Le bonheur et l’amour disparaissent-ils quand leur raison d’exister n’est plus ? « Super Happy Forever », film japonais délicat, nous invite à nous poser la question.
Super Happy Forever est un film de Kohei Igarashi, co-réalisateur avec le français Damien Manivel, en 2017, de Takara – la nuit où j’ai nagé que nous avions beaucoup aimé.
L’histoire suit Sano, de retour à lzu, sur le littoral japonais. Il semble absent à lui-même et à ce qui l’entoure, sauf à cette casquette rouge qu’il cherche obstinément. Il est en quête d’un signe, d’une trace. De quelque chose qui pourrait attester d’un événement survenu ici, en réincarner le souvenir. Comment soigner la plaie béante ouverte sur son cœur ? À lui de trouver, dans son passé, où se trouve l’antidote à ce mal qui le ronge.
A la recherche de la casquette rouge

Super Happy Forever nous raconte ainsi une rencontre et une séparation. Dès les premières minutes, nous apprenons que Sano a perdu Nagi, sa femme, subitement décédée. L’homme est dévasté et, sur un coup de tête nostalgique, retourne dans l’hôtel de bord de mer à Izu, dans lequel il l’avait rencontrée. Sa quête désespérée pour une casquette perdue 5 ans avant n’est qu’une excuse. Inconsolable, il en veut à la terre entière et se comporte mal avec à peu près toutes les personnes qu’il croise.
Le réalisateur nous montre alors un homme sans espoir qui n’arrive plus à croire en demain. Comme si cette perte marquait pour lui la fin du bonheur à jamais. Reviendra-t-il ? Aux yeux du Japonais ligoté à un passé auquel il se raccroche, c’est une quête perdue d’avance.
Il faut dire que les signes autour de lui semblent pointer vers cet immuable futur qu’il accepte sans vraiment se battre.
Peu à peu, l’effacement…

Dans Super Happy Forever, l’aujourd’hui engloutit en effet l’hier en se pliant aux aléas du monde en mouvement. L’hôtel où Sano a rencontré Nagi va fermer. Le restaurant où ils ont mangé ensemble la première fois est fermé lui aussi. Le temps a-t-il décidé d’effacer toute trace de leur idylle ? Sano en vient ainsi à se poser des questions sur la réalité de ce qu’il a vécu. Sa compagne était-elle vraiment heureuse à ses côtés ? Il n’en est plus sûr. Comme si la magie de ce moment qui a vu naître l’amour allait s’évanouir.
Le metteur en scène et scénariste souhaite pourtant nous rappeler que la réalité est contraire : les moments de bonheur sont nombreux dans la vie et ce sont eux qui devraient nous hanter.
ATTENTION ! La suite de l’article comporte des spoilers sur l’histoire.
Aujourd’hui n’est rien sans hier

Au milieu du long-métrage, un étrange événement se produit : nous repartons 5 ans plus tôt pour assister à la fameuse rencontre. Nous allons ainsi être les heureux témoins de la naissance de l’amour entre Sano et Nagi. Tant de hasards ! Tant de coïncidences qui s’enchaînent ! Comme si le destin avait réuni ces deux âmes lumineuses sur un même moment pour qu’ils soient heureux comme jamais ils n’auraient pensé l’être.
C’est donc cette force qui fait, justement, que quand la fin brutale arrive, tout cela semble injuste et insupportable dans le cœur du jeune homme. Mais si le réalisateur prend le parti-pris de nous montrer ce bonheur, ce n’est pas pour en souligner sa disparition mais plutôt le fait qu’il a eu la chance d’exister et que son souvenir sera toujours bien réel. Ainsi qu’il explique justement :
Le film ressemble à une histoire triste si on le regarde sur une seule ligne de temps. Mais si on ne regarde pas le temps de manière linéaire, les moments heureux ne sont pas perdus pour toujours. J’espère que les spectateurs garderont cette impression en sortant de la projection.
Sous les sourires pudiques et enjôleurs du couple qui se forme, le spectateur se souviendra de cette bien belle rencontre au bord de la mer. Par son choix de mélanger les temporalités, Super Happy Forever nous plonge dans une mer de désespoir avant de nous en sauver pour nous imbiber d’un bonheur tellement fort qu’il nous cajole.

Distribué par Survivance, le film est à découvrir au cinéma en France dès le 16 juillet.
Stéphane Hubert















































