Wagashi : cet Art japonais comestible à travers les saisons

La culture traditionnelle japonaise est très attachée au respect de la Nature et au déroulement des saisons. Il serait ici inconcevable de porter un kimono avec un motif de neige en plein été. La gastronomie aussi s’adapte tout au long de l’année aux ressources que la nature lui offre. Du moins, ce fut le cas pendant longtemps, avant que les procédés industriels ne remplissent les étales des magasins de produits préfabriqués toute l’année. Un des mets raffinés qui résiste encore à cette méga-machine, c’est le wagashi, la pâtisserie japonaise traditionnelle. Et parce que nous sommes gourmands, nous vous proposons de les (re)découvrir ensemble au gré des saisons.

Janvier

Le « Hanabira-mochi » est le wagashi qui correspond au mois de janvier. Un mois consacré aux cérémonies du Nouvel An auxquelles les Japonais vont assister dans les temples, les sanctuaires et aux visites de politesse aux amis, à la famille. « Hanabira-mochi » signifie mochi de pétale de fleur, la pâte de riz (mochi) forme un rond que l’on replie en demi-cercle avec à l’intérieur de la pâte de haricot rouge (anko) et une fine branche de bardane qui dépasse aux extrémités. Le Hanabira-mochi se sert lors de la cérémonie du thé du Nouvel An.

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Février

Pour février, l’Uguisu-mochi est un incontournable. Son nom signifie « mochi de rossignol japonais » un oiseau qui revient avec le printemps. On confectionne l’Uguisu-mochi pour aller admirer ces oiseaux et donc guetter le retour des beaux jours. Ce mochi fourré d’anko est saupoudré de kinako vert (poudre de soja vert grillé) en référence au plumage de ce rossignol. Et non, ce n’est pas du matcha !

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Mars

Le temps se radoucit un peu en mars et la venue des cerisiers en fleurs approche. Pour patienter en attendant la floraison on mange le Sakura-mochi (桜餅) dont le nom parle de lui-même ! Il s’agit d’un mochi teinté en rose fourré d’anko enveloppé dans une feuille de cerisier (de la variété Oshima-zakura) comestible. Le type du mochi change selon que l’on se trouve dans le Kanto ou le Kansai. Délicieux et sucré-salé, c’est sans aucun doute notre préféré !

Source : Furyudo Wagashi

Avril

Le printemps arrive enfin et avec lui des températures plus clémentes. Les cerisiers sont en fleurs et c’est le moment de profiter du hanami ! C’est donc logique que l’on consomme pour l’occasion des « Ohanami dango » (花より団子). Le dango est une brochette de trois boulettes de farine de riz, il en existe de multiples variétés selon la saison ou la région. Pour le hanami on colore une boulette en rose (au sakura), une autre en vert (saveur matcha) avec celle du milieu que l’on laisse blanche.

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Mai

Une fête importante marque ce mois, le Kodomo no hi, la fête des enfants. Le wagashi qui lui est associé se trouve être le « Kashiwa-mochi » originaire de Tokyo : un mochi fourré d’anko et roulé dans une feuille de chêne qui symbolise la prospérité et le souhait que les parents ne doivent pas mourir avant la naissance d’enfants.

Source : Norihito Hiroseflickr

Juin

Le « Minazuki » est une douceur que l’on consomme en particulier le 30 juin, soit pile au milieu de l’année dans le cadre d’un rituel de purification estival nommé « Nagoshiharae » datant de l’ère Heian (794-1185) : on mange le Minazuki pour se débarrasser des pêchés et de la malchance accumulés pendant les six premiers mois et pour demander paix et chance pour le reste de l’année. Le rituel Nagoshiharae est aussi censé apporter longévité à ceux qui le suivent. Le Minazuki est constitué de deux couches de gelée de riz triangulaires ce qui lui donne un aspect rafraîchissant rappelant de la glace, car Juin marque la saison des pluies au Japon et une hausse des températures due à l’humidité dans l’air. La couche supérieure est parsemée de haricots « azuki » à qui on prête la capacité de repousser le mal.

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Juillet

Au cœur de l’été les matsuri battent leur plein dans une chaleur souvent étouffante qui peut dépasser allègrement les 30°C. Du coup, pour rappeler un peu de fraîcheur du printemps, on consomme le « Wakayu », un wagashi en forme d’Ayu, un poisson fait de « gyuhi », une farine de riz semblable au mochi.

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Août

La chaleur suffocante du mois d’août n’a rien à envier à celle du mois du juillet. L’aspect gélatineux du « Mizu Manju » (水まんじゅう) soit « le gâteau d’eau » que l’on déguste exclusivement l’été apporte lui aussi une sensation de fraîcheur. Sa pâte translucide est faite d’une poudre d’amidon extraite d’une plante nommée « kudzu » et renferme un cœur de pâte de haricot rouge.

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Septembre

Le mois de septembre marque la transition entre l’été et l’automne. Pour se préparer à l’arrivée d’une saison plus fraîche on mange le « Kuri Manju » (栗まんじゅう) dont la forme de châtaigne appelle déjà l’automne.

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Octobre

Comme annoncé en septembre la châtaigne est le parfum de l’automne. On en retrouve donc naturellement dans le wagashi de ce mois, le « Kuri Mushi Yokan » (栗羊羹) : une pâte de haricot rouge gélifiée fourrée de châtaignes.

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Novembre

Au printemps, les Japonais admirent les cerisiers en fleurs et en automne ils se tournent naturellement vers les érables aux feuilles rougeoyantes qui ne vont pas tarder à tomber. C’est avec logique que les mochi à la châtaigne sont en forme de feuille d’érable (紅葉の生菓子).

Décembre

En décembre, il fut longtemps la tradition de manger un maruyubeshi fabriqué à base de la chair du yuzu. Mais avec l’influence occidentale, la période de Noël a vu naître des wagashi festifs de toutes les formes et les couleurs (クリスマスの和菓子). Un paradoxe dont se conviennent très bien les japonais.

Source : Instagram

Naturellement, il existe aujourd’hui une pléthore de wagashi uniques en leur genre. Chaque pâtissier japonais fera preuve d’inventivité pour concevoir des créations à la fois somptueuses pour la bouche comme pour les yeux. On citera par exemple Junichi Mitsubori, dont les œuvres comestibles sont de véritables prouesses esthétiques (photo ci-dessous) sans oublier Hiroyuki Sanno à qui nous avons déjà consacré un article. D’autres, au contraire, font la promotion du minimalisme et du wagashi dans sa forme brute et primitive afin de préserver la tradition et le respect des saisons. Une chose est certaine, il y en a vraiment pour tous les goûts !

S. Barret


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