Dans la marée des animés qui sortent au Japon tous les trimestres, difficile parfois de faire le tri entre le bon et le passable. Pour « Violet Evergarden », la question ne se pose pas car nous sommes tout simplement face à un chef-d’œuvre du genre.
Violet Evergarden est un animé de 2018 de 13 épisodes (+un spécial qui se déroule entre le 4 et le 5). Il s’agit de l’adaptation d’un light novel écrit par Kana Akatsuki et illustré par Akiko Takase.
Nous y suivons les pas de Violet, une orpheline de guerre. Transformée en machine à tuer au service de l’armée, elle se retrouve dévouée à son supérieur, le Major Gilbert. À la fin de la guerre, elle commence un travail de « poupée de souvenirs automatique » dans la Compagnie des Postes CH. La jeune fille y est chargée d’écrire des lettres pour ses clients en y retranscrivant leurs sentiments. Elle qui a oublié ce qu’est d’en ressentir se donne ainsi pour mission de comprendre les derniers mots que lui a glissés le Major avant de disparaître : « Je t’aime. »
Sentiment, songes et vérité

Dans les premières minutes de Violet Evergarden, le spectateur se demande s’il est en face d’une femme de chair et de sang ou bien d’un robot. Notre héroïne est en effet impassible et ses réponses sont d’une rigueur militaire. Normal, justement, pour l’ancienne soldate qu’elle était encore il y a quelques mois. Sous ses airs de jeune fille au cœur de pierre se cache pourtant un être meurtri par la vie. Elle qui n’avait connu que le désarroi et l’abandon avant de croiser la route du Major se retrouve à nouveau livrée à elle-même dans un monde dont elle ne comprend rien. Ce qu’elle ressent ? Elle ne le sait pas.
C’est donc sa quête d’identité et de sens que nous allons suivre. Et quelle quête bouleversante ! Au grès de ses rencontres avec ses clients, ses collègues et d’anciennes connaissances, Violet va s’ouvrir comme la fleur dont elle porte si joliment le nom. L’anime est une véritable ode aux émotions humaines et nous invite à ne pas les garder pour nous.
La force des mots

Le scénario de Violet Evergarden est divinement écrit. Et l’idée de départ de ces « poupées de souvenirs automatique » qui retranscrivent les mots des autres dans des lettres est un coup de maître pour lui donner encore plus de force. Ce procédé qui nous semble aujourd’hui si lointain a pourtant été un véritable typhon d’émotions pendant des millénaires.
Alors que nous vivons une époque où la communication n’a jamais été aussi facile, elle est pourtant de plus en plus utilisée pour ne rien dire. Dans le monde de Violet, s’envoyer une lettre est encore un lien puissant, un cri du cœur, parfois même le tombeau de dernières paroles qui ne seront jamais oubliées.
Et si la jeune fille veut comprendre ce que signifie « Je t’aime. », l’anime nous invite, lui, à le dire plus souvent. « Tu me manques. », « Je pense à toi. », « Je serai toujours à tes côtés. »… Oui, ces phrases sont d’un romantisme outrancier mais il ne faut jamais oublier qu’on ne les dit et ne les entend jamais assez. Surtout quand, autour de nous, tout s’écroule.
Conflit passé bien présent

L’univers de Violet Evergarden se déroule alors qu’une guerre entre le nord et le sud d’un continent vient de se terminer. Par notre héroïne, nous partageons ainsi le quotidien d’une personne qui doit réapprendre à vivre après avoir vécu le pire de l’humanité. Comment oublier le bruit des balles ? Ne pas se réveiller la nuit en se remémorant les coups de canon ? Comment continuer à utiliser des mains qui ont pourtant ôté des vies ? Lors de flashbacks du conflit, il n’y a plus de place que pour la sauvagerie. Et là encore, les scènes d’action sont très réussies.
Le propos est ainsi très adulte et réfléchi. Personne ne sort jamais indemne d’un conflit et se reconstruire prend du temps. Dans l’animé, c’est la convivialité, la bienveillance et l’entraide qui aident les différents personnages à retrouver l’envie simple de sourire.
Et quand on évolue dans un écrin aussi lumineux, il est difficile de ne pas se sentir apaisé.
Beauté divine !

Difficile en effet de passer à côté de la maestria technique de Violet Evergarden. Tout ici flatte la rétine et on ne peut que saluer le travail de Kyoto Animation. Le studio d’animation japonais est ici au sommet de son art, comme pour Sound! Euphonium ou A Silent Voice. Les couleurs sont magnifiques, les dessins d’une grande finesse et le design des plus délicats. L’ambiance qui rappelle l’Angleterre victorienne est très réussie et d’une cohérence sans faille.
La bande-originale orchestrale est également d’une richesse émotionnelle et mélodique rare. L’américain Evan Call la signe avec pudeur et retenue, lui qui est devenu depuis un spécialiste du genre. Sur les dernières années, il a par exemple offert sa verve romantique à deux autres œuvres animées mémorables : Frieren et My Happy Marriage.

Violet Evergarden réussit-il donc un sans-faute ? Il faut croire que oui car, ici, tout fonctionne et est d’une grande justesse. Dans l’action, l’émotion, la réalisation, le scénario, le design, la production, la musique, on est clairement dans le très haut du panier de l’animation japonaise. L’animé est tout simplement une réussite totale qui vous marquera à jamais. Une œuvre rare à regarder avec une grosse boîte de mouchoir en papier entre les mains. Prévoyez même deux boîtes rien que pour l’épisode 10.

Violet Evergarden est disponible en intégralité sur Netflix. Deux films d’animation ont également suivi (+un troisième récapitulatif de la série) et sont à retrouver sur le même service de streaming.
Stéphane Hubert














































