Poétique, énigmatique et bercée d’une douce mélancolie, « Tunnel to Summer » est un film qui marque par la force de ses thèmes : du deuil à l’adolescence, en passant par les premiers émois amoureux, l’acceptation de soi et la poursuite de ses rêves. Sous le prisme du fantastique, cette oeuvre d’animation japonaise est à découvrir au cinéma en France depuis le 5 juin.

Tunnel to Summer (夏へのトンネル、さよならの出口, Natsu e no tunnel, Sayonara no deguchi) est un film d’animation réalisé par Tomohisa Taguchi, adapté du light novel écrit par Mei Hachimoku et illustré par Kukka.

L’histoire raconte que, selon une légende urbaine, trouver et traverser le mystérieux tunnel d’Urashima permet de réaliser son désir le plus cher. Toutefois, ce miracle est promis à un prix qui rend l’expérience périlleuse : quelques secondes en son sein se transforment en plusieurs heures dans la vraie vie !

Kaoru, un jeune lycéen marqué par la disparition de sa petite sœur, va faire équipe avec Anzu, une jeune fille énigmatique qui lui propose son aide pour tenter l’aventure. Mais qu’attend-elle de lui en échange ? Et que lui restera-t-il, une fois qu’il aura traversé le tunnel ?

Tunnel to Summer : rapprochés par la solitude

Ce long métrage confronte deux solitudes et aborde avec beaucoup de délicatesse et de poésie la question de la mort, du manque de confiance en soi et de l’abandon. Dès le début du film, Kaoru confie que personne ne se soucie de lui dans son foyer. Son père alcoolique lui reproche la mort de sa sœur et lui assène même qu’il serait prêt à échanger la vie de son fils contre celle de sa fille disparue. Des mots très durs qui expliquent ainsi cette tristesse qui se dégage des yeux du jeune homme endeuillé.

Anzu, elle, fait sourire par sa froideur et la distance qu’elle met entre elle, ses nouveaux camarades de classe et le monde extérieur en général. Cela peut être pris comme de l’arrogance, mais cette carapace est surtout là pour se préserver de sentiments qui peuvent faner. Les deux se rapprochent pourtant autour d’une idée : les blessures du passé ne les quittent jamais.

Quand hier empêche d’avancer

La promesse du tunnel est en effet une bénédiction autant qu’une malédiction. Ce dernier nous rappelle que se raccrocher au passé nous fait souvent oublier de vivre pleinement le présent. Doit-on hypothéquer un potentiel bonheur futur en ressassant de pieux souvenirs ? Heureusement pour Kaoru et Anzu, un sentiment va les aider à avancer et mettre le passé de côté : l’amour.

Leur histoire se développe avec charme et subtilité, nos deux tourtereaux n’étant pas des plus expansifs. Le plus important est leur compréhension du fonctionnement du tunnel. Se grimant en scientifiques, le duo va ainsi étudier la réalité qui existe dans le tunnel et les effets qu’elle a sur leur vie en dehors. Le spectateur est convié dans cette quête, partageant son étonnement à chaque avancé. Comment ? Pourquoi ? Dans quel but ? La liste des mystères à élucider ne cesse de s’allonger.

À l’autre bout du chemin

Le concept du scénario de Tunnel to Summer tourne en effet autour de ce tunnel qui attire pour mieux leurrer, bien qu’il semble le faire malgré lui, guidé par les intentions les plus pures. Après tout, combien serions-nous à refuser d’échanger quelques heures de notre temps pour revivre quelques secondes de plus avec une personne disparue ? Nous ferions face à ce dilemme le cœur serré, comme Kaoru face à la possibilité surnaturelle et inattendue de revoir sa sœur. Lui qui garde au fond de son âme le sentiment que le décès de cette dernière est de sa responsabilité.

Et si le fantastique tient une grande place dans l’attrait du long-métrage, ce sont aussi les scènes les plus intimistes (comme celles de l’aquarium ou du feu d’artifice) qui marquent par leur justesse, alors que les confessions sonnent comme des libérations et des aveux de confiance mutuelle entre nos deux égarés.

L’histoire sensible de Tunnel to Summer est universelle et résonne notamment grâce à une technique artistique parfaitement maîtrisée.

Sous la chaleur des lumières froides

La beauté visuelle est effectivement au rendez-vous, encore plus quand notre duo se faufile dans le célèbre tunnel. Les couleurs combinent alors froideur et incandescence. Le couloir d’arbres aux troncs cubiques et aux feuilles de feu fascine autant qu’il procure de l’anxiété. Le spectateur est attiré par ses lumières tout en ressentant un certain malaise devant cet onirisme trompeur : un déluge de teintes chaudes qui contrastent avec la grisaille du monde réel.

Tunnel to Summer est également une nouvelle preuve qu’il faudra compter avec le studio Clap dans les années avenir, lui qui nous a déjà régalés dans un style plus pétaradant avec Pompo the Cinéphile. Ce grand écart est bien le signe que le studio n’a pas froid aux yeux et a plusieurs cordes à son arc.

La musique, tout en mélodies de piano épurées est pour beaucoup dans l’ambiance feutrée du long-métrage. On la doit à Fuki Harumi, dont on avait déjà souligné le talent dans l’animé Tsurune. Ses compositions subtiles collent parfaitement avec la peine et les espoirs de nos deux jeunes héros.

Le film d’à peine 1h20 se présente ainsi comme une œuvre délicate qui nous prend dans ses bras réconfortants et nous glisse à l’oreille que tout ira bien. On y voyage entre l’espace et le temps, entre mélancolie, romantisme et amour naissant. Et la balade vaut toute notre attention, nous laissant une marque touchante et indélébile sur le cœur. Une belle réussite pour le réalisateur Tomohisa Taguchi dont on attend le prochain long-métrage avec impatience.

Tunnel to Summer est distribué par Star Invest Films et est à retrouver au cinéma en France depuis le 5 juin.

– Stéphane Hubert