Les Japonais ont un grand respect envers les morts et leurs ancêtres, une mentalité issue du Bouddhisme et du confucianisme. Une fois dans l’année, ils se rendent dans leur famille pour honorer les défunts. C’est la fête de l’O-bon que Poulpy vous présente aujourd’hui.

La fête de l’O-bon tire ces racines de Chine, d’où elle est venue avec le Bouddhisme. La culture chinoise (et coréenne) imprégna en effet fortement le Japon, y compris en matière d’alimentation. Au IIème siècle nait le développement des échanges commerciaux et culturels entre les deux nations. L’influence chinoise chez une élite aristocratique nippone fascinée par l’Empire du Milieu culmine entre le VIème et le VIIIème siècle pour décliner à partir de l’époque Heian (794-1185). Par la suite une culture proprement japonaise va émerger en assimilant et synthétisant les influences chinoises. Deux nouvelles vagues d’influence chinoise balayeront de nouveau le Japon aux XIIème-XIIIème siècles puis au milieu du XIXème. On retrouve la trace de ces influences dans les arts (littérature, musique, théâtre, architecture), le calendrier, l’écriture avec les kanji, le confucianisme, l’organisation administrative et bien sûr le Bouddhisme.


Le Grand Bouddha de Kamakura. Source : flickr

De cette religion qui coexiste avec le Shintoïsme propre au Japon, les Japonais ont principalement repris les pratiques associées à la mort et aux funérailles. On dit d’ailleurs que les Japonais naissent shintoïstes et meurent bouddhistes. Et parmi ces rites, on compte celui de l’O-bon qui est l’équivalent en Chine de la fête des fantômes. Une fête célébrée depuis plus de 500 ans et qui a évolué avec le temps. La croyance veut qu’une fois dans l’année les esprits des ancêtres reviennent dans le monde des vivants visiter leur famille, il faut donc les accueillir avec déférence. Il s’agit aussi de libérer tous les esprits qui n’auraient pas trouvé la paix.

L’O-bon tire son origine d’un sutra bouddhiste, l’Urabon-kyô. Ce sutra raconte l’histoire de Mokuren, un disciple du Bouddha Sakyamuni, qui put voir sa mère décédée en usant de pouvoirs surnaturels. Il la découvrit souffrante dans un royaume où les morts ressentent une faim et une soif impossibles à étancher. Sur les conseils de Bouddha, il fit des offrandes de nourriture à ses parents décédés et aux moines du temple le 15ème jour du 7ème mois. Il eut la joie de voir sa mère délivrée et dansa de reconnaissance (danse qui donna naissance au Bon Odori).

L’O-bon dure trois jours et avant l’adoption du calendrier grégorien au début de l’ère Meiji (1868-1912) il était célébré, comme dans le sutra, vers le 15ème jour du 7ème mois du calendrier lunaire alors en vigueur. De nos jours, selon la région, sa date varie : on le fête entre le 13 et 15 juillet dans le Kanto, du 13 au 15 août dans le Kansai, et d’autres régions se réfèrent toujours à l’ancien calendrier lunaire ce qui donne une date variable. L’O-bon est avant tout l’occasion pour les Japonais d’aller retrouver leur famille et (d’oser) poser des jours de congé dans ce but.

#迎え火

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Durant ces trois jours on se plie à différents rituels. En premier lieu, on allume les « feux d’accueil », « mukae-bi » (maintenant souvent remplacés par des lanternes électriques) devant la demeure familiale pour aider les âmes des ancêtres à en trouver le chemin. Deux autels dédiés aux esprits défunts sont dressés dans la maison en signe de partage et de respect. L’un est destiné aux ancêtres, le second aux esprits tourmentés ou qui n’ont personne pour les honorer. Mais un seul autel peut remplir ces deux fonctions.

Des offrandes de nourriture (renouvelées trois fois par jour et composées de riz, gâteaux, légumes, fruits, plats préférés des défunts), d’encens et de fleurs y sont présentées. Un concombre symbolise le cheval grâce auquel l’esprit arrivera vite et une aubergine représente le bœuf sur lequel il repartira lentement. Autour de l’autel, on place des lanternes pour guider les esprits (elles sont blanches pour le premier O-bon d’un défunt dans certaines régions). Un moine est invité à venir réciter des sutras devant l’autel au milieu de l’O-bon.

Source : flickr

L’O-bon est aussi l’occasion de se rendre sur la tombe de ses ancêtres, de la nettoyer et de prier pour le repos des âmes au temple. Dans certaines régions on allume une lanterne ou une bougie sur la tombe familiale. Mais l’O-bon n’est pas seulement un temps religieux destiné au recueillement. Bien que consacré aux morts, c‘est aussi un moment joyeux de retrouvailles familiales.

De nombreux matsuri estivaux sont historiquement liés à l’O-bon comme le Mitama Matsuri, l’Awa Odori… que Poulpy a mentionné dans son article sur « Les 10 festivals de Tokyo à ne surtout pas manquer cet été« . De nos jours ces matsuris sont surtout un moment festif et leur relation avec la commémoration des morts est passée à l’arrière-plan. Ce n’est toutefois pas le cas du festival du Bon Odori donné pour honorer et réconforter les esprits des défunts. Datant de l’époque Muromachi (1333-1573), Bon Odori signifie « la danse du Bon ». Il s’agit donc d’une danse traditionnelle dont la forme et la musique varient selon la région du Japon. La chorégraphie en est toujours assez simple pour que tout le monde puisse participer facilement. Le port du yukata est bien sûr de rigueur pour supporter la chaleur de l’été.

Source : flickr

Au dernier soir de l’O-bon, un « feu d’envoi », « okuri bi« , est allumé dans la maison pour guider les esprits au retour vers « les Terres Pures » de Bouddha. Dans le même but les Japonais mettent à l’eau des lanternes de papier éclairées d’une bougie. Un rite qui se nomme Tôrô Nagashi qui marque la fin des festivités et des commémorations jusqu’à l’année suivante.

Anecdote étonnante, le Bon Odori s’est exporté au-delà des frontières de l’Archipel. On le célèbre notamment en Argentine. Les gens, de toutes origines, se rassemblent et dansent revêtus d’un yukata !

S. Barret