Le 5 avril dernier Isao Takahata, le réalisateur et co-fondateur du studio Ghibli nous quittait à l’âge de 82 ans. Au même moment, certains songent à détruire un sanctuaire shinto apparaissant dans son film Pompoko pour le remplacer par… un parking. Un projet qui fait tristement écho à l’histoire même du film. Au Japon, on a du mal à avaler l’idée.

Isao Takahata laisse derrière lui des chefs-d’œuvre d’animation mondialement reconnus dont les plus connus sont Le Tombeau des lucioles, Souvenirs goutte à goutte, Pompoko, Mes voisins les Yamada, et Le conte de la princesse Kaguya qui sera nommé aux Oscars. Ces œuvres visuelles sont largement rediffusées sur les écrans japonais depuis sa triste disparition le 5 avril 2018.

Pompoko, sorti en 1994, suit les aventures d’une tribu de tanukis, ces chiens viverrins très connus dans la mythologie japonaise. Ceux-ci doivent défendre leur territoire contre les hommes qui veulent construire une nouvelle ville, détruisant la forêt où ils vivent déjà trop à l’étroit. Réveillant leur ancien pouvoir de transformation, les tanukis vont essayer d’effrayer les humains en se transformant en esprits, les fameux yôkai. Mais leur combat sera vain et, sous le poids de l’urbanisation et des lois humaines, les derniers tanukis se retrouveront enfermés dans un parc artificiel construit par la nouvelle ville de Tama, et tout ça, dans la plus parfaite légalité, évidemment !

Le film porte donc un message hautement écologique et une critique de la modernité et de la japonaise moderne qui délaisse ses croyances et traditions – son respect de la Nature et des divinités qu’elle garde – pour privilégier la modernité incarnée par le nouveau Dieu Béton, sacrifiant au passage les individus y résistent (toute ressemblance avec la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est pur hasard). L’histoire est d’ailleurs inspirée du plus vaste développement urbain qu’a connu le Japon dans la région de Tama, près de Tokyo, à partir de 1971. Un développement qui s’est étalé sur des décennies et qui a nécessité la destruction massive de forêts, de montagnes, d’espaces verts… C’est par une triste ironie du sort que l’histoire se répète aujourd’hui, en référence directe avec le message porté dans Pompoko.

Le sanctuaire Kinsho. Source : ja.wikipedia.org

Le sanctuaire shinto Kinsho situé à Komatsushima sur l’île de Shikoku est aujourd’hui menacé de destruction pour laisser la place à un parking. Ce sanctuaire cerné de cerisiers a un double lien avec le film d’animation et ses tanukis. Il fut construit en 1956 grâce aux dons du dirigeant d’une société de production dont un film, basé sur les tanuki, avait connu le succès. D’où les amusantes statues de tanukis que l’on peut y admirer. De plus, la structure apparait directement comme décor dans le film Pompoko. Mais le parc municipal dans lequel ce sanctuaire se trouve risque fort d’être détruit suite à un plan de réaménagement du parc décidé l’été dernier. Outre le sanctuaire lui même, des sections du parc sont vouées à disparaître, une histoire qui en rappelle une autre…

Une statue de Tanuki présente au sanctuaire. Source : ja.wikipedia.org

Cette fois-ci, ce sont des femmes et des hommes qui se dressent, tels les tanukis de Pompoko, contre ce projet. Une pétition a déjà récolté 4 000 signatures chez les résidents locaux. Mais contrairement à la fin amère de Pompoko, tout espoir ne semble pas perdu pour le sanctuaire Kinsho. Face au scandale, les autorités ont annoncé n’être pas totalement fixées sur la question de sa démolition notamment en raison du statut de propriété privée du sanctuaire. Cependant, les expropriations sont possibles dans ce type de cas. Une petit coup de main des tanukis ?

S. Barret


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Sources : news.livedoor.com / kanpai.fr