Le cinéma japonais d’aventure des années 50, fort de ses samouraïs fous de vengeance ou adeptes du bushido, a marqué les esprits des cinéphiles du monde entier. Ce n’est pas Quentin Tarantino qui dira le contraire, lui qui s’en est fortement inspiré pour son diptyque « Kill Bill ». Aujourd’hui, c’est le monde du jeu vidéo qui lui signe une magnifique lettre d’amour avec « Trek to Yomi ».

Quand nous avons découvert la première bande-annonce de Trek to Yomi, nous nous sommes demandés si nous rêvions ou si tout ça était bien réel. Un jeu-vidéo en noir et blanc se passant dans le Japon féodal ? Où devions-nous signer ? L’histoire suivait celle d’Hiroki, un apprenti samouraï, qui jure à son maître assassiné par le chef d’un gang de malfrats qu’il prendra sa suite et protégera son village et sa fille. Sorti depuis le 5 mai, nos bonnes premières impressions se confirment, même si le côté ludique, contrairement à Getsufuma Den, risque d’en laisser quelques-uns sur leur faim.

Trek to Yomi : une immersion sublime

Comme dit plus haut, Trek to Yomi nous avait vraiment éblouis quand nous en avions découvert les premières images de gameplay. Les graphismes étaient d’une grande finesse et d’une grande fidélité à l’univers du Japon féodal. Mais comme nous le savons aujourd’hui, il faut toujours se méfier des bandes-annonces qui montrent parfois une réalité artificiellement magnifiée. Manette en main, nous pouvons confirmer qu’il n’en était rien.

Tout ici est sublime et un véritable régal de chaque instant pour les yeux. Vous vous baladerez dans des décors foisonnant de détails et un effort a été fait au niveau du dynamisme de ces derniers. Il y a toujours quelque chose qui se passe dans un coin, que ce soit un feu, un PNJ qui vous appelle, des branches qui dansent au premier plan ou des archers en haut d’une colline essayant de vous atteindre.

Trek to Yomi est un beat them all horizontal et chaque changement d’écran vous donnera envie de vous arrêter quelques secondes pour contempler le nouveau comme s’il s’agissait d’un tableau. On sent ainsi que ce côté contemplatif était voulu dès le départ par les développeurs du jeu.

Kurosawa, cet hommage est pour toi

Vous aurez en effet l’étrange impression de vous retrouver plongé dans un film d’Akira Kurosawa, le réalisateur de Rashōmon et de Les Septs samouraïs. La mise en scène est fortement cinématographique et le jeu, se passant à 90% de nuit, profite de sublimes paysages baignés dans des clairs de lune ahurissants de beauté et de poésie. C’est justement ce contraste entre l’éclat évanescent des environnements et la violence inhérente au parcours d’Hiruki qui marque encore plus le joueur.

Comme dans les chefs-d’œuvre du cinéma japonais, on règle ici ses comptes à coups de sabre, oui, mais toujours avec classe et un esthétisme travaillé. La musique y fait également beaucoup pour l’immersion et vos pas seront rythmés au rythme du shamisen traditionnel qui vous accompagnera de façon plus ou moins discrète tout au long de votre aventure.

Le jeu se permet des scènes purement cinématographiques (les bandes noires en haut et en bas de l’écran étaient un indice) avec des effets de réalisation dramatiques qui en soulignent encore plus la tension. Trek to Yomi est vraiment une réussite totale dans son ambiance et une vraie claque visuelle comme on a rarement vue. Le problème, c’est qu’il en oublie un peu trop souvent qu’il doit être aussi un jeu vidéo.

Quand le gameplay s’emmêle

Le jeu développé par Flying Wild Hog (Shadow Warrior) est donc un beat them all et, de par sa nature première, promis à une certaine répétitivité. C’est ce que l’on ressent ainsi durant 5 des 7 tableaux que compte Trek to Yomi. On a beau débloquer des combos de coups censés nous faciliter les choses, nous finissons toujours par faire la même chose : on pare et on réplique en matraquant les boutons de coups forts et faibles. C’est répétitif à souhait et une forme de lassitude peut vite s’installer, même si d’autres armes (katana, arc et fusil) se débloquent le long du périple.

Trek to Yomi

Comme sortis de nulle part, des similis puzzles apparaissent pourtant pendant deux tableaux et on les accueille plus avec incongruité que plaisir tellement leur place dans le jeu semble mal amenée. Même si le jeu est très linéaire, il propose tout de même une chasse aux objets cachés qui, dans le menu pause, nous en racontent plus sur le folklore japonais et la mythologie shintoïste. Vous pourrez également trouver çà et là des bonus qui vous donneront plus de vie ou d’endurance.

Les checkpoints sont légions dans l’épopée d’Hiroki et vous n’aurez ainsi jamais de longs passages à refaire en cas de mort prématurée. En mode de difficulté normale, vous ne rencontrerez ainsi pas trop de problèmes pour voir la fin du jeu en 5 ou 6 heures. Un nouveau mode débloqué au bout de l’aventure vous lancera un challenge ultime puisque chaque coup y sera fatal, qu’il soit porté sur vos adversaires ou sur vous-même.

Un autre monde

Si vous vous posez la question, non, Yomi n’est pas une ville japonaise mais bien le nom que l’on donne sur l’archipel au monde des morts. Trek to Yomi vous fera donc -comme prévu dans son titre- visiter les limbes avec votre Hiroki en quête de sens à sa vie. Devra-t-il suivre la voie de l’amour, de l’honneur ou de la vengeance ? Arrivera-t-il à suivre le bushido, ce code de conduite irréprochable que tout samouraï se doit suivre à la lettre ? Pour cela, vous devrez vous aventurer à la lisière de la vie et de la mort, là où vous attendent les cauchemars et la folie du royaume gouverné par la déesse Izanami. Cette angoisse est bien retranscrite et vous aurez parfois envie de faire une petite pause après certains moments du jeu qui propose même trois fins différentes suivant votre choix final.

Trek to Yomi : pour un public avisé ?

Au final, à qui s’adresse vraiment Trek to Yomi ? Avant tout aux amoureux du cinéma japonais, du Japon et de son folklore en général et à ceux qui sont capables de s’arrêter en pleine quête pour admirer des décors absolument divins. Vous qui avez tendance à mettre les sensations de jeu en avant et vous fichez bien du côté esthétique, n’empruntez pas ce chemin vers l’enfer qui risque fortement de vous laisser sur votre faim. Le destin d’Hiroki est toutefois assez court et constituera –comme ce fut le cas pour Poulpy- un enchantement pour les sens qui fascinera ceux qui s’intéressent au folklore de l’archipel et vouent un culte aux films de samouraïs.

Trek to Yomi est disponible sur PS4, PS5, Xbox One et Xbox series pour moins de 20€. À noter qu’il est inclus gratuitement dans le Game Pass de Microsoft pour ceux qui y sont abonnés.

Stéphane Hubert