Il y a de ces évènements de l’histoire qu’on aimerait ne jamais s’être produit. Au lendemain de l’attaque de Pearl Harbor, les Américains faisaient enfermer plusieurs dizaines de milliers de citoyens d’origine japonaise dans des camps d’internement, violant arbitrairement leur liberté. Pendant plusieurs mois, les agents du FBI vont enchainer les raids dans les foyers des immigrants. Quiconque était alors connecté au Japon de près ou de loin pouvait soudainement voir son patrimoine confisqué ou gelé. Encore aujourd’hui, cette mesure est considérée comme l’une des plus grandes violations des libertés civiles du pays.

Une mise à l’écart radicale et arbitraire

Le 19 février 1942, le Président américain Franklin D. Roosevelt donna son accord à une mesure d’exception visant une part des citoyens américains sur base de leur ethnicité : l’internement de milliers de citoyens d’origine nippone. Une décision qui faisait alors suite à l’attaque de Pearl Harbor en 1941, et s’ancra dans une défiance grandissante envers le Japon et ses ressortissants. Avec une suspicion de plus en plus importante envers les Japonais, l’État américain décide alors de mettre en place des mesures radicales de ségrégation qui vont toucher jusqu’aux citoyens japonais naturalisés. Dans le même temps, le racisme contre les japonais se répand à travers le pays, certains américains n’hésitant pas à afficher leur haine ouvertement. En tout, ce sont pas moins de 110 000 individus d’origine japonaise qui vont être internés dans des camps dédiés.

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« Ceci est un quartier d’hommes blancs »
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Un magasin fermé pour évacuation. Source : National Archives and Records Administration.

Avant leur arrestation, les Japonais Américains furent invités à s’inscrire d’eux-mêmes sur des registres sans connaître leur sort. Ils furent ensuite forcés à suivre des règles strictes, qui comprenaient, entre autre, des couvre-feux et une restriction au voyage. Des milliers d’Américains d’origine asiatique ont également été forcés à fermer leurs entreprises, de quitter leur travail et d’abandonner leurs foyers pour être relogés dans des camps d’internement appelés « centres de relogement ». Parmi les Japonais internés, 62% étaient des Japonais de deuxième génération, donc de citoyenneté américaine, 38% seulement étaient de simples résidents japonais vivant sur le sol américain.

La vie dans les camps

Une fois près à être « évacués », les Japonais-Américains étaient autorisés à prendre seulement ce qu’ils pouvaient transporter. Les détenus étaient ensuite rassemblés dans des centres dans l’attente de leur traitement puis transférés dans d’autres centres de relogement des États-Unis, au nombre d’une dizaine à travers le pays. Le plus important d’entre eux, le camp de Manzanar en Californie, a accueilli plus de 100 000 civils japonais.

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Ansel Adams, 1943
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Ansel Adams, School Children, 1943

À l’époque, les hippodromes et les parcs d’expositions étaient généralement utilisés comme centres de rassemblement. Si les documents officiels font office de baraquements propres avec des lits, les internés restaient parfois dans des écuries et des étables d’animaux où le bétail était récemment encore parqué, marquant les lieux de l’odeur du fumier frais qui rendait leurs conditions d’internement proche de celle des animaux. On sait aujourd’hui qu’aucun des détenus n’avait de lien avec le gouvernement japonais ou encore le bombardement de Pearl Harbor. Mais la peur et la méfiance, alimentée par une guerre d’une extrême violence à l’autre bout du monde, va justifier tous les moyens.

Une fois dans les camps, les dortoirs étaient partagés entre inconnus, réduisant l’intimité au plus strict minimum. Pouvoir s’habiller en privé était devenu un privilège et il n’y avait pas de salles de bains dans les casernes. Tout le mondes se retrouvait à faire la queue pour utiliser les salles de bain communes. Certaines douches se trouvaient également à l’extérieur et en raison de la proximité d’un si grand nombre de personnes, les maladies pouvaient se répandre rapidement. Enfin, quiconque tentait de s’échapper ou refusait d’obéir aux ordres s’exposait au risque d’être tué par des gardes qui profitaient d’une quasi-immunité en raison du climat de guerre. En dépit d’une incarcération tragique violant les Droits Humains, les internés des camps les plus luxueux bénéficiaient de terrains de jeux pour se distraire.

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« On ne veut pas de japonais »
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Ansel Adams, 1943

Avec 5 autres camps, Manzanar fut fermé le 21 novembre 1945. Chaque personne reçut alors 25 dollars et un ticket de bus. Cependant, nombre de personnes ayant tout perdu, de leur propriété, à leur travail ou encore leur entreprise, vont décider de rester, ne sachant pas où aller. Le gouvernement sera contraint de replacer de force certains d’entre eux à travers les États-Unis. Aujourd’hui, Manzanar reste un site historique important, témoignant d’une époque sombre de l’histoire. On peut notamment y trouver un monument construit par un artisan japonais interné en 1943. Certains visiteurs y déposent toujours des origamis et des offrandes en souvenir des innocents ayant perdus la vie (et leur vie) dans ces camps.

Ce petit film d’animation touchant résume cette triste période de l’histoire…


Sources : NextShark.com / Buzzfeed.com