Des métrages sur le monde du sumo, il n’y en a pas eu beaucoup dans l’histoire du cinéma, et encore moins avec un rayonnement international. « Sanctuary » est donc cette belle surprise qu’on attendait pour deux raisons. La première, c’est qu’elle est diffusée sur Netflix et donc accessible à l’étranger. La deuxième, c’est qu’en plus, elle est très bien réalisée, à notre grande surprise ! Découverte d’une pépite qui nous plonge dans le monde fermé d’un sport traditionnel japonais.

Sanctuary est une nouvelle série diffusée sur Netflix dont la première saison compte 8 épisodes. On y suit Kiyoshi Oze, un délinquant désœuvré qui se retrouve à devoir subvenir aux besoins financiers de sa famille. Repéré par le propriétaire de l’écurie Enshō pour sa puissance et son physique, le jeune homme décide de devenir sumōtori, principalement attiré par l’argent qu’il pourra gagner.

Ce qui ressemble d’abord à une solution de facilité va peu à peu se transformer en passion. Nous suivons donc son ascension dans cet univers très fermé, alors qu’il grimpe les échelons et devient une sensation connue dorénavant sous le nom de Enno.

Anti-héros

Sanctuary nous fait ainsi suivre les pas d’Oze, anti-héros au départ surtout attiré par l’aspect pécuniaire lié aux succès rencontrés sur le dohyo. Il est incarné à merveille par Wataru Ichinose qui s’est entrainé lui aussi de longs mois pour le personnifier avec force et talent. Le jeune Japonais veut surtout sauver son père, tombé dans le coma après un accident. Les soins coûtent chers et ce n’est pas sa mère, tombée dans la prostitution, qui peut subvenir à ses besoins. Au vu de ce que la vie a mis sur son chemin, on peut comprendre que le rejeton soit devenu cet avorton mal élevé qui ne respecte aucune règle. Pourtant, dans le monde du sumo (comme dans tout ce qui se fait au Japon en général), elles sont primordiales et doivent être suivies sans discuter.

Autant dire que les débuts sportifs du trublion sont plus que houleux et bien loin des standards de respects demandés par le comité. Pourtant, l’homme a un talent certain et, au-delà de l’argent, c’est bien la passion pour ce sport qui va le faire avancer dans son destin, lui qui promet à tout va qu’il deviendra yokozuna (le plus haut rang dans le sumo). La série nous amène ainsi avec elle dans un univers sportif assez méconnu pour les non-Japonais.

Une porte d’entrée

Sanctuary est en effet une très bonne porte d’entrée pour tous ceux, comme Poulpy, pour qui le monde du sumo est aussi obscur que celui du cricket ! Sur et en dehors du dohyo, on y apprend donc les rudiments et les règles de ce sport codifié. On découvre la vie dans les heya, les écuries dans lesquelles vivent ensemble des dizaines de sumotori sous les ordres d’un oyakata (directeur et souvent ex-lutteur). Des hommes de tous les âges, de très jeunes à trentenaires, s’y entraînent du matin jusqu’au soir pour devenir plus forts, plus rapides et plus techniques. On y enchaîne inlassablement et par milliers les shiko, cette action de soulever sa jambe sur le côté du corps pour la reposer avec force sur le sol.

La série nous dépeint le quotidien des rikishi dont le groupe ressemble parfois à une classe de lycéens, avec ses amitiés, ses jalousies et ses bizutages qui vont parfois un peu trop loin… L’actualité récente avait notamment exposé des pratiques borderline et violentes, généralement cachées au public. En 2007 notamment, un jeune sumōtori de 17 ans était mort pendant un entraînement, frappé par ses camarades. On voit aussi comment les classements se jouent dans les bureaux entre les cadres de la fédération, souvent d’anciens sumōtori qui ont apporté avec eux les rancœurs des combats passés. Les blessures sont d’ailleurs parfois autant psychologiques que physiques. Bref, le monde du sumo n’est pas qu’angélisme. Derrière le rideau, c’est parfois tout le contraire.

Une vie de sacrifices

Sanctuary s’attarde en effet sur les douleurs que subissent les sumōtoris et combien l’entraînement est dur. Là où certains sont au début de leur carrière, d’autres sentent déjà venir la fin. Il faut dire que la carrière d’un sumōtori n’est pas très longue… Nous voyons ainsi combien il est compliqué pour les sportifs de haut niveau d’accepter que la retraite approche, parfois juste avant une possible gloire. Les blessures et tout simplement l’âge avançant, ils ne font plus le poids face aux jeunes pousses pleines de fougue.

Toute la motivation du monde ne suffit plus et il faut savoir dire « stop ». Dans un sport comme le sumo où la force physique est un argument d’importance, s’avouer en fin de carrière est encore plus douloureux. Comme un aveu que l’on ne mérite plus de fouler le dohyo car on n’a plus assez de dignité. Arrive un moment où la technique n’est ainsi plus suffisante pour surmonter la douleur d’un genou qui grince. Et avec ce retrait vient forcément la honte, difficilement supportable au Japon.

Mais Sanctuary n’est pas qu’une série sur le sumo et soigne aussi ses intrigues secondaires. On retient la journaliste parachutée dans le sumo sans rien y connaître, l’hôtesse de bar qui manipule notre pauvre Oze ou même une histoire de meurtre dont le suspect n’est autre qu’un lutteur.

En 8 épisodes à la réalisation soignée (notamment des combats), on ne s’ennuie pas une seconde et on espère que la série trouvera son public à l’international pour que Netflix lui offre une deuxième saison. Sanctuary est dans tous les cas une belle opportunité pour les novices de s’intéresser à un sport qui n’a quasiment aucune médiatisation en France depuis de nombreuses années, même si L’Équipe TV en a diffusé pendant quelques temps.

Stéphane Hubert