La sortie vidéoludique de Space Adventure Cobra The Awakening le mois dernier nous a incités à revenir sur cette série mythique qui aura su bercer toute une génération. Né de l’imagination de Buichi Terasawa, l’héritage culturel de Cobra est indéniable et la série sortie en 1982 n’a rien perdu de sa superbe et reste exemplaire à tout niveau après plus de quatre décennies. Coup de projecteur sur le blondinet amateur de cigares, d’action et de jolies femmes.

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Venu de nulle part, c’est Cobra

L’auteur de Cobra, Buichi Terasawa, est décédé il y a maintenant deux ans. Né en 1955, il se lance dans le manga après avoir raté son examen d’entrée en fac de médecine. Après avoir fait ses armes en tant qu’assistant d’Osamu Tezuka (Astro, Le Roi Léo, Black Jack, Bouddha, etc.) il devient mangaka indépendant en 1977 et crée le studio Black Sheep. Les premières planches de Cobra sont publiées dans le Weekly Shonen Jump en 1978. Au total, 18 tomes paraissent entre 1978 et 1984.

D’autres séries suivront telles que Kabuto, Midnight Eye Goku et Takeru mais l’auteur reviendra à son premier amour en 1995 en publiant des aventures de Cobra en couleur et en numérique, faisant de Buichi Terasawa l’un des précurseurs en la matière.

Si les mangas traduits en France via différents éditeurs et dont la licence est actuellement aux mains de Isan Manga est un succès, c’est bel et bien la série d’animation de 1982 qui crève l’écran et hisse Cobra au panthéon des héros.

Buichi Terasawa. Source : Wikimedia Commons

Une série d’animation mythique

Space Adventure Cobra est une série d’animation de 31 épisodes de 24 minutes chacun. Créée par Akio Sugino et Osamu Dezaki, la série débarque donc en 1982 sur Fuji Television. En France, alors que le genre reste encore plutôt confidentiel malgré les succès de Candy et Goldorak, c’est Canal+ qui propose la série à partir du 20 février 1985 dans son émission jeunesse Cabou Cadin.

La série nous narre les aventures d’un pirate et de sa partenaire à travers la galaxie. Poursuivi à la fois par la police Intergalactique et par la confrérie des Pirates de l’Espace, Cobra décide de changer de visage et d’oublier son passé afin de quitter cette vie tumultueuse. Devenu employé dans une grande entreprise, son passé ne tardera pas à le rattraper et sa retraite aura été au final de courte durée.

Les ingrédients ont tout pour plaire : la galaxie offre une faune et une flore riches, le charisme de Cobra et de sa partenaire Lady (alias Armanoïde en VF) n’a d’égal que celui de ses ennemis dont l’inoubliable homme de verre. L’action bat son plein et même si l’un est un agent secret et l’autre un hors-la-loi, les similitudes entre James Bond et Cobra sont légions. Ainsi, les gadgets de Cobra sont variés avec notamment un grappin caché dans un bracelet, des pointes dans les chaussures pour grimper et les fameux cigares à oxygène ou explosifs. Et ce ne sont que quelques exemples des trouvailles les plus marquantes de notre héros à la combinaison rouge.

Les deux protagonistes ne refusent jamais de boire un verre d’une bonne bouteille d’alcool et partagent également un appétit sans bornes pour séduire la gente féminine. D’ailleurs, force est de constater que les tenues de l’hyper espace mettent les formes de ces dames particulièrement en valeur.

Cobra – The Space Pirate (Taifu Comics)

Heureusement que la personnalité des protagonistes de la gente féminine est étoffée, sans quoi on aurait pu penser que leur rôle se cantonnerait à celui des femmes-objets écervelées… Au final, il n’en est rien, mais il est vrai que cet aspect « sexy » pourrait mettre mal à l’aise les nouvelles spectatrices ou lectrices de la saga. Se bat-on mieux en string et en talon ? Rien n’est moins sûr.

Cobra a donc ce petit côté vintage d’érotisme galactique que l’on peut retrouver dans d’autres séries/films des années 60-70 tels que la BD Barbarella de Jean-Claude Forest. D’ailleurs, si ce dernier s’était inspiré de Brigitte Bardot pour son héroïne, la ressemblance de Cobra avec notre « Bébel » national (Jean Paul Belmondo) crève les yeux dans ses mimiques. Comme l’acteur français, Cobra ne se prend généralement pas au sérieux, surtout depuis le changement de son visage et ce malgré ses prouesses. Cet aspect marque sa réelle différence avec le héros de Ian Fleming créé en 1953. Toutefois, Cobra sait se montrer intraitable et impitoyable lorsque la situation le demande.

La spécificité du héros reste son psychogun greffé à la place de son bras gauche. Cette arme exceptionnelle appelée « Rayon Delta » en français porte bien son nom. Elle permet de générer un puissant rayon destructeur qui dépend de la psyché de son utilisateur. En résumé, Cobra peut moduler la courbe et la puissance de son tir par la pensée. Souvent copiée, il est le seul à pouvoir en tirer toute sa quintessence et là où le commun des mortels s’essoufflerait vite à utiliser une telle arme, Cobra montre un côté surhumain à utiliser cette arme destructrice.

Source : Isan-manga

D’ailleurs, ce côté a bien été repris dans le générique créé spécifiquement pour la version française. Cobra est-il un « homme ou (une) machine? Quel est son secret? Nul ne le sait ! » Un générique pêchu interprété par Olivier Constantin et écrit par un Antoine de Caunes à travers son pseudonyme d’auteur de l’époque : Paul Persavon. Cet hymne qui a contribué à la légende est scandé par tous les fans lors des conventions, notamment lorsqu’elle est reprise par Zed Le Rouge et son groupe Astero H.

En outre, les musiques jazzy de la bande originale de la série composées par Kentarō Handeda sont également d’une très grande qualité avec des thèmes majeurs comme le titre Shi No Kôshin qui résonnent avec autant d’intensité toujours aujourd’hui.

Les autres adaptations de Cobra

La série fait suite à un long métrage qui est sorti en 1982 réalisé également par Osamu Dezaki qui propose une relecture des trois sœurs Jane, Catherine et Dominique. Il aura fallu attendre 1995 pour le découvrir en France via l’éditeur Manga Video. Hélas, si le doublage est assuré par Jean-Claude Montalban, toutes les musiques ont été réinterprétées par le groupe suisse Yello. Un parti pris qui nuit grandement à l’expérience générale.

On notera également la diffusion de six OAV spéciaux (Original Animation Video) en 2008 et 2009 qui aura su diviser les fans, intitulé Cobra the Animation pour fêter les 30 ans de la série. Nous y découvrons toutefois avec joie le passé d’Armanoïd avec l’arc « Time Drive ».

Prime Video

Dernière adaptation en date, la série de 2010 produite par le studio Magic Bus reste une adaptation honorable du manga de Buichi Terasawa avec de nouvelles aventures tout au long de ses 13 épisodes, même si le nouveau design des personnages n’égale pas les traits d’Akio Sugino. Toutefois, la série fait un clin d’œil à celle d’origine en reprenant la technique d’animation où l’image se fige pour être redessinée et contribue à rendre un côté de haute intensité dramatique. Ce fameux gimmick est appelé « harmony cells (illustrations crayonnées) » et on le retrouve dans d’autres séries du duo Osamu Dezaki et Akio Sugino telles que Lady Oscar (Versailles no Bara) 1979, Rémi sans Famille (Rittai Anime Ienaki Ko) 1977, L’Île au trésor (Takarajima) 1978, ou encore Ashita no Joe 2 (1980).

Enfin, nous ne pouvions passer sous silence le projet du réalisateur français Alexandre Aja d’adapter Cobra en live action dès 2010… Hélas, le réalisateur connu pour avoir réalisé les remake de La colline a des yeux, Haute Tension et récemment Mother Land n’a jamais pu trouver les fonds nécessaires à la réalisation de son rêve. Il se confiait d’ailleurs récemment dans une interview accordée à Allo Ciné le 18/09/2024 :

« Avec les années, Cobra s’est un peu éloigné en raison de l’émergence de films comme Les Gardiens de la Galaxie ou les derniers Star Wars, qui ont rendu Cobra très difficile à porter sur grand écran. Mais c’est toujours un rêve. Évidemment, ça fait partie de ces projets qu’on espère toujours… C’est ça qui est bien avec le cinéma, c’est que ce n’est jamais fini. Il y a toujours une possibilité. Il y a toujours un moment où ce sera peut-être le bon moment pour que Cobra existe. »

Ainsi, si nous ne verrons peut-être jamais de Cobra interprété en chair et en os par un véritable acteur dans un long métrage, nous pouvons désormais découvrir l’adaptation de l’œuvre de Buichi Terasawa en jeu vidéo ! et c’est peut-être mieux comme ça.

Source : b-ch

Space Adventure Cobra The Awakening – L’adaptation de Cobra en jeu vidéo

Même si le studio Loriciel avait mis en scène notre héros dans les années 80 sur les ordinateurs de l’époque dans une adaptation… particulière, nous pouvons aisément considérer Space Adventure Cobra The Awakening comme la première véritable adaptation de Cobra en jeu vidéo sur plateformes modernes.

L’histoire de Cobra – the Awakening, disponible sur Xbox One, Xbox Series, PlayStation 4, PlayStation 5, Nintendo Switch et PC couvre les 12 premiers épisodes du célèbre anime et en conserve l’esprit avec ses moments de bravoure et l’humour si caractéristiques de la série. Réalisé par le studio français Microids, connu pour avoir déjà mis en scène, entre autres, les Marsupilami dans le titre Marsupilami : Le secret du sarcophage ou encore les héros d’Uderzo et Goscinny dans Astérix & Obélix : Mission Babylone, l’attente pour les fans était grande et les craintes d’une adaptation ratée énorme. Au final le titre, sans être exceptionnel, s’en tire plutôt bien.

Découvrons tout cela plus en détail à travers cet avis réalisé sur Nintendo Switch via l’édition physique collector du titre.

Un premier ressenti négatif

Sitôt le jeu lancé, l’introduction peut démarrer. Après une intro dynamique, on entend avec joie le générique de l’opening japonais chanté par Maeno Yoko. Mais trêve de plaisanterie, il est temps de se lancer dans l’aventure !

Le 1er niveau vous propose de découvrir toute la richesse du gameplay dans un épisode où vous incarnez le jeune Cobra avant son opération. Le titre est un jeu d’action classique en 2.5D, au scrolling multidirectionnel qui reprend le gameplay classique du genre. Esquive, accélération, saut, tir multidirectionnel, l’action bat son plein et certains passages nécessitent un minimum de sang-froid et d’expertise pour être passés.

Malheureusement, il faut bien avouer que les premiers pas dans l’aventure ne sont guère convaincants. La réalisation semble quelque peu datée, la prise en main se révèle quelque peu fastidieuse et les interactions avec les adversaires ou les plateformes souvent hasardeuses. L’auteur de cet article venait justement de terminer l’excellentissime nouvelle adaptation de Shinobi réalisé par un autre studio français Lizardcube et il faut bien avouer qu’un gouffre sépare les deux titres. La première impression de cette adaptation s’apparente bel et bien à une douche froide…

Malgré tout, les bonnes idées sont bel et bien présentes ! La voix de Jérémy Bardeau colle parfaitement au personnage et se rapproche beaucoup de celle de Jean-Claude Montalban. (vous pouvez d’ailleurs découvrir l’acteur via cette vidéo). Il en va de même avec toutes les autres voix. Force est de constater que de nombreux fans préfèrent la VF de Cobra à sa VO, et cet état de fait se retrouve dans ce jeu vidéo malgré les qualités vocales des doubleurs japonais (avec Namura Yukitaro qui prête sa voix au héros).

Les cutscenes reprennent souvent directement des extraits de l’animé de 1982. Dommage que la qualité n’ait pas été remasterisée en HD et que l’image ait été adaptée au 16/9 sans garder le ratio du 4/3. Mais comme pour le gameplay, on s’y habitue. Ainsi, à force de progresser, on se surprend même à prendre plaisir à suivre les tribulations de Cobra dans cette adaptation vidéoludique tout au long de ses 12 chapitres hors niveaux spéciaux.

Une adaptation fidèle faite par des fans pour des fans

Nous progressons donc bon gré mal gré en faisant fi des défauts et à terme l’aventure se révèle globalement agréable.

Certes, il faudra éviter de mettre pause n’importe quand car il arrive que le jeu plante à ce moment-là et vous oblige à tout recommencer, mais les niveaux sont assez courts et ne dépassent pas 30 minutes. La difficulté est, certes, mal dosée mais elle est réglable à chaque moment. Le mouvement de Cobra est saccadé et manque de fluidité, mais on apprend à faire avec. La réalisation est datée et manque également de fluidité sur Nintendo Switch avec une baisse visible de framerate (images par seconde) mais l’expérience globale reste positive avec des arrières-plans dynamiques et un background soigné. Le titre manque parfois de rythme et les cutscenes peuvent paraître expéditives mais les combats de boss s’avèrent originaux.

Il n’est pas possible de contrôler le vaisseau spatial Psychoroïd (Turtle en VO) mais vous pourrez en décorer l’intérieur et choisir la bande-son. Les thèmes musicaux peuvent paraître anecdotiques mais certains thèmes sauvent l’ensemble et la présence des thèmes originaux de Cobra et Isho No Koshin font mouche.

Le gameplay est globalement mou mais la possibilité de programmer son tir et faire des « brochettes » d’ennemis en arrêtant le temps et profiter d’une cutscene spéciale pour l’occasion, fait toujours son petit effet…

La liste de ces dualités n’est pas pour autant exhaustive et pourrait être encore plus longue… Nous clôturerons néanmoins ce ressenti en évoquant ce passage aquatique où l’on constate que Cobra n’est guère plus agile qu’une Tortue Ninja de l’ère 8 bits de la NES.

Bref, le titre est sauvé in extremis par cette intention de bien faire. Les gadgets sont bien présents et font partie du gameplay, le colt 77 vous servira plus d’une fois et l’esprit de la série mythique est bien présent !

Finalement, ce n’est pas si désagréable de (re)découvrir l’histoire des Trois filles du Docteur Nelson et combattre l’homme de verre ou Sandra. On se surprend même à refaire les niveaux afin de découvrir tous les objets cachés et obtenir les 100% de complétion. Enfin, les niveaux spéciaux rajoutent une plus-value certaine…

Peut-être aurons-nous droit à un futur DLC (gratuit on l’espère)…. Qui sait ?

Un coffret collector et un mode deux joueurs

Un petit mot concernant le coffret collector proposé dans la version physique du jeu. Vous y découvrirez un sympathique artbook de 48 pages. Celui-ci contient les personnages ainsi que des images des niveaux. Dommage que la qualité du papier laisse à désirer. On aurait préféré du papier glacé plutôt que cartonné.

Vous découvrirez également un code qui vous invite à aller sur le site officiel afin de l’échanger contre un vrai code à renseigner dans votre boutique virtuelle… Vous débloquerez une tenue spéciale et un niveau entier à découvrir.

Enfin, un petit mot concernant le mode « multijoueur ». Très anecdotique, cette option vous propose de partager le gameplay de Space Adventure Cobra The Awakening à deux le temps d’un niveau d’à peine une demi-heure.

Une bonne occasion de faire découvrir le titre à un ami, même si on aurait aimé que l’expérience soit plus longue.

Au final : une impression mi-figue mi-raisin

Pour conclure, l’expérience Space Adventure Cobra The Awakening présente un charme indéniable mais qui met du temps à opérer. Malgré ses défauts, on parvient néanmoins à apprécier les aventures vidéoludiques du blondinet. Le titre regorge de bonnes idées, malheureusement les intentions ne suffisent pas à faire un grand jeu si la réalisation ne suit pas. En l’état, le jeu est très bon mais il manque ce petit quelque chose pour le rendre mythique. Une impression comparable à celle ressentie lors du visionnage des nouveaux épisodes animés en somme.

L’expérience n’est donc pas la catastrophe annoncée par certains. Ne boudons donc pas notre plaisir et sachons apprécier ce sympathique divertissement… même s’il faut bien l’avouer l’expérience restera réservée en priorité aux amateurs de l’œuvre de Buichi Terasawa, qui sauront faire preuve d’indulgence. Dans tous les cas, il serait de mauvaise foi de dire que Space Adventure Cobra The Awakening est un mauvais jeu vidéo.

Yancha Zed

Note : Captures d’écran du jeu vidéo réalisées par l’auteur