Comment c’est, l’intérieur d’un habitat japonais « moderne » ? Dans l’imaginaire occidental, la décoration japonaise est minimaliste et zen. Le photographe Shiori Kawamoto a réussi à s’introduire dans l’intimité de Japonais(es) qui lui ont ouvert leur porte lui permettant de photographier leur intérieur. De quoi bousculer certaines perceptions erronées. Une rareté dans un pays qui voue un culte au respect de la vie privée. Dans son livre ‘Daraku Room’ il nous livre les résultats de plusieurs années d’investigations dans l’univers des jeunes Japonais, en particulier, des Otakus.

Quand on imagine l’intérieur d’une habitation japonaise, l’image d’un dépouillement « zen » nous vient tout de suite en tête. Un cliché issu de nombreuses représentations de maisons traditionnelles nippones avec leurs murs en bois, son sol recouvert de tatamis et les espaces séparés par des shôji en papier. Par ailleurs, le caractère minimaliste du mode de vie de certains Japonais a longtemps fait le « buzz » dans les médias étrangers. Il est pourtant rare aujourd’hui.

Extrait de ‘Daraku Room’

En effet, le Japon moderne n’a plus grand chose à voir avec le Japon du XIXème à l’époque de son ouverture à l’Occident. Si ce type d’architecture traditionnelle existe toujours dans quelques ryôkan et onsen de luxe, ainsi que dans les campagnes, il n’est plus représentatif de l’habitat japonais contemporain. Pour cause, en raison de facteurs multiples, incluant les tremblements de terre, la crise économique et l’industrialisation du Japon, l’habitat s’est standardisé autour de monoblocs utilitaires. Cette évolution a également transformé la décoration intérieure. En fait, osons le dire, la plupart des gens ignorent concrètement à quoi ressemble l’intérieur d’une maison japonaise moderne, en particulier en ce qui concerne la jeune génération branchée de Tokyo.

Outre le manque d’espace évident en ville, réduisant l’escape à son strict minimum, l’habitat japonais moderne s’inspire désormais ouvertement du monde occidental. Aujourd’hui, bien rares sont les nouvelles constructions à proposer des tatamis, futons et autres portes coulissantes. Ce type de conception est très coûteux et réservé à une certaine élite. Oui, le rêve qu’on nous a vendu dans Ranma ½ n’est plus vraiment à l’ordre du jour. Le Japon moderne est devenu à son tour un enfant de la société de consommation. Ikea fait d’ailleurs fureur chez la jeune génération nipponne. Otakus, idols, geeks et cosplayeurs ne font pas exception.

Extraits de ‘Daraku Room’

C’est sur des otakus femmes, et plus rarement des hommes (seulement 2 sur 50), que Shiori Kawamoto a décidé de pointer son objectif avisé. Tout particulièrement dans leur espace privé. Son but affiché, dénoncer les conséquences d’une consommation effrénée à travers les photos brutes d’intérieurs tellement surchargés d’objets que l’on peut parfois à peine s’y mouvoir.

Le titre même de son ouvrage est révélateur de son intention ‘Daraku Room’ signifiant ‘Pièce dépravée’. Son travail nous offre des clichés bruts d’une grande rareté, pour toute personne un peu curieuse de découvrir cet univers méconnu, quasi secret. Une plongée sans commentaire dans « l’habitat naturel » de geeks et geekettes japonais qui ne nous laisse vraiment pas indifférent. Des espaces qui inspirent pourtant de la beauté, une grande diversité autant qu’une forme de solitude tant ces espaces confinés sont voués à l’individualité.

Extraits de ‘Daraku Room’

Ce que nous disent les clichés de Shiori Kawamoto, c’est que le Japon vit toujours sa révolution culturelle silencieuse tout en nuances de gris. À l’instar d’autres pays, la consommation de masse a pris une place importante dans la vie de la jeune génération mais celle-ci résiste également dans les marges. Le « vintage » et l’usage de produits en seconde main – particulièrement les vêtements – est également très tendance. Shimokitazawa en est probablement la plus belle preuve. Bien loin des boutiques de luxe uniformisées de Ginza, ce quartier de l’arrondissement de Setagaya, au sud-ouest de Tokyo, est jalonné de friperies vintages mais aussi de bars à musique et d’espaces underground investis constamment par des milliers de jeunes.

Le livre de 150 pages, que Poulpy a dévoré avec plaisir pour vous, regorge de clichés détaillés dont on se doutait à peine de l’existence. Il est disponible au Japon en librairie mais également sur toutes les plateformes de vente en ligne.

Source : Le livre « Daraku Room » de Shiori Kawamoto


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