C’est un géant majestueux qui culmine à 3 776 mètres ce qui en fait la plus haute montagne du Japon. Le mont Fuji est une icône incontournable du pays en témoignent son ascension effectuée quasi religieusement par des milliers de Japonais chaque année, les innombrables estampes qui le représentent et son portrait que ne se lassent pas de prendre les photographes professionnels, amateurs ou simples touristes (revoir notre article dédié à ce sujet). On en oublierait presque que le Fuji-san est un volcan, qui plus est un volcan actif, seulement endormi temporairement… et dont la prochaine entrée en éruption n’est qu’une question de temps.

S’il est difficile de prévoir précisément et longtemps en avance quand un volcan entrera en éruption les scientifiques peuvent néanmoins se baser sur certaines données concrètes comme la fréquence moyenne des éruptions, des relevés de données sismiques et de la pression dans la chambre magmatique. Ces contrôles sont effectués régulièrement par le Comité de coordination pour la prévention des éruptions volcaniques. Comme le Mont Fuji est situé dans une zone où se convergent trois plaques tectoniques (pacifique, eurasienne et philippine) – une région au risque sismique élevée donc – son activité est particulièrement surveillée, un puissant tremblement de terre étant susceptible de réveiller d’une fois le géant endormi tel un bouton sur le visage d’un adolescent soudainement pressé.

Le Mont Fuji a gagné le surnom de « grand magasin des éruptions » en raison de ses fréquentes éruptions. Lors de celles-ci, le volcan peut générer des coulées de lave ou plus fréquemment cracher du magma, des cendres et des scories. Il est classé dans la catégorie des stratovolcans et plus précisément comme volcan gris. Quatre éruptions explosives ont marqué la préhistoire du Japon, l’époque Jômon (de -13 000 à -400). Puis dans l’histoire récente du Japon, le Mont Fuji a connu 16 éruptions entre 781 et 1707. Douze ont eu lieu durant l’époque Heian (794-1185) entre l’an 800 et 1083 seulement. Mais le volcan est aussi adepte des longues périodes de repos : il est ainsi resté silencieux pendant cinq siècles, entre 1083 et 1511. Sa dernière éruption remonte à l’an 1707, dénommée « la grande éruption de Hôei » qui a fait suite au séisme du même nom. À cette occasion il a rejeté une grande quantité de cendres qui ont atteint la capitale distante de plus de 100 kilomètres.

Une silhouette intacte. Jusqu’à quand ? Source : o331128 via flickr

Depuis le début du XVIIIème siècle, le Mont Fuji est donc endormi, semble-t-il, profondément. Mais pour certains experts, il pourrait ne plus tarder à se réveiller. Parmi les signes qui inquiètent, ce long sommeil de 300 ans d’une part. Jamais le Mont Fuji n’avait dormi aussi longtemps ! Sa dernière « période de repos » avait duré 200 ans seulement. On est alors tenté de se dire que le volcan est « en retard » sur son cycle normal de réveil. Mais il faut aussi se rappeler que le volcan avait précédemment connu une période de silence de cinq siècles. Seule, cette pause n’est donc pas alarmante. Ce qui préoccupent surtout les spécialistes c’est son instabilité structurelle depuis le grand tremblement de terre de mars 2011. C’est notamment l’opinion de Hiroki Kamata, professeur de volcanologie à l’Université de Kyoto. Le Mont Fuji était entré en éruption pour la dernière fois 49 jours après un séisme de magnitude 8,6, il n’est donc pas à exclure que ce scénario puisse se reproduire suite au prochain grand tremblement de terre qui frapperait la région.

Toutefois, il est aussi arrivé que le Mont Fuji entre en éruption « seul », sans qu’un séisme ne le précède, nuance Takayoshi Iwata, directeur du Centre de recherche intégrée et d’éducation sur les risques naturels de l’Université de Shizuoka. Si un séisme n’est donc pas obligatoirement un évènement déclencheur il faut néanmoins rappeler qu’à la suite du tremblement de terre de 2011, des mouvements tectoniques avaient entraîné une augmentation de la pression dans la chambre magmatique. En septembre 2012, celle-ci atteignait 1,6 MPa (megapascal) alors qu’une éruption est théoriquement envisageable à partir d’une pression de 0,1 MPa. La pression est donc largement audelà de ce qui est nécéssaire pour générer théoriquement une éruption. En outre, il est à noter que cette pression est plus élevée que lors de sa dernière éruption de 1707.

Source : o331128 via flickr

Pourtant, et heureusement, le Mont Fuji est resté calme en 2011. Les scientifiques ayant étudié le volcan pensent que la quantité de magma dans la chambre n’était pas suffisante pour « activer » une éruption à l’époque, la pression de la chambre n’étant qu’une condition nécessaire parmi d’autres. Mais la possibilité d’une éruption dans les années à venir reste théoriquement probable. Les experts gardent aussi un œil sur une faille géante découverte dans le sous-sol du Mont Fuji. Si celle-ci venait à bouger, un effondrement de la montagne dans cette faille ne serait pas à exclure, avaient averti les chercheurs en mai 2012.

Une chose semble certaine, à plus ou moins long terme, le Mont Fuji entrera de nouveau en éruption. Et les conséquences en seraient catastrophiques : portées par le vent, des cendres pourraient retomber sur plusieurs villes dont Tokyo, provoquant coupures d’électricité, d’eau et des télécommunications ; trains et avions ne pourraient plus circuler durant une période prolongée. Le cœur économique du Japon serait alors paralysé. Les cendres pourraient aussi provoquer des glissements de terrain et des problèmes de santé si elles étaient ingérées accidentellement.

Un jour une éruption décapitera le Mont Fuji. Source : Hiro via flickr

Mais ce sont des risques avec lesquels les Japonais ont appris à vivre ne pouvant s’y soustraire, familiers qu’ils sont depuis des siècles avec les catastrophes naturelles qui ravagent régulièrement l’Archipel. Du moins, en théorie. Car si les japonais sont habitués aux tremblements de terre très fréquents, Tokyo ne semble pas vraiment adaptée pour faire face à un tel évènement rare. Il règne donc une certaine insouciance concernant le risque d’éruption de Fuji. Comment peut-on imaginer une évacuation d’urgence qui concernerait plusieurs dizaines de millions de personnes qui vivent dans la région de Tokyo ? Quid de la distribution de masques à gaz efficaces à autant de personnes en quelques heures ? Le moment venu, il faudra uniquement compter sur les plans d’urgence mis au point par le gouvernement en cas de catastrophe…

S. Barret


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