Où en est la jeunesse japonaise ? Comment réagirait-elle face à une société qui suivrait ses moindres mouvements ? « Happyend » nous offre une forme de réponse qui fait froid dans le dos même si l’espoir n’est jamais bien loin.
Happyend est un film écrit et réalisé par Neo Sora.
L’histoire se déroule à Tokyo, dans un futur proche où plane la menace constante d’un séisme ravageur. Yuta et Kou, deux amis inséparables, s’amusent à perturber l’ordre établi de leur lycée. Après un mauvais coup de trop, la direction du lycée déclenche des représailles et met l’établissement sous le contrôle d’une IA de surveillance. Dans un climat de suspicion généralisé, la relation entre les deux amis est mise à l’épreuve : l’un choisit l’indifférence, l’autre la révolte.
Les sens en éveil
Le lycée est pour beaucoup de jeunes une période charnière sur bien des sujets. C’est ainsi le cas pour Yuta et Kou. Les deux amis sont toujours partants pour faire les 400 coups mais le dernier est peut-être celui de trop pour l’un des deux. L’insouciance de son compère n’est-elle pas un frein à son épanouissement personnel ? Car Yuta ne se sent pas vraiment connecté au monde des adultes. Les conséquences de ses actes, il ne les voit tout simplement pas. Ses décisions, c’est à pierre-feuille-ciseau qu’il les prend.

Kou, lui, sent sa conscience s’éveiller sous l’impulsion de Fumi, une camarade de classe très engagée face aux débordements de la société dans laquelle elle évolue. Happyend nous racontent ainsi l’histoire de ces deux lycéens dont les chemins semblent peu à peu se séparer.
Il faut dire que le monde se transforme autour d’eux de manière bien étrange.
Carrefour micromonde
Happyend se présente à nous comme une dystopie. Elle est cependant très légère. Pas de voitures volantes ou de robots ici. Non, juste une société qui surveille tout le monde encore et encore. Les lycéens doivent ainsi avoir leur téléphone sur eux en permanence pour que la police puisse les suivre à la trace.

Après la dernière pitrerie de Kou et Yuta, la direction du lycée va encore plus loin. Des caméras sont placées partout dans l’établissement.
Les « mauvais » comportements sont alors filmés et jugés, en plus d’être diffusés sur des écrans géants. Vous avez un comportement ou des mots déplacés ? Vous perdez des points et recevez une punition !

En dehors du lycée, le gouvernement fait également planer une menace constante de séisme pour maintenir les gens dans la peur du pire. Partout, des alarmes retentissent. Parfois pour des tests, d’autres pour des menaces réelles. Cela permet surtout d’interdire les regroupements, que ce soit pour des concerts ou des manifestations.
Une manière détournée de réprimer et de tuer dans l’œuf toute idée de soulèvement. Dans ce monde qui punit impunément, la sérénité a presque disparu de la réalité. Celle fictionnelle se rapprochant, hélas, de celle bien réelle de notre époque.
Happyend : la menace extérieure

Neo Sora aborde en effet un problème bien présent de plus en plus dans le Japon contemporain : la xénophobie. De plus en plus de partis politiques d’extrême droite joue la carte de l’étranger source de tous les problèmes de la société. Le réalisateur se sert de ce sentiment nationaliste pour étoffer son scénario. Des étudiants pourtant japonais, nés sur l’archipel mais ayant des origines étrangères sont ainsi en sursis. Ils devront retourner dans leurs pays… qui est le Japon ! Kou est coréen mais sa famille vit au Japon depuis quatre générations. Pourtant, aux yeux du policier qui le contrôle, il reste un étranger.
Une situation absurde mais qui pourrait très bien devenir réalité. Pas dans des siècles ni des années mais bien des mois. Pourtant, même si elle est en hausse, la part des étrangers vivant au Japon n’est que de 2,8% de la population totale. Difficile ainsi de leur mettre tous les problèmes sur le dos. Mais l’absurde n’a jamais arrêté les extrêmes toujours prêts à tordre la réalité.

Happyend est un film troublant, contestataire et fièrement politique. Il évolue dans un monde qui n’est pas vraiment le nôtre mais qui nous semble pourtant un peu trop familier.
Le long-métrage de Neo Sora est un cri d’alarme, un appel au réveil. Il n’en oublie néanmoins pas qu’un lycéen n’est parfois qu’un lycéen, poussé par l’insouciance de son jeune âge. Doit-il subir les dérives de la société alors qu’il n’est même pas encore sorti de l’école ?
C’est bien la jeunesse japonaise qui possède les clés du futur du pays mais les anciens les lui donneront-ils un jour ? Le long-métrage pose des questions et les sujets qu’il aborde sont finalement bien plus mondiaux qu’il n’y paraît.

Distribué par Eurozoom, Happyend est à découvrir au cinéma en France depuis le 1er octobre. Ne passez pas non à côté de Exit 8, toujours à l’affiche.
Stéphane Hubert
















































