Yoriko se demande comment rester calme et continuer à vivre après la disparition du jour au lendemain de son mari. Son échappatoire ? Une étrange secte qui offre le salut grâce à une eau spéciale qui permet de repousser les mauvaises pensées. Notre avis sur « Le Jardin zen », nouvelle comédie noire à découvrir au cinéma en France dès le 29 janvier.

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Le Jardin zen est un film écrit et réalisé par Naoko Ogigami (Close-knit).

Nous y suivons Yoriko, qui semble vivre sa meilleure vie depuis que son mari a disparu et qu’elle a rejoint la secte de l’eau. Elle entretient également son jardin zen, le ratissant avec calme et attention pour y faire pousser le sentiment d’harmonie. Quand le déserteur finit par revenir à la maison après de nombreuses années d’absence, toute cette apparente quiétude est alors remise en question… Critique.

Le Jardin zen : des eaux et des bas

Le film commence alors que la catastrophe de Fukushima de 2011 vient d’avoir lieu. Tout d’un coup, l’eau nourricière à l’abondance familière de nos robinets devient problématique. Alors on se jette en urgence sur les stocks de bouteilles dans les supermarchés.

D’autres y voient surtout l’occasion de monter un business sectaire. Telle celle née de « l’eau de la vie verte ». Dans la secte qui en détient le secret, vous pourrez vous procurer ce liquide pure, bénie par un maître finalement bien invisible. Tout cela, bien sûr, contre quelques yens.

Il faut savoir que ce genre de cultes ésotériques qui confinent à l’arnaque sont monnaie courante au Japon et, pour la plupart, légales. Le gouvernement du pays se montre en effet bien laxiste face à leurs dérives et leur laisse pignon sur rue. Ce n’est donc pas une surprise si, par exemple, la secte raëlienne est allée se réfugier sur l’archipel après ses déboires en Europe et aux États-Unis.

Le Jardin zen nous dévoile ainsi le mal qu’elles peuvent faire sur les âmes en peine ou en détresse. Ces sectes recrutent même les pauvres et les sans-abris en offrant des repas gratuits dans les parcs. Sous couvert d’une bonne action se cache une exploitation pure et simple de la misère humaine pour élargir les rangs d’acheteurs potentiels.

Ici, la secte extorque donc sans hésiter la pauvre Mariko de centaines de milliers de yens en eau verte. Son appartement est rempli de bouteilles du précieux nectar, symbole d’un vide rempli par un autre vide. Un dernier échappatoire pour simplement survivre ?

Fukushima, mon amour

Le film nous montre en effet comment les personnes réagissent aux drames. Il y a ceux qui fuient. Ceux qui cherchent des solutions, sans finalement vraiment en trouver. D’autres restent figés face à un traumatisme qui a tant marqué une population fragilisée par de nombreuses tragédies. Yoriko, elle, fait ce qu’elle peut pour rester calme face aux adversités, et le premier pas se fait dans sa cours.

Le jardin zen qui donne son nom au film est en effet d’une grande puissance métaphorique tant il est souvent marqué de traces malvenues sur ses lignes pourtant bien dessinées. Oui, sa quiétude y est bouleversée par la présence de nombreux électrons venus de l’extérieur qui mettent en péril un équilibre durement retrouvé.

« Si tu cherches la vengeance, creuse deux tombes »

Que faire face à ça ? Rendre œil pour œil et dent pour dent ? « Si tu cherches la vengeance, creuse deux tombes » se fait rétorquer Yoriko. Ce sont dans ces moments de colère refrénés que le film montre une autre facette : celle de l’humour.

Un cri d’humour

Vous l’aurez compris, rester zen n’est pas une mince affaire pour Yoriko. Son équilibre est en effet mis à mal et son calme se fissure sous les attaques répétées du monde extérieur. Quand la sexagénaire est prête à craquer et que la rage bouillonne en elle, le spectateur rit beaucoup. La Japonaise n’a pas droit de se venger mais ne peut néanmoins s’empêcher quelques écarts. Notamment sur une malencontreuse brosse à dent. « Quelle épouse modèle » trouve pourtant à dire une de ses « collègues » de secte.

« Quelle épouse modèle »…

C’est la fabuleuse Mariko Tsutsui qui se glisse dans le costume de Yoriko, la douceur de ses traits contrebalançant parfaitement avec sa furie intérieure. L’actrice de Harmonium et L’Infirmière s’offre une performance jubilatoire en cocotte-minute dont on voit parfois la vapeur sortir de ses oreilles.

La réalisation de Naoko Ogigami alterne les plans simples et contemplatifs à d’autres plus inventifs et proches du fantasme. Bien avare en musique, la réalisatrice préfère proposer une bande-son curieuse et inquiétante signée Hiroko Ide, faite d’échos de clochettes et autres claquements de mains.

Si ce choix narratif est bien étrange au premier abord, il trouvera son sens dans une dernière scène forte en sentiments de libération dans laquelle Mariko Tsutsui fait des étincelles. Une séquence finale éblouissante, conclusion parfaite et drôle d’un film qui ne manque pas de caractère et de personnalité.

Le Jardin zen est une quête d’équilibre sur un chemin cabossé par les gouttes d’eau qui font déborder chaque vase que Yoriko y pose. Sensible, teinté d’un humour noir bien senti et d’une mise en scène inventive, le film est un véritable régal. Il vaut tout autant pour son scénario que pour l’interprétation élégante et subtile de Mariko Tsustui.

Distribué par Art House, il est à découvrir au cinéma en France dès le 29 janvier. Amoureux des films japonais, vous pouvez également toujours découvrir Le Pavillon d’or en ce moment dans les salles obscures.

Stéphane Hubert