Au Japon, les sirènes existent bel et bien. Bien que le pays soit souvent prôné pour sa fantaisie et l’excentrisme de sa culture pop moderne, il ne s’agit pas ici de créatures légendaires, mais simplement de jeunes femmes au travail. Ces dernières tirent leur surnom de leur activité : ce sont des pêcheuses traditionnelles. Cependant, elles incarnent plus que la capacité des sirènes à nager, elles incarnent aussi leur sensualité.

Du japonais «Ama», cette communauté uniquement constituée de femmes était composée de plus de 70 000 sirènes qui exploraient dans les eaux du Pacifique dans les années 1950. Elles ont inspiré de nombreux artistes et possédaient un certain succès dans l’archipel. La raison ? Elles plongeaient nues, vêtues d’un simple masque. Munies d’un filet et d’une corde pour remonter à la surface, elles récoltaient fruits de mer, perles et coquillages pour les revendre au village. Cette harmonie entre liberté du corps et efficacité au travail leur permettait généralement de gagner plus d’argent que les hommes de leurs villages.

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Avant que les machines ne les remplacent, elles représentaient une force économique importante, ponctuée d’un charme naturel et envoûtant que des photographes vont réussir à capturer. Cependant, ces sirènes étaient une exception dans un Japon traditionnellement patriarcal où la pudeur était toujours imposée aux femmes. Pourtant, les sirènes japonaises vont faire la vie dure à tous les stéréotypes : elles plongeaient dès que la température de l’eau était favorable et étaient généralement meilleures en apnée que les hommes. De même, leur efficacité était irréprochable : elles pouvaient rester dans les fonds marins près de deux minutes, et cela, plus de soixante fois par session.

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Tout comme les créatures légendaires du même nom, elles pouvaient parfois attirer la curiosité des hommes grâce à leurs charmes. Ce fut le cas d’Iwase Yoshiyuki, un photographe passionné par ces sirènes. À l’aide de son appareil photo, il va commencer à les immortaliser dans les années 1920, époque où le maillot de bain n’était généralement pas encore utilisé au Japon. Il voulait garder intacte leur « beauté primitive », comme il l’appelait, afin de la transmettre aux générations futures. Ces clichés intimistes et naturels empreints de joie et de poésie nous sont livrés depuis une autre époque, sans volonté malsaine de voyeurisme comme ceci pourrait être considéré de nos jours.

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Aujourd’hui, les muses de ce photographe ne sont plus que 2000 (ce qui reste un chiffre important). La Seconde Guerre mondiale a ravagé une grande part des côtes japonaises, détruisant une partie des trésors conservés par les fonds marins. La « marchandise » était alors moins abondante et le secteur s’est essoufflé. Avec la démocratisation du maillot de bain et la modernité, les sirènes nippones ont dû peu à peu se couvrir, abandonnant à contrecœur une partie de leur charme pour leurs potentiels clients.

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Aujourd’hui, les Ama ont vieilli et leurs filles ne sont généralement plus intéressées par la reprise du flambeau (comme c’est d’ailleurs le cas chez nombre d’artisans japonais). En 2003, la moyenne d’âge des Ama était portée à 67 ans. Discrètes, peu nombreuses, mais toujours actives, les Ama prouvent que, même si ces sirènes traversent les âges avec difficulté, elles arrivent toujours à nous transmettre cette étincelle particulière qui fait du Japon un pays vraiment exceptionnel.

– S.Grouard

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Sources : madame.lefigaro.fr / konbini.com