Netflix nous offre un nouveau film d’animation japonais plein d’émotions avec « Nos Mots comme des bulles », dont l’action se déroule dans une petite ville japonaise où des adolescents se retrouvent dans le grand centre commercial, véritable repère de toute une jeunesse qui y recherche la frénésie qu’elle ne trouve pas dans la campagne qui l’entoure. Au programme : haïkus, musique et amour.
Particularité, Nos Mots comme des bulles est à l’origine un film commandé pour fêter la décennie d’existence du label Flying Dog. De grands noms de l’industrie musicale japonaise y ont fait leur preuve comme Yoko Kanno, The Seatbelts, Ali Project ou Kokia. Pour célébrer ces 10 ans dans le faste, il fallait au-moins ce long-métrage léger et touchant mis en scène par Kyohei Ishiguro dont c’était le premier long-métrage et qui a enchaîné depuis avec Bright : Samurai Soul toujours pour le géant américain Netflix. Son film est une ode à la création et à la puissance des mots et de la musique quand ils touchent au plus profond de nos âmes.
Dans Nos Mots comme des bulles, nous suivons la rencontre fortuite entre Cherry, un jeune garçon timide créateur de haïkus, et Smile, une influenceuse à la recherche de tout ce qui est kawaï et très complexée par ses dents de devant. Ce qui commence comme une amourette adolescente un peu banale va se transformer en une quête d’un mystérieux disque vinyle disparu depuis des décennies.
https://www.youtube.com/watch?v=blTAkZw8kTg
La peur du regard
Dans Nos Mots comme des bulles, Cherry, un garçon introverti, ne se reconnaît pas trop dans sa génération qui glorifie l’image et l’attention. Lui, ce qu’il aime, c’est la discrétion et c’est pour cette raison qu’il adore autant écrire des haïkus. Cet art de l’écrit qui consiste à rédiger des poèmes en une phrase et trois lignes lui convient très bien, lui permettant de s’épanouir dans une prose qui se lit mais qu’il ne veut pas déclamer à voix haute. La seule fois où on l’oblige à le faire, il devient rouge comme une tomate devant l’attention subite qu’on lui porte. Pour être sûr que personne ne vienne le solliciter de trop, il porte toujours un casque sur les oreilles même s’il n’écoute rien. Ce subterfuge lui permet de se couper également du bruit qui pourrait parasiter sa recherche du haïku parfait. Il peut compter sur son ami Beaver pour répandre son talent aux yeux de tous alors que ce dernier s’amuse à taguer les murs de la ville et des bâtiments avec la poésie du jeune artiste.
Cet amour pour cet art japonais montre également que le jeune homme porte un grand respect aux traditions qu’il voit se perdre dans les réseaux sociaux et autres distractions pour lesquelles il ne trouve pas grand intérêt. Cherry remplace sa mère malade dans un accueil de jour pour personnes âgées dans lequel elle travaille et qui se situe lui aussi dans le centre commercial. C’est ici que le jeune garçon trouve étrangement sa place auprès des anciens. Il se prend d’affection pour Monsieur Fujiyama, un vieil homme qui cherche un vinyle spécial dans toute la ville. Il fait partie de cette jeune génération qui ne veut pas laisser tomber l’ancienne.
Une dent contre la vie
Smile, à qui Hana Sugisaki (magnifique dans Her Love boils bathwater) prête sa voix, est, elle, en plein dilemme. Elle est très suivie sur les réseaux sociaux et se filme avec ses sœurs à la recherche de ce tout ce qui peut être qualifié de kawaï. Devenue un personnage publique reconnue, elle a de plus en plus de mal à assumer sa dentition avec ses incisives protubérantes. C’est pourtant ce « sourire de castor » qui a justement plu aux abonnés de leur chaîne, qui trouvaient évidemment cette particularité hautement mignonne, comme le veut son concept.
Portant aujourd’hui un appareil, elle doit cacher sa bouche derrière un masque et son nom de scène semble désormais bien mal choisi. La jeune fille doit jongler entre son envie d’être reconnue sur Internet et celle de se cacher. Sa rencontre avec Cherry va lui permettre de s’assumer petit à petit comme elle est vraiment et de découvrir les frémissements d’un premier amour naissant. Gaffeuse attachante, on suit avec affection ses aventures qu’elle poursuit avec une belle naïveté, sa personnalité pétillante et une envie de bien faire permanente.
Sous le charme d’une beauté estivale
Le film se déroule à la fin des vacances d’été et son ambiance s’en ressent fortement. Les couleurs sont chatoyantes et le soleil illumine subtilement les plans extérieurs, offrant une légèreté et une chaleur à l’ambiance générale du film. La beauté des dessins éblouit nos pupilles déjà séduites par une animation sans faille très réussie.
Nos Mots comme des bulles alternent avec justesse le contemplatif et les séquences plus rythmés. Son but premier étant tout de même de fêter les 10 d’un label musical, la bande-son est aux petits oignons et sublime le long-métrage avec des morceaux en osmose avec son histoire.
En cela, la quête pour ce vinyle spécial perdu devient également la nôtre tant nous rêvons petit à petit de découvrir le morceau qui se cache dans ses sillons. C’est une belle trouvaille narrative et elle fonctionne à merveille. Difficile de ne pas s’attacher au personnage de M. Fujiyama, ancien travailleur dans une usine de pressage de disque et amoureux transi d’une époque révolue qu’il a peur d’oublier. Gardez un paquet de mouchoir à portée de main, car vous risquez fortement de lâcher quelques larmes lors des séquences qui le mettent en scène.
Nos Mots comme des bulles est un vrai beau divertissement qui raconte une histoire aérienne, délicieuse et pleine de charme. Il n’y a pas d’antagonistes, pas de combats ou de violence. Juste des ados, des adultes et des personnes âgées qui virevoltent entre la campagne, les traditions et la modernité de ce centre commercial nouveau poumons de cette petite ville rurale japonaise. La poésie des haïkus répond à la modernité des téléphones portables et le scénario aussi simple qu’efficace nous laisse un grand sourire sur le visage pendant les 1h27 que dure le long-métrage de Kyōhei Ishiguro.
Il est à découvrir en France sur Netflix et vous fera passer un moment agréable et rafraîchissant qui vous gardera un peu plus longtemps dans l’émotion de l’été et des matsuris.
Stéphane Hubert
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