Quand la production de « Pluto » a été annoncée par Netflix il y a quelques années, les fans du manga original ont frémi de plaisir. Il faut dire que l’œuvre de Naoki Urasawa est considérée comme un chef-d’œuvre. Même si des accidents peuvent arriver, là, il aurait fallu faire fort pour que l’adaptation animée passe complètement à côté de son sujet. Et si la technique n’est pas toujours éblouissante, difficile de ne pas succomber de plaisir face aux très nombreuses qualités de ces 8 épisodes…

Pluto est l’adaptation du manga du même nom de ce génie qu’est Naoki Urasawa, déjà auteur de Monster et 20th Century Boys, parmi bien autres.

On y suit le robot-détective Gesicht qui enquête sur le meurtre de Mont Blanc, un androïde longtemps considéré comme une arme de destruction massive. Pourtant, rangé des conflits, ce dernier était maintenant devenu un défenseur de la faune et de la flore en Suisse et adoré des enfants. En parallèle, des scientifiques sont mystérieusement, eux aussi, assassinés à travers le monde. Tout porte à croire que les meurtres sont liés puisque sur chaque scène de crime, nous retrouvons des éléments qui rappellent les cornes du dieu des enfers : Pluto. Reste maintenant à résoudre cette enquête pas comme les autres.

Pluto : quand les ombres cultes planent sur celluloïde

Avant même d’être adapté en animé, Pluto a connu une genèse hors du commun. Il s’agit en effet d’une relecture par Naoki Urasawa d’un arc du manga Astro Boy. Alors que dans ce dernier, l’enquête est bien sûr menée à travers les yeux du fameux robot, le papa de Monster, lui, choisit plutôt de nous la faire vivre sous le regard de Gesicht.  Coup de génie et naissance d’un nouveau chef-d’œuvre du manga.

Aujourd’hui, dans sa version animé, nous avons la surprise et la satisfaction de voir que le trait d’Urasawa a bien été respecté. La couleur donne en plus un côté encore plus anxiogène aux scènes qui le demandent. Quel plaisir de voir également notre ami Astro/Atom faire un coucou alors qu’il est relégué pour une fois au second plan. Et si l’esthétique est belle à voir, que dire de l’histoire.

Une œuvre visionnaire

Si on peut en effet donner un adjectif à Pluto, c’est bien celui de « visionnaire ». Et si le sujet de la place des robots dans la société était déjà d’actualité quand Urasawa a publié son manga entre 2003 et 2009, il l’est encore plus à notre époque alors que de nombreuses conversations tournent autour de la place que l’humanité doit donner à l’intelligence artificielle dans son quotidien. Dans l’animé, les choses vont encore plus loin puisque ces dernières ont maintenant des enveloppes humaines et qu’il est quasiment impossible de faire la différence avec un être de chair et de sang. Les lois se sont adaptées également à cette nouvelle réalité.

Dans le futur, les robots peuvent ainsi se marier entre eux, avoir des enfants et même les adopter. Ils mimiquent le comportement humain jusqu’à un certain point, des lois et des garde-fous rendant les agressions envers leurs créateurs impossibles. Pourtant, petit à petit, à force de passer du temps avec les hommes, les sentiments qui animent ces robots les amènent aux frontières de la haine et de la tristesse qui peuvent rendre leurs comportements questionnables et fortement imprévisibles.

Que faire alors ? Doit-on interdire, par exemple, à un robot d’apprendre à jouer du piano sous prétexte qu’il fut jadis une machine de guerre ? Doit-on voir d’un mauvais œil une collaboration artistique avec une intelligence artificielle ? Faut-il empêcher une entité robotique le pouvoir d’imaginer et de ressentir ? Cette réflexion incessante sur la place nouvelle des IA dans notre quotidien est vraiment un des points les plus importants de la série qui offre de nombreux questionnements sur le sujet. Non, vous ne regarderez pas les épisodes l’esprit léger et c’est ce qui fait de cet animé une fiction à ne surtout pas manquer. Sur le fond comme la forme.

Philosophie et action

Si Pluto vous fera en effet des nœuds dans le cerveau comme les plus grandes œuvres de science-fiction, elle vous éblouira aussi par ses nombreux combats épiques et bien chorégraphiés. En même temps, ils mettent en scène les 7 robots les plus forts de l’univers, ceux qui sont considérés comme des armes de destruction massive. Quand ils se rencontrent, rien ne leur résiste, ni la terre, ni le ciel. Au milieu de la réflexion philosophique, nous avons donc droit à de grands combats qui font également le sel de Pluto.

Hélas, certaines séquences un peu statiques font tâches et on regrette les mouvements figés des personnages qui étonnent parfois. Néanmoins, l’animé se hisse dans le haut du panier des productions Netflix, comme Blue Eye Samourai sorti quelques semaines avant. Et si certaines œuvres s’amusent à saupoudrer leurs épisodes d’action pour le plaisir, Pluto, lui, la justifie de sa première à sa dernière seconde.

Quand la haine engendre la haine

Pluto est en effet un plébiscite contre les conflits qui s’enlisent et dont chaque mort est un domino qui tombe sur la promesse de nombreuses autres. Alors le débat est plutôt évident. Oui, « la guerre, c’est mal » et nous n’avons pas vraiment besoin d’un animé pour nous ouvrir les yeux sur la question. Néanmoins, la série, justement, le fait d’une manière intelligente, nous montrant surtout que même les IA, quand elles y réfléchissent, ne voient aucune bonne raison de détruire des territoires entiers, emportant avec eux dans la destruction des hommes et des femmes qui sont aussi des pères et des mères. Si demain nous laissons la guidance du monde à des êtres synthétiques, ira-t-on vers une paix notable et mondiale ? C’est ce que semble suggérer le scénario concocté avec malice par Naoki Urasawa.

Pluto l’animé est une œuvre qui se déguste épisode par épisode et nous ne pouvons que vous inviter à ne pas les enchaîner les uns après les autres pour en savourer la teneur philosophique qui s’y cache. En 8 épisodes d’une heure, on ne s’ennuie pas une seconde et on salue la fidélité au manga de Naoki Urasawa. On se met même à rêver d’autres adaptations de manga de l’auteur comme Asadora par exemple.

Pluto est d’ores et déjà disponible en intégralité sur Netflix.

Stéphane Hubert