Le principe du bô-taoshi est simple : faire pencher le poteau de l’adversaire en moins de deux minutes, mais lorsque les poteaux mesurent 5 mètres de haut et que les équipes sont composées de 150 soldats de l’armée japonaise, cela donne des affrontements assez impressionnants. Règles du jeu…
Bô-taoshi 棒倒し signifie littéralement « mise à bas du poteau », il s’agit d’un jeu organisé principalement dans le cadre de l’armée japonaise. On ne connaît pas très bien l’origine de ce jeu, mais il a dorénavant lieu chaque année sur l’initiative des cadets de l’académie de défense nationale (NPA), destinés à rejoindre les forces japonaises d’autodéfense.
Les origines du bô-taoshi
L’académie de défense nationale (NPA) fut créée en 1958 et, depuis, chaque année, une compétition de bô-taoshi est organisée afin d’entraîner les futurs soldats et de favoriser leur esprit combatif. Avant cela, le jeu était aussi organisé dans les écoles de formation des officiers de l’armée impériale et de la marine impériale. Ce jeu d’origine japonaise serait la combinaison de plusieurs jeux du même genre, comme le fait d’attraper un drapeau en haut d’un poteau ou de grimper en haut d’un poteau.
Par la suite, le bô-taoshi fut aussi pratiqué en milieu universitaire « classique », mais comme c’était beaucoup trop dangereux, il fut finalement interdit. En effet, en 1984, un élève d’une université de la préfecture de Fukuoka a reçu un violent coup de pied au ventre avant de se faire piétiner pendant une partie de bô-taoshi, ce qui lui avait valu de graves blessures. Lui et sa famille ont porté plainte contre l’université pour négligence, mais la demande fut rejetée.
Depuis, une version beaucoup moins violente du bô-taoshi est organisée de temps en temps dans les écoles, lors des journées sportives par exemple. Appelées Undôkai 運動会, ces journées sportives se tiennent au printemps et/ou en automne dans chaque école japonaise, même chez les plus petits. Dans cette version du jeu, au lieu de faire pencher le poteau les élèves doivent attraper un drapeau à son sommet.
Quel est le principe du bô-taoshi ?
Au bô-taoshi, deux équipes, que l’on appelle « bataillons », s’affrontent. Chaque bataillon est divisé en deux groupes : un groupe qui attaque et un groupe qui défend. Dans le cadre du jeu organisé au sein de l’armée, le but est de faire pencher le poteau, ou les poteaux s’il y en a plusieurs, de l’adversaire. Il faut que le poteau, qui mesure entre 3 et 5 mètres de haut, soit incliné en dessous de 30° par rapport au sol, pendant au moins 3 secondes, pour que l’équipe remporte le jeu. L’équipe qui attaque n’a que 2 minutes pour faire pencher le poteau.
Si le poteau de l’adversaire n’a pas été abaissé en moins de 2 minutes, soit les bataillons recommencent jusqu’à ce qu’il y ait un gagnant, soit c’est le bataillon qui a le plus incliné le poteau adverse qui gagne.
Les parties de bô-taoshi se déroulent sous le contrôle d’arbitres et de leurs assistants. Il est bien évidemment interdit de frapper, étrangler ou de faire quelconque geste qui pourrait blesser intentionnellement un membre du bataillon adverse, mais ce n’est pas pour autant que le jeu se déroule sans danger. D’autant plus que les joueurs portent un simple casque et des genouillères.
La composition des bataillons
Chaque bataillon est donc constitué d’un groupe offensif et d’un groupe défensif où chaque joueur a son propre rôle. En attaque, plusieurs joueurs se regroupent afin de former une mêlée qui permettra aux attaquants individuels d’atteindre le haut du poteau en grimpant sur eux. En complément, d’autres joueurs sont chargés de foncer dans le poteau pour le faire pencher.
Parmi les joueurs du groupe défensif, plusieurs sont chargés de se mettre en cercle autour du poteau, afin de le protéger et un seul joueur est désigné pour se positionner au sommet du poteau afin de faire contrepoids. D’autres joueurs sont aussi positionnés à l’intérieur du cercle défensif, afin de soutenir la base du poteau et le reste a pour tâche de contenir les attaquants individuels adverses.
L’épreuve des cadets de l’académie de défense nationale
Le bô-taoshi est avant tout un jeu qui se pratique au sein de l’armée japonaise, enfin plus précisément au sein des futures forces japonaises d’autodéfense, car techniquement le Japon n’a pas le droit de posséder une armée. Les forces japonaises d’autodéfense, appelées Jieitai 自衛隊 en japonais, ont été créées en 1954. Avec la défaite du Japon à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le pays fut contraint d’inscrire dans sa Constitution, dans l’article 9, qu’il « renonçait à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation », ce qui a conduit à la suppression de son armée et de sa marine impériale.
Dans les faits, cette phrase fut interprétée comme une interdiction de posséder une armée offensive, mais pas défensive. C’est pour cette raison que les forces d’autodéfense furent créées. Le Japon consacre un budget important dans les forces d’autodéfense qui ont d’ailleurs participé à plusieurs opérations de maintien de la paix au niveau international.
Depuis 1954, les nouvelles recrues de l’académie de défense nationale, chargée de former les futurs soldats des forces japonaises d’autodéfense, doivent s’affronter lors d’une partie de bô-taoshi. Le bataillon vainqueur recevra une coupe qui sera exposée, avec le drapeau gagnant, dans les dortoirs.
« Le bataillon vainqueur recevra une coupe qui sera exposée, avec le drapeau gagnant, dans les dortoirs. »
Les nouvelles recrues, appelées cadets, sont alors réparties en 4 bataillons de 150 joueurs, en fonction de leurs dortoirs, et ont un mois pour s’entraîner avant l’événement. Chaque bataillon possède sa propre couleur : rouge, bleu, vert et orange. Sachant que les équipes défensives sont toujours en blanc, seules les équipes offensives portent la couleur de leur bataillon. Comme au sein de l’armée, il y a des recrues qui font des sports de combat tels que le karaté ou la boxe, ces joueurs-là n’ont pas le droit d’être en attaque, seulement en défense.
Le bô-taoshi est un jeu très impressionnant, surtout lorsqu’il est joué par les cadets de l’académie de défense nationale. Sachez d’ailleurs qu’il est possible d’assister à cet événement qui a lieu chaque année dans la ville de Yokosuka (Préfecture de Kanagawa). Les spectateurs étaient interdits pendant la pandémie, mais depuis 2023, ils sont à nouveau autorisés.
– Claire-Marie Grasteau
Image d’en-tête : Version brutale du bô-taoshi à gauche (@DozoDomo Flickr) et version moins dangereuse pour les écoliers à droite (@rajeevsredcarpet Flickr)