Plongée sans fard derrière les strass et les paillettes du monde des Idol, « Oshi no Ko » nous dévoile une réalité lugubre et angoissante qu’on ne peut qu’imaginer. Mais l’animé japonais va encore plus loin puisqu’il se pare d’une intrigue fantastique digne d’un thriller. Une vraie réussite, sur fond de critique sociale, dont nous vous parlons aujourd’hui.

Oshi no Ko est l’adaptation du manga du même nom dessiné par Mengo Yokoyari et écrit par Aka Akasaka. Ce dernier est déjà le mangaka derrière Kaguya-sama : Love is War, grand succès d’édition et de l’animation de ces dernières années, au Japon comme en France.

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On y suit le destin de la chanteuse Ai Hoshino qui, à 16 ans seulement, est au sommet de sa gloire avec son groupe B Komachi. Toutefois, cette dernière tombe enceinte assez soudainement et part se cacher loin des objectifs dans un hôpital de campagne. Là, elle est suivie dans sa grossesse par le docteur Gorô, obstétricien de talent mais surtout immense fan de l’artiste depuis que Sarina, une de ses patientes depuis décédées, lui a fait découvrir. L’Idol, le médecin et la jeune fille vont se retrouver liés l’un à l’autre par un étrange phénomène qui défie toute raison

Oshi no Ko : derrière le rideau des Idol

Si certaines séries japonaises comme The Idolm@ster semblent vendre du rêve aux jeunes filles en dressant un tableau positif du monde des Idol, ce n’est assurément pas le cas d’Oshi no Ko. La série réalisée par Daisuke Hiramaki (qui a justement travaillé en tant qu’animateur-clé sur la première citée) s’éloigne loin des sourires pour nous dévoiler une réalité bien moins reluisante.

On y découvre un univers inhumain et hypocrite où le seul objectif, c’est de rapporter de l’argent. Néanmoins, ne pas croire que celui-ci revient aux artistes qui ne reçoivent qu’un très petit pourcentage des sommes astronomiques qu’elles génèrent. Dans la série, Ai reçoit 200 000 yens (soit 1340€) par mois alors que le dernier single de son groupe est troisième des charts. Mais justement, il faut diviser les revenus entre les 7 membres qui le forment. Et puis, il y a cette concurrence entre elles qui peut pousser au pire et détruire certaines filles pourtant talentueuses.

Quant à la santé physique et psychologique des jeunes filles, elle importe peu à la production. Après tout, celles qui disparaissent peuvent être facilement remplacées, alors on les presse comme des citrons pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes afin de faire dépenser de l’argent aux fans. Tant pis si elles sautent des repas, se font lyncher sur les réseaux sociaux et doivent pour cela montrer un visage de pureté à toute épreuve. Ne surtout pas ternir cette image de sainte qui attire souvent des hommes d’âge mûr dans leur filet. Alors quand Ai tombe enceinte, il ne faut surtout pas que ça se sache, et encore moins que le monde découvre qu’elle est maintenant mère de jumeaux ! Surtout à 16 ans.

Heureusement pour elle, elle est justement aidée par ces derniers.

ATTENTION, LA SUITE DE L’ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS SUR L’INTRIGUE !

Les deux font la paire

Là où Oshi no Ko se démarque d’un animé lambda, c’est bien par son drôle de retournement de situation. La chanteuse accouche en effet de jumeaux (Aquamarine et Ruby) qui ne sont rien d’autre que la réincarnation du docteur Gorô et de Sarina, sa patiente décédée. Sauf qu’ils ont gardé tous leurs souvenirs de leurs vies d’avant et savent déjà parler ! S’ils s’en cachent auprès de leur nouvelle mère, ils n’hésitent pas à abuser de leur pouvoir quand ils sentent que cela peut être bénéfique à cette dernière. Ils sont ainsi la caution comique du premier épisode et amènent un vent de fraîcheur à ce dernier… juste avant le grand final qui vous tirera de bien nombreuses larmes.

Le rouge remplace le rose

Oshi no ko risque d’en surprendre plus d’un à la fin du premier épisode avec la mort d’un des personnages principaux. C’est en effet Ai qui est assassinée et on découvre que ce long épisode n’était finalement qu’un préambule à l’intrigue principale. Nous suivrons en effet à présent les jumeaux en âge d’entrer au lycée dans la suite de la série. Ruby veut poursuivre la voie tracée par sa mère et devenir chanteuse à son tour. Après tout, quand elle était Sarina, elle rêvait de cette vie et voit cette réincarnation comme une seconde chance pour enfin la vivre. Aqua, lui, n’a qu’un but en tête : découvrir qui est son père et le tuer. Une tournure encore plus sombre qu’on le pensait et qui, pourtant, s’imbrique très bien avec les moments un peu plus légers du show. La carrière des jumeaux est donc ainsi lancée.

Micro et Caméra

Au-delà du monde des Idol, la série se veut également une vision très noire de l’industrie du divertissement japonais. Alors qu’Ai décroche un petit rôle dans un film, le réalisateur explique à son fils la hiérarchie qui existe parmi les acteurs. Il y a les premiers rôles sur qui reposent le film, les bons acteurs qui garantissent la qualité du film et enfin les nouveaux venus qui ne sont là que pour amener de la fraîcheur à l’écran.

Là encore, si une pose un problème, elle sera remplacée. L’homme utilise même le terme de « troupeau » pour désigner le nombre de prétendantes. « On fait pas de l’art mais du business. » assène-t-il. Aquamarine va se retrouver lui aussi à marcher dans les pas de sa mère alors qu’il devient à son tour comédien . S’il le fait avant tout pour faire avancer sa quête de vérité, il se prend lui aussi au jeu et va peu à peu se faire un nom dans le milieu. Il finit même par intégrer le casting d’une émission de télé-réalité de rencontres amoureuses. Un vrai grand moment de rigolade alors qu’il tente tant bien que mal de cacher son dégoût.

C’est bien ici dans cet équilibre entre humour, critique du monde du divertissement japonais et thriller que la série fascine. Après 5 épisodes, on peut dire qu’elle est très réussie et que le spectateur n’aura qu’une envie, c’est de découvrir la suite tous les mercredis.

Oshi no ko est diffusée en France sur ADN. Le manga est quant à lui édité chez Kurokawa et compte 7 tomes à ce jour.

Stéphane Hubert