C’est une tradition japonaise méconnue en occident. Elle est pourtant pratiquée dans les régions de Gifu & de Nagano : la culture et la chasse des guêpes et des frelons. Mais à la différence des abeilles que l’on élève pour déguster le miel qu’elles produisent ici ce sont les insectes eux-mêmes qui seront consommés ! Découverte de cette étonnante pratique méconnue au Japon même.
Plus exactement ce sont les larves et les nymphes de ces créatures que certains japonais consomme dans une tradition séculaire. Mais récapitulons les différentes étapes de cet élevage un peu particulier avant que les créatures n’arrivent dans nos assiettes. Tout débute par une chasse unique en son genre…
Il faut tout d’abord se lancer à la chasse d’un nid existant dans la nature. Chose qui n’est pas aisée car frelons et guêpes construisent leur nid le plus souvent sous terre. En effet, on ne peut créer une nouvelle ruche avec l’essaim d’une ancienne comme avec les abeilles. Il faut donc pouvoir détecter l’animal volant dans la nature et le « poursuivre » jusqu’à sa demeure…
Le chasseur va donc disposer des appâts de nourriture à l’intention des guêpes chargées du ravitaillement. De légers fanions blancs sont accrochés à ces appâts pour que le « chasseur » puisse suivre la guêpe jusqu’à son nid. Une véritable course contre la montre quand on voit à quelle vitesse les guêpes peuvent se déplacer entre les habitations et la végétation. Pour les frelons, de telles précautions sont inutiles, l’insecte étant assez gros et visible pour que le chasseur le suive sans l’aide d’un fanion. Celui-ci peut même mesurer jusqu’à 6 centimètres ! De plus, pour minimiser les risques, sont uniquement traqués les nids signalés par le voisinage qui risquent d’être un danger pour l’Homme. Ces chasseurs ne vont donc en principe pas en pleine nature pour s’attaquer aux créatures.
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Une fois le nid localisé, on entreprend de le déterrer soigneusement. On peut soit le « récolter » tout de suite ou, dans le cas des guêpes, s’en occuper quelques temps pour qu’il se développe davantage en milieu contrôlé. Au cours de la capture du nid, les frelons attaquent les intrus qui les chassent vers des pièges disposés à proximité : des bouteilles remplis d’alcool « shôchû » ou de whisky dont les créatures semblent raffoler. Une fois en contact avec le liquide, les frelons ne peuvent s’échapper. On laissera cette boisson reposer pendant une année au moins avant de la consommer, le temps nécessaire pour que le venin se mélange à l’alcool et en améliore la saveur. En vue de l’élevage, le nid de guêpes est placé dans une ruche en bois avec son essaim et surtout sa reine. Pendant plusieurs mois, l’éleveur va apporter de la nourriture aux insectes : eau sucrée et viande !
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Récupérés au début de l’été (juin-juillet), les nids de guêpes sont récoltés au début du mois de novembre. Selon cette pratique, la récolte entrainera nécessairement la destruction du nid de guêpes ou de frelons. Comme pour la récolte du miel, on commencera par enfumer le nid pour désorienter les insectes, puis on découpera son enveloppe extérieure pour récupérer les rayons qui contiennent les larves et les nymphes. Larves et nymphes des frelons sont plus grosses que celles des guêpes. Elles seront enfin consommées en beignet, en tempura, confites, poêlées, en sashimi…
Plusieurs festivals célébrant cette culture assez particulière se tiennent au moment de la récolte, soit en novembre, comme celui du village de Kushihara. Il est fortement déconseillé aux personnes allergiques de s’y rendre car le risque de piqure y est très élevé ! Comme des dizaines de nids de guêpes sont ouverts face aux curieux, c’est autant d’essaims furieux qui se retrouvent privés de leur maison et à même de s’attaquer aux premiers humains à leur portée. Ne cherchez pas, ça fait partie du folklore local. Mais les courageux qui s’y rendront pourront assister au concours du plus gros nid de guêpes, les éleveurs ayant chouchouté les leurs durant des mois. Les amateurs de larves et de nymphes s’y pressent pour acheter les plus fraiches possibles et constituer un stock pour l’hiver. Comme dans tout matsuri, des stands de nourriture permettront aux visiteurs de se restaurer avec, forcément, des préparations à base d’insectes : riz à la guêpe, saké au frelon attendent les curieux. Mais la spécialité du festival qui fait se déplacer les gourmands est le hebo gohei mochi, un gâteau de riz gluant grillé et nappé d’une sauce aromatisée aux guêpes. Un met si apprécié que le stock est tari en deux heures à peine !
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Les festivals attirent toujours du monde mais les plus anciens s’inquiètent de l’avenir de cette tradition. De moins en moins de jeunes s’intéressent à cette chasse et à la culture des guêpes et des frelons, même parmi les nouveaux habitants. À terme, les anciens craignent l’absence de relève, un problème récurrent dans de nombreux artisanats traditionnels. De plus, la dangerosité de ces festivals risque de menacer à terme leur tenue, ce qui serait désastreux pour les professionnels qui en vivent. Mais pour que la tradition survive, dans la région de Kushihara, on a commencé à initier les lycéens d’un établissement local à la culture de ces insectes. Pas folle la guêpe !
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S. Barret
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Sources : lescriquetsmigrateurs.com / lescriquetsmigrateurs.com
