Film d’animation japonais culte, « L’Œuf de l’ange » de Mamoru Oshii possède une aura fascinante qui a traversé les décennies. Il est aujourd’hui à découvrir au cinéma en France dans une version 4K qui en sublime la grande beauté gothique.

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L’Œuf de l’ange est un film mis en scène par Mamoru Oshii en 1985.

Nous y suivons une jeune fille fragile qui parcourt un monde obscur et dangereux. Sa survie semble dépendre d’un œuf mystérieux qu’elle transporte. Un homme la rejoint rapidement dans son aventure, tiraillé par des questions existentielles dont il ignore les réponses. Leur quête s’annonce pleine de surprises et de dangers.

Un moment charnière

Les débuts de carrière de Mamoru Oshii sont associés à la franchise Urusei Yatsura, manga créé par Rumiko Takahashi, (Ranma ½, Maison Ikkoku). Le Japonais travaille d’abord sur l’animé. En confiance, on lui confie les rênes des deux premiers longs-métrages adaptés de la franchise : Urusei Yatsura : Only You (1983) et Urusei Yatsura : un rêve sans fin (1984). Devant l’étrangeté et la noirceur du scénario qu’il écrit pour ce dernier, le réalisateur se fait éjecter de la suite de l’aventure. Un mal pour un bien ?

Il faut croire que oui pour Oshii qui va y voir une opportunité d’émancipation. Il va ainsi enfin adopter un style qui lui convient mieux. Introspectif, philosophique et obscure, il en insufflera son Ghost in the Shell qui lui offrira en 1995 une renommée internationale.

Entre-temps, il se fera les dents sur L’Œuf de l’ange qui va surprendre tout le monde.

Œuf course

L’Œuf de l’Ange est en effet tout sauf un film comme les autres. Est-ce d’ailleurs un film ? Sur la forme, oui. Sur le fond, on pourrait presque plus parler d’une expérience visuelle et sensorielle. Car son histoire reste obscure du début à la fin. On ne sait ainsi pas grand-chose des deux protagonistes. L’essentiel ne semble vraiment par être là pour Mamoru Oshii.

Lui, il veut créer une ambiance sensuelle envoûtante. Comme si le spectateur devait ressentir plus que comprendre. Les dialogues –très rares– sont ainsi éminemment cryptiques. Les questions posées restent indéfiniment sans réponse. Pour mieux nous faire réfléchir ?

À la recherche du sens interdit

L’Œuf de l’ange est en effet une œuvre fortement métaphorique. Et chaque interprétation aussi personnelle soit-elle peut en être la bonne. Sommes-nous tous des anges qui protégeons un œuf ? Nous sommes face à un cinéma de l’imaginaire et du mystère. Dans l’ombre d’un univers gothique à l’imagerie forte, on y chasse des poissons invisibles en pleine ville.

Seul le thème de la foi semble être le plus évident. L’homme cite le déluge et l’arche de Noé. Mais dans le monde dans lequel il vit, personne n’est véritablement sauvé des eaux. Pourtant, les cloches des églises n’en finissent plus de sonner dans l’immuable nuit. Lui remet tout en cause. La jeune fille, elle, choisit de croire.

La fascination est partout dans ce monument d’expérimental, bien servi par un volet technique grandiosement séduisant.

L’Œuf de l’ange : envoutante symphonie du macabre

La mise en scène de Mamoru Oshii est évidemment un élément important au mystère du long-métrage. Mais elle ne se suffirait pas à elle-même pour le rendre aussi incroyable. Le film a ainsi été écrit et pensé en collaboration avec l’immense Yoshitaka Amano.

L’illustrateur y insuffle ainsi son style poétique, sombre et raffiné en créant un monde qui subjugue. La lumière y est proscrite et pourtant elle s’accroche sur certains plans qui ne sont ni plus ni moins que des tableaux à la beauté hypnotique. Quelques années plus tard, Amano sera recruté pour participer à la conception d’un jeu vidéo qui lui doit beaucoup : Final Fantasy.

Autre volet travaillé de manière admirable et qui soutient avec brio cette ambiance sombre : le son. Les silences sont bercés par les éléments naturels. Ruisseaux, fontaines, pluie… L’eau n’est ainsi jamais loin, tout comme ce vent qui n’en finit plus de ricocher sur le vide.

Enfin, et élément essentiel : la musique. Signée Yoshihiro Kanno, elle alterne chants de chorales fantomatiques qui glacent le sang et partitions symphoniques. L’habillage cryptique parfait pour soutenir le mystère visuel surréaliste et énigmatique qui nous est servi.

À l’origine, L’Œuf de l’ange est sorti directement en vidéo au Japon. C’est donc un bonheur total de pouvoir découvrir aujourd’hui une œuvre aussi puissante et visuellement magnifique au cinéma. En restauration 4K supervisée par Mamoru Oshii lui-même qui plus est. Que vous l’ayez déjà vu ou pas, cet événement n’est donc à louper sous aucun prétexte.

Distribué par Eurozoom, L’Œuf de l’ange est à découvrir au cinéma en France dès le 3 décembre.

Stéphane Hubert