des conditions parfois douteux, revendue en millions d’exemplaires.

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Si le Shiba a le vent en poupe, avec des milliers de goodies et produits dérivés sur les étals nippon, c’est aussi le cas de nombreux chiens au Japon qui voient leur cote de popularité grimper en flèche au détriment des chats. On estimait qu’en 2012, le nombre de chiens avait même dépassé celui des chats (11,5 millions de chiens, contre 10 millions de chats). Ce phénomène s’explique notamment par la difficulté accrue des Japonais à faire des enfants, reportant le manque sur un animal de compagnie. Fait tout aussi surprenant et inquiétant, il y a d’ailleurs plus de chiens que d’enfants de moins de 8 ans au Japon !

S.Grouard & Mr Japanization

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