« Blue Giant », film adapté du manga éponyme maintes fois salué, a su nous envoûter par sa mélodie sentimentale sans fausses notes : une histoire d’amitié, de passion et d’abnégation qui prend aux tripes pour ne plus vous lâcher,… comme un bon morceau de jazz. Une partition que vous n’êtes pas prêts d’oublier, au cinéma français le 6 mars. 

Blue Giant est un film réalisé par Yuzuru Tachikawa (réalisateur des séries Death Parade et Deca-Dence et des films Détective Conan, l’exécutant de zéro et Détective Conan : le sous-marin noir). Nous y suivons la vie de Dai Miyamoto qui change à jamais, le jour où il découvre le jazz.

Jetant son dévolu sur le saxophone, ce dernier s’entraîne tous les jours. Jusqu’à une décision : quitter Sendai, sa ville natale, pour poursuivre sa carrière musicale à Tokyo où il retrouve son ami Shunji installé là-bas.

Jouant avec passion, le jeune Dai parvient alors à convaincre le talentueux pianiste Yukinori de monter un groupe avec lui. Accompagné de Shunji qui débute à la batterie, ils forment le trio JASS.

Au fil des concerts, les trois acolytes se rapprochent de leur but : se produire au So Blue, le club de jazz le plus célèbre du Japon, avec l’espoir de bouleverser le monde du jazz.

Une partition passionnante et passionnelle

Dans Blue Giant, ce sont en effet trois personnalités aussi différentes dans leurs origines que complémentaires sur une scène qui vont nous fasciner du début à la fin.

Dai, personnage principal habité par une passion de chaque instant, est prêt à tout pour se faire une place en tant que jazzman, et ce après trois ans d’entraînement seulement, même si intensifs. Sa quête est bien trop importante pour qu’il courbe l’échine face aux difficultés. Il est ainsi naturellement et viscéralement prodigieux et garde l’amour du jazz vissé au cœur.

À l’opposé, Yukinori est le fils d’une professeur de piano et en joue depuis l’âge de 4 ans. Ayant acquis une grande maîtrise technique, il doit pourtant faire sauter les verrous de son enseignement académique pour devenir enfin un jazzman libre.

Quant à Shunji, c’est un débutant total et c’est bien son amitié sans faille qui le pousse à suivre Dai dans son périple. Ce n’est peut-être pas le plus talentueux, mais il finit lui aussi par succomber à ce virus musical qui sera le terreau d’une immense amitié mise pourtant à rude épreuve par les challenges de la vie.

Improvisation en accords majeurs

Qui dit « aventure », dit évidemment « obstacles », « victoires », « défaites », « alliés » et « ennemis ». Les trois amis sont assez obstinés et sympathiques pour que nous les suivions avec un grand plaisir, saluant chaque avancée et déplorant chaque bâton se coinçant dans leurs roues.

Dai veut devenir le meilleur jazzman du monde et surtout redonner ses lettres de noblesse à un genre musical peu à peu tombé en désuétude et quasiment réservé à une niche de mélomanes exigeants. Les notes doivent résonner à nouveau dans les bars désertés. Dès les premières minutes du film, c’est également notre souhait.

L’histoire commence alors que Dai arrive à Tokyo, ce qui correspond au milieu du quatrième tome du manga. Un parti-pris qui permet au récit de gagner en rythme alors que le spectateur est, comme le saxophoniste d’à peine 18 ans, plongé directement au cœur des vibrations bleutées des rues, bars et clubs de la capitale japonaise. Le film va crescendo dans l’intensité des enjeux et le réalisateur réussit avec brio à ne pas baisser en énergie, bien au contraire.

La dernière demi-heure de Blue Giant est ainsi démentielle, laissant les spectateurs de longues minutes hébétés quand le générique de fin s’affiche (petit conseil : restez jusqu’au bout pour voir le véritable épilogue !).

Ce long final en fanfare enchaîne les séquences qui vous feront passer par toutes les émotions, des plus bouleversantes aux plus joyeuses. Tout cela dans un écrin technique, visuel et sonore lui aussi de haute (en-)volée. Une rigueur dans la réalisation qui fait écho à un autre animé parfaitement exécuté, dont Mr Japanization vous faisait aussi découvrir l’univers : Yuri on Ice : la série romantique de patin sur glace !

Blue Giant : de la case muette à l’écran mélodique

Blue Giant est au départ un manga de Shinichi Ishizuka, l’auteur de Vertical. La série se compose de 10 tomes, suivie de trois suites : Blue Giant Supreme (11 tomes), Blue Giant Explorer (9 tomes) et enfin Blue Giant Momentum (lancée en prépublication au Japon en juillet 2023).

« un manga où l’on peut entendre la musique »

L’œuvre a souvent été décrite comme « un manga où l’on peut entendre la musique ». Une prouesse à laquelle le long-métrage rend honneur. Et pour coller avec le talent des personnages, elle est bien sûr composée et jouée par des pointures du milieu du jazz japonais.

Ainsi, les chansons sont écrites par Hiromi Uehara, pianiste reconnue dans le monde entier ayant même reçu un Grammy Award. C’est elle qui double le personnage de Sawabe Yukinori dans le film.

Elle est accompagnée au saxophone par Tomoaki Baba, brillant musicien virtuose. Un peu trop même aux oreilles de la compositrice qui a dû lui demander de moins bien jouer pour laisser transparaître les imperfections de l’interprétation de Dai.

Enfin, le duo est complété à la batterie par Shun Ishiwaka, qui a lui aussi carrément changé sa manière de tenir ses baguettes pour entrer dans la peau du débutant qu’est Tamada.

Que l’on soit fan ou non de ce style musical, difficile de ne pas apprécier la partition entendue dans le film. Et ce, encore plus quand elle est accompagnée d’un visuel aussi énergique, fidèle à une véritable prestation musicale.

Mimétisme à la perfection

On entend parfois des voix s’élever face aux animés pour crier haut et fort : « Ce n’est pas du tout réaliste, jamais ça ne se passe comme ça. ». Personne n’aura l’outrecuidance de reprocher quoi que ce soit à Blue Giant sur cet aspect-là. Les scènes de concert live représentent en effet environ un quart du film (qui dure 2h).

Même si le pari de les illustrer avec des images de synthèse 3D n’est pas toujours du meilleur goût, elles sont d’une force et d’une intensité dans la mise en scène en tout point exceptionnel.

Pour coller au mieux à la gestuelle des jazzmen et retranscrire parfaitement la performance des musiciens, l’enregistrement de la musique du groupe JASS a été filmé et la « motion capture » a été utilisée pour la 3D.

On a également montré aux dessinateurs plusieurs vidéos de concerts de jazz pour qu’ils puissent s’en inspirer. Pour pimenter le résultat, le réalisateur a saupoudré chaque live d’une touche de psychédélisme, ajoutant effets visuels fous, colorés et étincelants. De quoi souligner l’envie de briller qui brûle dans l’âme de notre trio dépareillé. On n’avait pas vu telle folie depuis Inu-oh !

En somme, Blue Giant est un très bon film d’animation qui sera encore plus apprécié dans l’obscurité feutré d’une salle de cinéma. Sa mélodie entraînante et harmonieuse est teintée d’humour, de larmes, d’espoir et de sourires. En sachant qu’elle ne couvre que le tiers de l’épopée d’origine de Dai, nous n’attendons qu’une chose : en découvrir rapidement la suite !

En attendant, on ne manquera pas de voir et revoir encore et encore ce long-métrage qui se place directement dans le top des productions japonaises animées de ces 10 dernières années.

Le film sortira en France au cinéma le 6 mars.

Stéphane Hubert