Le Japon offre une centaine de châteaux visitables de nos jours. Mais la majorité d’entre eux en sont que des reconstructions en béton moderne, les originaux ayant subi les affres du temps et des Hommes entre incendies, guerres, séismes, destructions lors de la modernisation de l’ère Meiji, ou encore bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, seuls douze châteaux japonais, construits entre le XVIᵉ et le début du XVIIᵉ siècle, possèdent encore leur donjon « tenshu » d’époque. Poulpy vous les présente.

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Une précision s’impose pour commencer. Sont considérés comme authentiques les châteaux japonais dont le donjon principal ‘tenshu’ a été construit au plus tard à la période Edo (1603-1868), pendant le Japon féodal. Divers degrés de préservation sont tolérés pour valider cette authenticité : de la conservation quasi intacte à la reconstruction à l’identique avec les matériaux d’origine, en passant par les rénovations régulières tolérées et même la disparition des bâtiments annexes. Et cela ne manque d’ailleurs pas d’alimenter les débats entre les historiens ! Car si ces règles étaient plus radicales et validées historiquement, il n’y aurait probablement plus aucun château authentique au Japon de nos jours.

1. La forteresse Bitchū-Matsuyama-jō 岡山県

Ce château situé dans la ville de Takahashi (Okayama) culmine au sommet du mont Komatsu, à 430 m d’altitude, ce qui en fait le plus haut château du Japon. Lorsque des nuages enveloppent les montagnes alentours, on a l’illusion que le château flotte dans les airs, d’où son surnom de « château dans le ciel ».

Si sa construction débute en 1241, le bâtiment actuel n’a été achevé qu’en 1683, avec l’édification du donjon par le daimyô Mizunoya Katsutaka sur ordre du shogun.

Source : Tetsushi Kimura – flickr CC

Son donjon à deux étages (classé « Bien culturel important » ainsi que le mur d’enceinte) offre une splendide vue panoramique qui se mérite, le site n’étant accessible qu’à pied par un chemin escarpé de 700 mètres.

Mais cela ne rebute pas les visiteurs, attirés par le nouveau maître du château : un chat errant nommé Sanjûrô apparu au moment où des pluies diluviennes frappaient la région en 2018 et devenu la mascotte de la ville. Il ne quittera plus jamais les lieux.

2. Le patchwork Hikone-jō 滋賀県 (préfecture de Shiga)

Comme celui d’Inuyama, le château de Hikone, achevé en 1622, est classé Trésor national. Il est aussi l’un des premiers sites à être désigné « Japan Heritage » en 2015. Une appellation de l’agence pour les Affaires culturelles qui distingue les « biens culturels matériels et immatériels dont les attraits sont inséparables de la narration des récits du patrimoine japonais » pour revaloriser les régions.

Source : Wikimedia Commons

Le château de Hikone se caractérise par une architecture qui intègre des éléments d’autres châteaux démantelés et déplacés. Ainsi son donjon construit en 1575 appartenait à l’origine au château d’Ôtsu, d’autres parties proviennent du château de Nagahama, et des pierres sont récupérées du château de Sawayama.

Au début de l’ère Meiji en 1868, de nombreux châteaux japonais sont détruits et c’est sur demande de l’Empereur que celui de Hakone a été préservé.

3. Le majestueux Himeji-jō 兵庫県 (préfecture de Hyōgo)

Sans doute le château japonais le plus célèbre, un Trésor national inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO comme « expression la plus parfaite de l’architecture de château du début du XVIIe siècle au Japon. »

Source : Patrick Müller – flickr CC

Le « château du Héron blanc » ainsi qu’il est surnommé en raison de sa couleur, comprend 82 bâtiments étalés sur 107 hectares. Si quelques bâtiments mineurs ont disparu au fil du temps, l’intégrité et l’authenticité du site ont été miraculeusement bien préservées.

Autour de son donjon haut de 46,4 mètres se développe tout un système défensif typique de l’époque féodal qui ne sacrifie pas l’harmonie et l’esthétique de l’ensemble. On y retrouve des remparts, des tourelles, des meurtrières, des mâchicoulis, des douves, un agencement labyrinthique désorientant la progression des assaillants (et des visiteurs désormais).

Peinture du château de Himeji en vue aérienne, Circa 1870. Source : Wikimedia Commons

4. Le nordique Hirosaki-jō 弘前城 (préfecture d’Aomori)

Le château le plus au nord de l’Archipel, achevé en 1611. Son statut de château authentique fit débat en raison de sa reconstruction en 1811. La foudre l’avait réduit en cendres en 1627 et son donjon passa de cinq à trois étages quand il fut rebâti au XIXe siècle.

Source : Wikimedia Commons

En 2015, le mur de pierres sur lequel le château s’appuie devait être renforcé après avoir été fragilisé par un tremblement de terre en 1983. Pour mener cette campagne de restauration à bien, le château dû être entièrement déplacé.

5. Le disputé Inuyama-jō 愛知県 (préfecture d’Aichi)

Situé dans la ville d’Inuyama en surplomb du fleuve Kiso, le château marque la frontière entre les préfectures d’Aichi et Gifu. Ses bâtiments principaux ont été achevés en 1537 par Oda Nobuyasu, l’oncle d’Oda Nobunaga. Son donjon, légèrement postérieur, fut édifié entre 1601-1620.

Source : Wikimedia Commons

A l’époque Sengoku (1467-1603) qui précéda l’Unification du Japon et le début de l’époque Edo (1603-1868), le château d’Inuyama fut disputé par les trois unificateurs du Japon, Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, et Tokugawa Ieyasu.

On lit souvent qu’il s’agit du plus vieux donjon en bois du Japon alors que ce titre revient en fait à celui de Maruoka, bâti en 1576. Mais son ancienneté et son état de préservation valent au château d’Inuyama d’être classé Trésor national en 1935.

6. L’intact Kōchi-jō 高知県 (préfecture de Kōchi)

Ce château compact terminé en 1611 est le seul du Japon à avoir conservé intacts la quasi totalité de ses bâtiments d’origine dont la résidence seigneuriale Kaitokukan. Quinze de ses bâtiments sont ainsi comptés parmi les « Biens culturels importants » du Japon.

Source : Wikimedia Commons

Le musée d’histoire du château de Kōchi se trouve à quelques pas du site, et son parc s’apprécie particulièrement au printemps, au moment de la floraison des cerisiers.

7. Le rempart Marugame-jō 香川県 (préfecture de Kagawa)

Achevé en 1597, l’existence de ce château fut dictée par les volontés du pouvoir en place : il fut ainsi en partie détruit en 1615 quand un édit shogunal interdit aux provinces d’abriter plus d’un château. Le clan Ikoma gouvernant la province de Sanuki privilégia alors son château de Takamatsu à celui de Marugame.

Mais ce dernier fut reconstruit entre 1641-1644 par le seigneur Yamazaki. Les restes du château faisaient partie du fief qu’il obtint en récompense de ses services militaires. La création de ce fief divisa la province de Sanuki en deux, autorisant l’édification d’un château. Nombre de ses bâtiments brûlèrent dans un incendie en 1869 et d’autres furent détruits sur ordre du gouvernement Meiji en 1870.

Source : Wikimedia Commons

Le château est réputé pour ses impressionnants murs en pierre incurvés qui frappent les visiteurs à son abord. Celui menant au donjon est le plus haut du pays avec sa quinzaine de mètres.

8. Le vénérable Maruoka-jō 福井県 (préfecture de Fukui)

Le donjon de ce château, bâti en 1576, est le plus ancien du Japon, ce qui lui vaut d’être un Bien culturel important. En 1948, un tremblement de terre détruisit entièrement le château, et sa reconstruction en 1955 se fit en récupérant 70 % de matériaux originaux. Une légende veut que la brume dissimule le château quand des ennemis approchent, ce qui lui vaut d’être surnommé le « château du brouillard » !

Source : Wikimedia Commons

Son architecture comporte quelques particularités notables comme l’absence d’un pilier central sur toute sa hauteur servant à soutenir les étages. Ici, c’est le premier étage qui supporte les suivants. Ses escaliers sont quasiment verticaux si bien qu’ils ont été munis d’une corde pour aider à les grimper. Son toit est recouvert de tuiles en pierre au lieu de tuiles en terre cuite pour résister au gel.

Plus du domaine de la légende, on dit que le donjon a été construit en suivant le rite du pilier humain hitobashira, demandant qu’un être humain soit emmuré dans l’édifice pour en assurer la solidité.

9. Le pluvier Matsue-jō 島根県 (préfecture de Shimane)

Achevé en 1611, le château Matsue (et Trésor national) traversa les siècles en échappant aux catastrophes naturelles et aux incendies jusqu’à la Restauration Meiji dont le gouvernement fit détruire la plupart des châteaux. Seul son donjon en réchappa.

Source : Wikimedia Commons

Sa toiture aux bords relevés lui vaut le surnom de « château du Pluvier » en raison de la ressemblance avec les ailes déployées de l’oiseau éponyme. Son bois doit sa teinte noire à un enduit confectionné à partir de kaki. Son donjon a été construit grâce à une rare technique des piliers enchevêtrés pour remédier au manque de poutres de longueur suffisante. Celles-ci, utilisées pour les piliers centraux soutenant l’édifice, font d’ordinaire la hauteur du bâtiment mais à Matsue les architectes durent se contenter d’une hauteur de deux étages.

10. Le ténébreux Matsumoto-jō 長野県 (préfecture de Nagano)

Contrairement aux autres châteaux authentiques qui sont des hirayama-jiro (château en hauteur), celui de Matsumoto est le seul qui fut construit dans une plaine, entre 1592 et 1614. Il repose sur des pilotis. Les douves qui le ceinturent reflètent son image, ce qui rend le site particulièrement photogénique.

Source : Wikimedia Commons

Il est surnommé le « château du corbeau » en raison de sa couleur noire, bien que sa façade alterne en fait le bois noir et l’enduit blanc. Il s’agit d’un des plus grands châteaux japonais et le seul d’origine avec celui de Himeji à avoir un donjon à cinq niveaux (pour six étages intérieurs).

11. Le malchanceux Matsuyama-jō 愛媛県 (préfecture d’Ehime)

Construit en 1603 sur le mont Katsuyama à 132 mètres d’altitude, le château fut frappé par la foudre en 1784 et largement détruit par l’incendie qui s’en suivit. Reconstruit entre 1820 et 1854, la Restauration Meiji le prive d’une partie de ses tours et de ses fortifications. Au XXe siècle, il subit des bombardements américains en 1945 et un incendie en 1949.

Source : Wikimedia Commons

Dominant la ville de Matsuyama, il offre un magnifique panorama sur la région et la mer intérieure de Seto.

12. Le portuaire Uwajima-jō 愛媛県 (préfecture d’Ehime)

Également connu sous le nom Tsurushima-jō, le château d’Uwajima fut construit en 1596 par le daimyo Tōdō Takatora, réputé excellent bâtisseur. Malgré les reconstructions, il a conservé le style de son concepteur.

Source : Wikimedia Commons

A l’origine, le château donnait par trois côtés sur la mer Intérieure, mais avec la transformation de la ville portuaire d’Uwajima, il se trouve désormais en son centre. La taille somme toute modeste de ce donjon ne l’a pas empêché d’être classé « bien culturel important du Japon ».

Désormais, vous pourrez citer les douze châteaux authentiques du Japon : Bitchū Matsuyama-jō, Hikone-jō, Himeji-jō, Hirosaki-jō, Inuyama-jō, Kōchi-jō, Marugame-jō, Maruoka-jō, Matsue-jō, Matsumoto-jō, Matsuyama-jō et Uwajima-jō. Et pourquoi ne pas organiser un pèlerinage à travers le Japon pour tous les découvrir ?

S. Barret