Pour l’année fiscale 2018 (de mars 2018 à 2019) le tourisme au Japon a dépassé la barre symbolique des 30 millions de visiteurs étrangers selon les données de l’Agence du tourisme au Japon. Un chiffre record qui s’inscrit dans une politique nationale de promotion du tourisme alors que le Japon va successivement accueillir deux évènements sportifs internationaux : la Coupe du Monde de rugby à l’automne et les Jeux Olympiques en 2020.

Le tourisme au Japon revient de loin après le séisme du 11 mars 2011 qui avait fait plonger le nombre de visiteurs étrangers. Suite à la catastrophe, le gouvernement japonais était bien décidé à redresser la barre le plus vite possible, d’autant plus après l’obtention en 2013 des Jeux Olympiques de Tokyo. Les autorités ont depuis voulu relancer l’attractivité de l’Archipel en assouplissant l’obtention de visas et en développant les aéroports pour les compagnies aériennes à bas coût. De ce fait, les chiffres communiqués mercredi 17 avril ont pu les conforter dans la réussite de ce projet.

La foule se presse à Asakusa (Tokyo). Source : flickr

Le nombre de touristes pour l’année fiscale 2018 s’établit à 31,62 millions de personnes précisément, soit une hausse de 6,2% par rapport à l’année précédente. Lorsque l’on se souvient que l’objectif initial du gouvernement était d’atteindre les 20 millions de touristes pour les JO de 2020, ce résultat démontre un succès indéniable et une attractivité mondiale record pour le pays du soleil levant. Mais voilà, ce n’est visiblement pas suffisant. Le gouvernement vise maintenant 40 millions de touristes pour 2020 et 60 millions pour 2030. Soit doubler les chiffres actuels en 11 ans. Une déferlante de touristes qui constituerait un apport financier important aux caisses de l’état. Argent destiné notamment à compenser la baisse de la main d’œuvre au Japon et à financer la dette colossale du pays (250% du PIB).

Contrairement à ce qu’on imagine, ce sont principalement les voisins asiatiques qui ont fait grimper les chiffres du tourisme dans l’Archipel, avec une croissance constante mais légèrement inférieure, augmentant de « seulement » 5,8% pour le seul mois de mars (soit 2,76 millions de visiteurs supplémentaires), période prisée pour la floraison de cerisiers. Un léger ralentissement de la croissance du tourisme imputable aux catastrophes naturelles ayant touchées le Japon l’été dernier, estime l’Agence du tourisme au Japon. Pour comparaison, lors de l’année fiscale 2017, le nombre de touristes asiatiques avait augmenté de 19,9% ! À Tokyo, nous pouvons en témoigner, le nombre de visiteurs Chinois est tout simplement impressionnant. À Akihabara, la ville électrique, des bus se relaient sans cesse, déversant des flots de visiteurs dans l’artère principale de ce lieu culte.

À Tokyo, des consignes sont données aux touristes. Une Japonaise nous avoue que les chinois sont particulièrement visés. Crédit : Mr Japanization

Sans aucun doute, on réalise à travers le tourisme comment la population chinoise entre dans la classe moyenne comme l’avait fait l’occident quelques décennies plus tôt. Des touristes d’autant plus bienvenus que les autorités et commerçants espèrent qu’ils vont beaucoup dépenser lors de leur séjour. Les prévisions du gouvernement tablent sur 8 000 milliards de yen de dépenses touristiques d’ici 2020. Mais en dépit du nombre, les dépenses totales des touristes étrangers entre janvier et mars n’ont augmenté que de 0,5% par rapport à l’année précédente, pour atteindre 1 120 milliards de yen. Mais cependant, les dépenses par touriste ont quant à elles baissé de 5,9% pour la même période. Des chiffres qui mettent à mal les espoirs du gouvernement nippon. Pour cause, les touristes sont toujours plus nombreux, mais dépensent de moins en moins.

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La rue Takeshita à Harajuku grouille de touristes !

Cependant, comme nous l’avions souligné dans un article dédié, l’explosion du tourisme au Japon, s’il engendre des retombées économiques positives, provoque aussi une contestation des populations des sites les plus visités. Les habitants déplorent les mauvaises manières visibles des étrangers, des dégradations, le manque de propreté et le charme rompu des lieux dû à leur afflux. Les professionnels du tourisme doivent aussi affronter une pénurie de logements dans les lieux prisés qui n’a pas été suffisamment anticipée. Comme ailleurs dans le monde, le tourisme de masse à tendance à éliminer les habitants locaux des lieux les plus visités. Pour sortir de cette situation, le gouvernement a récemment encouragé la location de logements privés.

Lui reste à charge de mieux canaliser les visiteurs pour les faire sortir des sentiers battus et rebattus, le Japon regorgeant de lieux méconnus où un tourisme raisonné pourrait d’ailleurs être économiquement bénéfique à leur survie. Ce qui permettrait en plus de « décharger » les sites engorgés et de soulager les populations excédées. À ce sujet Hiroshi Tabata, commissaire de l’Agence du tourisme au Japon, a déclaré : « Il est important pour nous de trouver de nouveaux touristes potentiels, de promouvoir la visite des zones rurales et de les inciter à rester plus longtemps au Japon. Nous prévoyons plus d’efforts dans cet esprit ».

En conclusion, les portes du Japon sont pour un moment encore grandes ouvertes ! Mais qu’on ne s’y méprenne pas. L’île, aussi belle soit-elle, fait également face aux pollutions systémiques et aux conséquences des changements climatiques. Pour l’instant, la donnée ne semble pas rentrer dans l’équation. Seule l’économie et le besoin de croissance des autorités semblent dicter cette volonté de tout miser sur le tourisme de masse. En pratique, la crise écologique va inévitablement peser à terme à la fois sur le tourisme, sur la démographie mais aussi sur la culture si fragile d’un pays tant aimé.

S. Barret


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