Netflix sait parfois nous surprendre avec des projets qui sortent de l’ordinaire. « The Queen of Villains » nous plonge ainsi dans la carrière et le destin touchants de la catcheuse Dump Matsumoto. Par sa forte personnalité et son extravagance, la jeune femme issue d’un milieu défavorisé a révolutionné le monde du divertissement japonais dans les années 80. Découverte.
The Queen of Villains est une série japonaise créée et écrite par Osamu Suzuki. Elle est composée de 5 épisodes disponibles sur Netflix depuis l’année dernière.
On y suit l’histoire de la catcheuse professionnelle Dump Matsumoto, célèbre dans les années 1980. À cette époque, encore jeune femme, Kaoru Matsumoto (Yuriyan Retriever) espère devenir une catcheuse professionnelle à succès tout en jouant un personnage bon. Une voie toutefois bouchée la poussant à prendre un tournant radical : incarner le personnage maléfique de Dump Matsumoto, violente et sans limite !
« Elle incarnerait le personnage maléfique de Dump Matsumoto, violente et sans limite ! »
The Queen of Villains : de la lumière à l’ombre !

Vous aimez le catch ? Vous n’aimez pas le catch ? Oubliez la réponse à cette question car elle n’est pas importante pour savoir si vous aimerez The Queen of Villains. Oui, ce monde-là est bien la toile de fond de la série mais son intrigue va bien au-delà. Nous assistons à la naissance d’une méchante à la manière de Marvel ou DC, comme le Joker par exemple. Sauf qu’ici, l’histoire est vraie !
« la gentille Kaoru se transforme en méchante, sur et en dehors du ring ! »
Nous voyons ainsi la gentille et un peu gauche Kaoru se transformer petit à petit en méchante, sur et en dehors du ring ! Il faut dire que les obstacles, elle les accumule. Son père est alcoolique, dilapide l’argent de la famille alors que sa mère accumule les emplois. Physiquement, elle est loin des standards de beauté habituelles. Quelle porte de sortie pour la jeune fille alors que rien ne semble lui faciliter le destin ? Voilà ce que lui offre sa découverte du catch féminin.
Pourtant, malgré des efforts titanesques – et bien qu’elle commence à travailler dans le milieu au bout de trois auditions -, elle ne gagne toujours pas la confiance de ses pairs. Pas assez jolie et athlétique ? Trop grosse pour avoir droit aux projecteurs ? Qu’à cela ne tienne, elle prendra donc le rôle de celle que personne ne veut incarner : la méchante. Et quelle méchante !
Une révolution sanglante

Quand Kaoru devient Dump (car elle forte comme un camion benne), elle oublie toutes ses limites. Et alors que la jeune fille se sent complètement invisible, elle attire enfin les regards. Elle commence par se teindre les cheveux en jaune, ce qui n’était vraiment pas monnaie courante et réellement transgressif à l’époque sur l’archipel. Elle se maquille de façon à ressembler à un démon, s’habille en cuir noir et met des coups de bâton à tous ceux qui s’approchent trop près d’elle.
Sur le ring, c’est la foire à l’empoigne et tout lui est permis ! Armée de sa fourchette fétiche, elle plante les crânes et fait gicler le sang. Elle devient ainsi une figure populaire à travers le Japon, très souvent haïe et menacée dans la « vraie » vie.
Une situation qui ne se calme pas alors qu’elle est en compétition contre les Crush Gals, duo glamour chouchou du public et également idols, composé en partie de Chigusa Nagayo, que Kaoru considère longtemps comme son amie. Or, la rivalité grandissant sur et en dehors du ring, les jeunes femmes ne font plus la différence entre fiction et réalité.

The Queen of Villains est donc aussi l’histoire de femmes talentueuses, chacune dans leur style, qui prouvent aux hommes de la All Japan Women’s Pro-Wrestling que leurs idées sont aussi bonnes que novatrices. La série Netflix nous partage ainsi également un message féministe qui, dans les années 80, peine à se faire entendre. Mais ces femmes sont fortes, au sens propre comme au figuré.
Comme si on y était !

La réalisation de The Queen of Villains est absolument fascinante lors des combats (qui durent parfois plusieurs dizaines de minutes !) plongeant au cœur du ring auprès des catcheuses. Les réalisateurs Kazuya Shiraishi et Katsuhito Mogi proposent une mise en scène remarquable pour nous partager ces moments de folie furieuse dont on ne sait jamais s’ils sont scriptés ou improvisés.
De ce côté-là et dans la reconstitution de l’époque, la série Netflix est une vraie réussite, les décors étant vraiment criant de vérité et sentant bons les années 80 dans les moindres détails. L’histoire joue également parfaitement avec la tension et la montée en puissance de la bombe à retardement qu’est Kaoru. Sa transformation prend son temps et atteint son paroxysme à l’épisode 3.
Plus vraie que mature

C’est Yuriyan Retriever qui se glisse dans le costume de Dump Matsumoto. Très connue au Japon pour ses sketches comiques, elle est une figure très recherchée des plateaux télé nippons. La comédienne a gagné de très nombreux concours de comédie, dont le très réputé R-1 Grand Prix. Elle est même apparue en 2019 dans l’émission « America’s got Talent », ce qui lui a valu une reconnaissance internationale.
« J’ai vraiment l’impression de renaître : j’ai découvert une nouvelle facette de moi-même ».
Passant donc d’un registre léger à celui du drame dans The Queen of Villains, on peut y voir facilement un parallèle entre son parcours et celui de Kaoru : deux femmes qui brillent dans un registre où on ne les attend pas. L’actrice de 33 ans se confiait d’ailleurs sur le sujet dans une interview au Japan Times, confirmant cette sensation :
« J’ai l’impression d’être restée enfermée dans une coquille jusqu’à présent. Il y avait une limite que je ne voulais pas franchir parce que je trouvais cela embarrassant, et il y avait des émotions que je ne voulais pas montrer aux autres ou auxquelles je ne savais même pas comment accéder. Mais en jouant Dump dans « The Queen of Villains », j’ai eu l’impression de pouvoir sortir de cette coquille et de montrer ces émotions. J’ai vraiment l’impression de renaître : j’ai découvert une nouvelle facette de moi-même ».
Quand on la voit passer de la douce Kaoru à la chaotique Dump, on ne peut que confirmer que la mue de l’actrice est bien en route.

The Queen of Villains vous embarque donc dans une histoire incroyable de transformation, de furie et de révolution. Aussi réussie dans sa production, sa réalisation que ses interprétations, ses 5 épisodes nous sidèrent par leur puissance émotionnelle et leurs moments de sauvageries. D’autant plus que les surprises de son histoire sont totales pour quiconque n’en a jamais entendu parler avant…comme c’est le cas de nombreux d’entre nous en France !
Après Sanctuary qui nous parlait de sumo, une nouvelle bonne pioche pour Netflix.

– Stéphane Hubert





















































