Une bonne idée ne fait pas toujours un bon film. « En boucle » évite cependant ce piège avec brio, nous proposant une comédie maligne et rafraîchissante sur le thème du voyage dans le temps.
En boucle est un film de Junta Yamaguchi sorti au Japon en 2023.
Une nouvelle journée commence à l’auberge Fujiya, nichée au cœur des montagnes japonaises. Une journée ordinaire… ou presque : car les uns après les autres, les employés et les clients se rendent compte que les mêmes 2 minutes sont en train de se répéter à l’infini… Certains veulent en sortir, d’autres préfèrent y rester, mais tous cherchent à comprendre ce qui leur arrive.
Boucle d’or et les trois sources

En boucle est un de ces films au concept fort qui, s’il n’est pas travaillé, peut rapidement lasser. Ici, nous pouvons tirer notre chapeau à Junta Yamaguchi et son scénariste Makoto Ueda. Loin de se cantonner à un simple exercice de style, leur long-métrage est un modèle d’équilibre, d’intelligence et de créativité. L’histoire est vraiment à la hauteur du concept. On ne s’ennuie jamais et les 1h28 passent très vite.
Le spectateur se régale, tout simplement, car il ne souffre d’aucun sentiment d’essoufflement. Le scénario est vraiment bien ficelé et plein de belles trouvailles. La première étant que, si les boucles n’ont aucune conséquence sur les objets, sur les paroles, c’est une autre histoire. Car les souvenirs restent. Un choix brillant qui permet au personnel de chercher une solution en se concertant. Bientôt, un véritable brainstorming s’installe et les théories les plus folles s’affrontent pour expliquer le pourquoi du comment.
En Boucle nous offre un enchaînement de surprises encore et encore. L’intérêt dramaturgique se renouvelle ainsi à chaque nouvelle itération de la réalité. Alors, sous nos yeux, l’espiègle puzzle des destins et des intentions prend petit à petit forme. Surtout que l’histoire n’est pas le seul point fort du long-métrage.
En boucle : la quarantaine florissante

La réalisation de Junta Yamaguchi frappe un grand coup en restant brillamment au service de la narration du long-métrage. Chaque boucle est en effet un plan séquence de 2 minutes qui nous fait découvrir de nouveaux personnages, de nouvelles pièces et de nouveaux ressorts narratifs. En plus de se parer de sa propre couleur.
Absurde, drame, comédie romantique, science-fiction… Le réalisateur aborde tous les genres, rendant un hommage pléthorique au cinéma. C’est ainsi plus d’une quarantaine de courts-métrages qui s’enchaînent avec frénésie. Il y a de vraies prouesses techniques qui ont demandé des heures de répétitions. Les acteurs ont dû beaucoup s’amuser, même si le challenge était élevé. Mais pour faire du bon travail, il faut, encore plus au Japon, rester concentré.
Service compris-mé

En Boucle se déroule à Kibune dans et autour d’un ryokan au bord d’un ruisseau. Il n’y a donc, pour ainsi dire, qu’un seul décor sublime de carte postale. Comme si les personnages étaient coincés dans une boule de neige que quelqu’un prend un malin plaisir à secouer. Pourtant, même pris en otage par le temps, les employés n’en oublient pas l’art de l’omotenashi, l’hospitalité à la japonaise. Le client est roi, oui, même pour deux minutes !
Ainsi, les employés du lieu – appelé des nakai – s’inclinent, servent, sourient et répondent à tous les besoins des clients. Tout le monde gère la situation avec calme, recul et sang-froid dans les explications. On prend même ce changement temporel avec philosophie. Enfin, surtout au départ.

En effet, face à l’apparition rapide de situations cocasses et imprévisibles, les esprits s’échauffent. « Le futur n’existe plus. » dit la jeune Mikoto. Alors la frénésie met à mal le bel équilibre de l’établissement. Ce chaos donne naissance à des scènes très drôles, bien servies par des dialogues incisifs et le jeu jouissif des acteurs.
Comme le réalisateur et le scénariste, beaucoup font d’ailleurs partie de la troupe théâtrale Europe Kikaku. La plupart était même déjà présents dans le premier long-métrage du duo Beyond the Infinite Two Minutes, autre variation sur l’idée du temps qui se répète. Autant dire que l’équipe derrière le film se connaît très bien et ça se sent à l’écran.
C’est probablement aussi grâce à cette alchimie que En boucle est aussi réussi. Un beau moment de cinéma intelligent, surprenant, magnifiquement écrit, joué et réalisé comme on n’en voit rarement dans une année. À ne surtout pas manquer donc !

Distribué par Art House, En boucle est à retrouver au cinéma en France dès le 13 août 2025. Ne passez pas non plus à côté de Super Happy Forever, toujours à l’affiche dans l’hexagone.
Stéphane Hubert











































