Le Japon est sans nul doute le pays le plus sécurisant du monde. La criminalité y est proche du zéro absolu et les meurtres par armes à feu sont pratiquement inexistants. Pourtant, avant d’entrer dans la modernité, le Japon a longtemps été un pays extrêmement violent avec une culture des armes bien développée. Cette paix et sécurité intérieure singulière n’est pas le fruit d’un hasard mais la conséquence d’une politique de contrôle des armes diablement efficace menée depuis plus de 300 ans. De quoi donner quelques leçons aux USA qui voient se multiplier les tueries de masse.
Alors que le débat sur la législation des armes à feu refait régulièrement surface aux États-Unis au gré de fusillades tragiques, le Japon est très loin de partager les mêmes préoccupation. Ici, le débat est tranché depuis longtemps. Avec Hong Kong, le Japon possède le taux de mort par arme à feu le plus bas du monde : 0.06 pour 100.000 habitants. Et ces cas de morts par une arme à feu, environ 50 par an, concernent pratiquement tous des suicides. Pendant ce temps, le nombre de personnes mortes par balle s’élevait à 45 222 au pays de l’Oncle Sam. Un chiffre qui laisse sans voix. Ce contraste saisissant naît d’une culture des armes profondément différente mais surtout d’une législation diamétralement opposée.
Là où le second amendement de la Constitution américaine garantit à ses citoyens la liberté de porter une arme, la Constitution japonaise, pourtant calquée depuis la fin de la guerre sur celle des États-Unis, décrète que nul n’a le droit de posséder une arme à feu ou un sabre. S’il existe quelques exceptions, cette restriction était déjà inscrite depuis longtemps dans la loi japonaise afin d’éviter des bains de sang inutiles, bien avant l’ingérence des américains. Là où les amoureux des armes considèrent que ce n’est pas l’arme qui fait le crime mais celui qui l’utilise, le Japon est plus pragmatique : pas d’arme, pas de meurtre. Simple et efficace.
Une politique de prévention radicale
Historiquement, le Japon est le premier pays au monde à avoir légiféré sur la possession d’armes à feu et à avoir incité ses compatriotes à s’en passer pour des raisons de paix publique : dès 1685 les japonais étaient invités à venir déposer leur(s) arme(s) à feu contre une récompense, certes, dans un but également politique de contrôle des clans. À ce sujet, Iain Overton, directeur de l’ONG Action On Arm Violence, déclare : « Dès que les pistolets ont fait leur entrée dans le pays, le Japon a mis en place une loi très stricte. C’est la première nation à avoir imposé des règles sur les pistolets dans le monde entier; et je crois que ça a mené à une civilisation croyant fondamentalement que les armes à feu n’avaient pas de rôle à jouer dans la société civile ». Pour lui, le degré de violence d’une société est en corrélation directe avec le nombre d’armes en circulation, corroborant toutes les observations faites à ce sujet. De fait, la période Edo fut une période historique d’une paix particulièrement longue, assurant la prospérité de l’archipel, si bien qu’elle a vu fleurir nombre des plus grands artisans qui font toujours la renommée du Japon.
« La première nation à avoir imposé des règles sur les pistolets dans le monde. »
Il en résultera, quelques siècles plus tard, une société moderne où la pègre préférera se munir d’armes blanche pour des combats rapprochés, soit dissimuler des rares armes à feu à l’intérieur d’un thon congelé… Même les policiers n’étaient pas armés jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, privilégiant les arts martiaux et le contrôle des situations (ceux-ci gagnaient leur ceinture noire de judo et s’entraînent au kendo durant leur formation). Mais l’interdiction pure et simple des armes à feu n’est pas la seule explication à un taux d’homicide aussi bas : la cohésion sociale, le fort sentiment d’appartenir à une communauté où chacun doit jouer son rôle pour le bien-être de tous sont autant de facteurs déterminants en matière de criminalité comme de stabilité sociale. Des caractéristiques dont ne bénéficient pas les États-Unis qui perçoivent la citoyenneté comme l’expression de l’individualisme : le rêve américain est avant tout personnel.
Bilan : Le nombre d’armes à feu s’établit à 0,6 pour 1000 habitants au Japon contre 6,2 au Royaume-Uni et plus de 88,8 aux États-Unis pour 100 habitants ! Il y a désormais plus d’armes que d’habitants aux USA. Les armes sont littéralement partout. Ainsi, le nombre annuel de morts par arme à feu dans tout le Japon est égal à celui d’une seule tuerie comme en connaît l’Amérique plusieurs fois chaque année, parfois même chaque mois. La moyenne tourne à 12 décès par an, et le record annuel fut de 22 morts par armes à feu en 2007; chiffre qui a d’ailleurs déclenché une vive polémique dans l’archipel ! Inimaginable ailleurs dans le monde.
La violence engendre de la violence
D’après le journaliste Anthony Berteaux : « Répondre à la violence par la violence n’est pas la solution, on se doit de toujours la faire baisser. Seulement six coups de feu ont été tirés par la police japonaise en une année . Pour calmer une personne violente ou ivre, les policiers l’enroulent dans un futon pour la protéger le temps qu’elle se calme ». Ainsi, dans une approche psychosociale, la police japonaise admet et comprend qu’une personne peut ne pas être momentanément dans un état normal (boisson, crise, énervement, dépression, folie,…). Impossible pour une personne déséquilibrée de se fournir en armes pour assouvir une quelconque pulsion de carnage. On pense d’abord, on tire après, en toute dernière limite. À ce sujet, Iain Oberton renchérit : « Si les policiers dégainent au premier crime venu, alors on va dans une course aux armements entre la police et les criminels ». Un scénario observé ailleurs dans le monde.
De fait, si posséder une arme de poing peut mener en prison pour un à dix ans au Japon, sont tout de même autorisés les fusils de chasse sous condition strictes, en plus des répliques d’armes à air comprimé. On compterait 300 000 armes en circulation dans tout le Japon. Les rares à vouloir se procurer un fusil de chasse doivent se livrer à un véritable parcours du combattant administratif. Le candidat se doit d’avoir un casier judiciaire strictement vierge évidemment. Il doit en outre se soumettre à une journée de formation, passer un examen écrit et pratique en réussissant 95% des tirs !
La santé mentale du prétendant est également évaluée, la consommation de drogue dépistée et des liens avec d’éventuels groupes extrémistes recherchés. Les proches et même les collègues de travail sont passés au crible. Et ces tests sont à repasser tous les trois ans ! Autant dire qu’un individu épris de folie meurtrière ne pourra pas se rendre au magasin du coin pour y acheter une arme létale de guerre, comme c’est le cas dans certains États américains. Les amoureux des armes, eux, doivent démontrer une véritable passion pour avoir en droit d’en posséder une.
« Dans une société pacifique, les gens ne voient pas l’intérêt de s’armer au risque d’ébranler cette paix. »
Une fois en possession d’une arme, des obligations tout aussi draconiennes s’imposent : celle-ci doit être conservée sous clé et séparée des munitions. La police contrôle l’arme chaque année et, en cas de manquement, elle peut la saisir et révoquer le permis de port. Pour se procurer des munitions chez un armurier (dont le nombre est fixé à trois par préfecture), le détenteur doit y ramener les cartouches usagées qu’il y avait précédemment achetées. Il est donc possible d’assouvir cette passion, même au Japon ! mais en faisant preuve d’une rigueur exemplaire.
Moralité, cette politique porte si bien ses fruits qu’aucune réclamation d’assouplissement de ces règles strictes n’émane d’aucun bord politique, même à l’extrême droite conservatrice, confie Anthony Berteaux : « Cela provient du pacifisme qui s’est développé après la Seconde Guerre Mondiale dont les japonais ne veulent pas revivre les atrocités. Dans une société pacifique, les gens ne voient l’intérêt de s’armer au risque d’ébranler cette paix ». Notons également qu’au Japon, contrairement aux USA, il n’existe pas de lobby de l’armement pour manipuler l’opinion et le monde politique. Et ceci explique probablement beaucoup de choses…
Mr Japanization
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Sources : journalmetro.com / citizenpost.fr / bbc.com / slate.fr / atlantico.fr