Je vous explique pourquoi vous devriez réfléchir à deux fois aussi avant d’en acheter une au Japon ! N’est-ce pas un rêve d’acheter une de ces vieilles maisons japonaises qu’on voit passer en photo sur les réseaux sociaux ? Pourtant, c’est loin d’être aussi simple et les risques sont bien plus importants qu’on imagine. Si l’achat peut prendre quelques jours à peine, les conséquences d’un mauvais choix sont pour la vie. Retour d’expérience.


Depuis quelques temps, on voit se multiplier des vidéos d’influenceurs qui viennent acheter une maison au Japon, sans forcément avoir de VISA stable, et parfois même sur base de simples photos sur le web, à distance. Oui, acheter sans même visiter ! C’EST DE LA FOLIE PURE. Pour avoir fait des dizaines de visites pour moi même où des amis, ce genre de comportement inconsidéré me fait penser à une citation de Jurassic Park : « Oh, oui. “Ouh ! Ah !” Ça commence toujours comme ça. Et puis après, il y a les sauve-qui-peut, et puis il y a des hurlements. »

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Et c’est bien la problématique de ces vieilles maisons Japonaises : sur la photo, c’est beau ! Mais on peut vite se faire dévorer… Si certains ont les moyens de perdre beaucoup d’argent, s’il vous plaît, ne faites pas comme ces influenceurs au salaire à 5 chiffres, ne jouez pas à la roulette russe avec vos économies. Écoutez notre expérience et faites des choix intelligents.

Aujourd’hui, ça fait 6 mois qu’on a emménagé dans un condominium entre la montagne et l’océan Pacifique, à Atami, avec un onsen privé confortable. Un petit rêve qui se réalise, pourtant assez éloigné de ce qui était prévu à la base : la maison sur la photo.

Et oui, il y a un an, je visitais cette fabuleuse maison. Que dis-je ! Un mini-château construit à l’époque Shōwa par des experts en sanctuaires dans les règles de l’art. Juste splendide.

Les photos faisaient déjà baver avant même de la visiter. La première visite s’est bien déroulée et le coup de cœur fut confirmé. La maison semblait en parfait état et avait été très bien entretenue. Le prix était honnête et j’étais à deux doigts de signer le jour même.

Mais une petite voix dans la tête m’a conseillé d’être prudent… et j’ai bien fait ! Le fait d’avoir eu un père architecte, paix à son âme, aura sans doute aidé. Voici quelques vérités qui font mal à entendre mais qui sont à considérer avant de signer sans retour en arrière possible.

1. Les vendeurs se contrefoutent de la vérité

Surpris ? Leur but, c’est de vous faire acheter le plus vite possible. Le secteur de l’immobilier au Japon est un panier de crabes. La gentillesse affichée des Japonais sert surtout à fluidifier le business.

Dans le secteur, il ne faut faire confiance à personne, surtout pas aux agents immobiliers qui sont payés en grande partie à la commission. Il est courant qu’ils évoquent d’autres acheteurs potentiels imaginaires pour pousser à la signature le plus vite possible. Oui, les Japonais aussi mentent !

La réalité c’est que le marché est moribond en dehors de Tokyo et qu’ils doivent mettre cette pression pour pousser à l’achat. Ceci peut se faire en occultant totalement des problèmes majeurs concernant la maison. C’est VOTRE responsabilité de faire attention aux détails.

2. On n’achète JAMAIS une maison au Japon sans faire un état des lieux poussé. JAMAIS.

En particulier une vieille maison. Les défauts ne se voient pas. Les « real estate company » sérieuses recommandent de faire un diagnostic mais elles sont rares. Il existe des sociétés spécialisées pour ça.

Un diagnostic poussé coûte entre 500 et 600 euros. Vous recevez un rapport détaillé de 20 pages avec une liste de tous les problèmes mineurs et majeurs, en particulier ceux invisibles lors d’une simple visite. Vous voilà en main avec une vision claire sur ce que la maison va vous coûter vraiment !

3. Les problèmes ne se voient pas à l’œil nu (donc clairement pas sur des jolies photos) !

Ah, ça donne envie, toutes ces belles photos de maisons japonaises à vendre, pas vrai ? En l’occurrence, la maison « parfaite » sur la photo avait une liste de problèmes à ce point longue qu’elle est en risque d’effondrement en cas de tremblement de terre. Cool d’aller mettre des gens qu’on aime là-dedans… Et pourtant, elle a l’air intact, robuste et indestructible.

En réalité : les fondations sont craquelées un peu partout, la sous-toiture fut retapée de manière peu professionnelle suite à un précédent tremblement qui a ravagé la maison, plusieurs nids de bestioles dans le toit, des champignons qui rongent le bois, l’électricité à changer entièrement ainsi que les canalisations, la salle de bain, les toilettes, de l’humidité ici et là, etc. etc. Habitable, mais dangereux.

A prévoir, 150 000 euros de travaux au bas mot, tout ça avec le risque de voir la maison tomber en morceaux à n’importe quel moment. Bref, un suicide économique, voire même un suicide tout court si vous êtes dedans quand la terre se réveillera. Voilà pourquoi cette magnifique demeure est en vente depuis 8 ans et que personne n’en veut. Aujourd’hui encore, elle reste sur le marché et son prix ne fait que baisser de mois en mois pendant que son état se dégrade.

Ils attendent juste l’influenceur un peu naïf qui va foncer, des papillons dans le ventre. Je l’ai été moi-même il fut un temps, je comprends donc leur sentiment.

4. La durée de vie moyenne d’une maison au Japon, c’est 25-35 ans… 40 au mieux.

Il faut oublier tout ce que vous savez de l’immobilier. Le Japon est singulier en la matière. La durée de vie d’une maison est très courte. La moitié d’une vie humaine. Voilà pourquoi l’âge de la maison est important. Après 20 ans, le prix s’effondre sur le marché et généralement ce prix reflète la valeur du terrain.

Pire encore, si la maison fut laissée vide pendant des années, sa valeur baisse encore plus. Ce que les influenceurs présentent comme des trucs merveilleux juste car « ça a trop le look japonais » sont souvent des taudis. Les Japonais eux-mêmes n’en veulent pas.

Des travaux pour ce genre de maison deviennent nécessaires chaque année. Et vu la spécificité des matériaux, l’intervention d’un spécialiste est nécessaire. Pour réparer quelques tuiles sur le toit, il avait été calculé un montant de plusieurs milliers d’euros.

5. Les vieilles maisons ne sont PAS isolées.

Il fait extrêmement froid l’hiver et très chaud l’été. La gestion de l’humidité intérieure est compliquée et demande une adaptation spécifique. Le prix du chauffage ? N’en parlons pas. De 300 à 400 euros par mois au moins pour une habitation de cette taille. Ce n’est pas à négliger mais c’est un sujet pourtant peu avancé par les influenceurs. L’important n’est visiblement que le look instagrammable des lieux.

6. Les maisons pas chères sont perdues au milieu de nulle part

Les maisons bradées à quelques milliers d’euros se trouvent loin de tout, c’est à dire : loin du travail, loin des écoles, des magasins, des hôpitaux, des gares, des pompiers, etc. Au-delà de 20 minutes à pied d’une grande gare, le prix s’effondre.

C’est d’autant plus important que la population japonaise s’effondre aussi ! Des localités sont en train de devenir des zones fantômes. Certes, la venue d’étrangers offre un vent frais, encore faut-il faire une sélection intelligente d’un futur lieu de vie viable pour sa famille.

7. Gare aux insectes dévoreurs du bois !

Les vers mangeurs de bois sont LE grand danger invisible lors d’un achat, et une autre raison pour laquelle il ne faut jamais se contenter de belles photos. Ceux-ci s’installent dans les poutres porteuses et les fondations. Ils grignotent en silence le bois et gagnent peu à peu toute la maison. Quand on les détecte, il est déjà souvent trop tard : il faut démolir. Bref, une fois de plus, le danger est invisible.

8. Le terrain = la vraie valeur

On l’aurait pratiquement oublié, mais la terrain fait vraiment toute la valeur de votre achat. En cas de destruction totale, vous avez toujours cette sécurité financière pour rebondir. Mais le terrain, ce n’est pas qu’une simple distance vis à vis de la gare, c’est aussi la NATURE même de la terre sous vos pieds. Et au Japon, c’est une question vraiment délicate… Chaque année, d’importants glissements de terrain se produisent ici et là, sans parler des inondations. Les agents ont l’obligation morale (et pas légale) de vous exposer la carte des risques géologiques où se trouve votre future maison. Celle-ci se trouve peut-être en zone rouge sans que vous le sachiez et les annonces en ligne ne le précisent jamais… Alors demandez systématiquement à voir cette carte !

Conclusions

Il y aurait bien d’autres points à évoquer sur les risques d’achat précipité d’une maison au Japon. Mais on va arrêter là… Retaper une vieille maison au Japon reste un rêve réalisable mais il se heurte à la réalité froide : les risques sont élevés. Il faut savoir prendre des risques, mais pas de manière inconsidérée. Avec bientôt 15 ans d’expérience au Japon et un pied dans le monde de l’immobilier, j’ai du mal à comprendre comment certains peuvent acheter une maison à distance depuis la France sans réaliser l’ampleur du risque.

Notre cas est évidemment particulier : avec la collection d’antiquités et l’ambition d’ouvrir un coin musée, nous avons la responsabilité supérieure de choisir un lieu sécurisé qui tiendra debout en cas de tremblement de terre. Mais, quand on y pense, notre propre vie n’est-elle pas plus précieuse encore que des objets ?

Alors, pour ceux qui tiennent vraiment à acheter au Japon, je les encourage vivement à le faire par la voie de la sagesse : étape par étape. D’abord, s’implanter physiquement au Japon et culturellement, avoir un ancrage sérieux sur le terrain et comprendre l’ampleur des enjeux dans l’immobilier en visitant plusieurs propriétés et en questionnant les professionnels du domaine. Sans oublier, en cas de coup de coup, demander un diagnostic de la maison avant de signer un document.

– Mr Japanization