Il y a bientôt 35 ans, le monde médusé découvrait « Akira », phénomène filmique qui fit découvrir la richesse de l’animation japonaise à nombre d’occidentaux et inspira de nombreux réalisateurs par la suite. Des décennies plus tard, remastérisé en 4K, le film de Katsuhiro Ôtomo n’a rien perdu de sa superbe et recèle de secrets de fabrication qui en font encore plus une œuvre à part. Aujourd’hui, nous explorons 5 secrets du film d’animation culte de Katsuhiro Ôtomo…
Akira… un nom qui résonne comme un coup de canon dans la mémoire de tous les amoureux d’animation japonaise comme les nostalgiques des années 80. Avant sa sortie en 1988, l’inconscient collectif occidental pensait que l’archipel était surtout un repère de grands enfants capables seulement de produire de la violence comme Ken le survivant et Dragon Ball Z ou des séries sportives comme Captain Tsubasa ou Jeanne et Serge. Puis le long-métrage a débarqué trois ans plus tard en France et a mis tout le monde : l’animation japonaise est un Art.
Adapté de son manga du même nom par Katsuhiro Ôtomo lui-même, le film se déroule en 2019 à Néo-Tokyo, version dystopique et désespérée de la capitale nippone détruite 31 ans plus tôt lors de la troisième guerre mondiale. Un gang de jeunes motards livrés à eux-mêmes et mené par Shōtarō Kaneda hante les rues de la cité aux guidons de leurs bolides qui vrombissent dans la nuit. Après avoir eu un accident, Tetsuo Shima, un des membres de la troupe, se réveille avec d’incroyables pouvoirs télékinésiques. Habité par une rage qu’il peine à contrôler, ses nouvelles habilités vont mettre en danger l’équilibre de ce monde qui a déjà bien du mal à se relever de la catastrophe et de la misère urbaine.
L’univers d’Akira est riche, son histoire forte, ses graphismes fabuleux et l’ambiance cyberpunk et déjantée en a fait un modèle à suivre pour des générations. Un long-métrage culte qui a marqué au fer rouge l’histoire de l’animation mondiale.
1. Une « Bible » Akira
Si Katsuhiro Ôtomo a fini par accepter d’adapter son manga en long-métrage, ce n’était pas pour faire les choses à moitié. Le Japonais voyait grand, très grand et il a tout mis en œuvre pour faire d’Akira une référence de qualité et d’exigence pour les productions à venir. Ainsi, le réalisateur écrit d’abord une bible de 2 000 pages sur le film qu’il veut faire et dessine un story-board de 738 pages. Un travail tout simplement colossal.
Au final, le film contient 2 212 plans et plus de 160 000 celluloïds qui ont tous été peints à la main. C’est entre 2 et 3 fois plus que pour les productions habituelles. Les animateurs ont utilisé 327 couleurs différentes, dont 50 créées spécialement pour le film. Enfin, le réalisateur utilise également quelques images de synthèse. De quoi rendre le projet absolument titanesque.
2. L’Âme pour avoir du son
Ôtomo a vraiment voulu bousculer les habitudes de la production japonaise de l’époque sur tous les fronts. Il a ainsi décidé d’enregistrer les dialogues des acteurs avant même qu’un seul celluloïd ne soit dessiné ! Bien qu’usuel aux États-Unis, c’était une première au pays du Soleil Levant et les animateurs ont dû s’adapter au son et non le contraire… Même chose pour la bande-originale du film, composée par Shōji Yamashiro, là aussi sans avoir vu une seule image du film sur laquelle baser son travail, ni lu le scénario. Il faut réaliser le degré d’imagination incroyable dont devait faire preuve l’équipe pour créer une ambiance réaliste sans aucune image du film sous les yeux.
3. Une équipe de 31 studios !
Pour s’occuper de l’animation qui demandait parfois la superposition de 9 celluloïds en même temps, ce sont 31 studios qui collaborèrent ensemble pour lui donner vie. Au final, le film aura coûté à sa sortie plus de 1,1 milliard de yens. Ce chiffre ahurissant en fera alors tout simplement le film d’animation le plus cher de l’histoire du Japon à l’époque.
4. La charrue avant les bœufs
Quand Akira est sorti sur les écrans japonais le 16 juillet 1988, son histoire a pris de l’avance sur le manga qui, lui, n’était pas du tout fini ! Il se terminera en effet en 1990, plus de deux ans après la sortie du film. La fin du film est donc un peu différente de celle de la bande-dessinée, pourtant forte d’une légende lancée par Alejandro Jodorowsky, le créateur de L’Incal et réalisateur de merveilles comme El Topo ou La Montagne sacrée, lui-même. L’artiste chilien racontait l’anecdote il y a quelques années à nos confrères de Vice :
« Au Japon, j’ai rencontré Katsuhiro Ôtomo, qui a fait Akira. Le film n’existait pas, ce n’était encore qu’un manga. On va manger, je bois un peu de whisky pour lui faire plaisir. Il me dit qu’il est bloqué sur Akira, qu’il ne trouve pas la fin. Je suis saoul, je lui raconte une fin délirante que j’invente en même temps que je la raconte, je dessine tout sur une nappe et je la lui offre. Le lendemain, je ne me souviens de rien. Un jour, je reçois une lettre de lui où il me remercie de lui avoir donné la fin d’Akira. »
Du Jodorowsky tout craché, entre génie et folie.
5. L’Art est dans les détails
Ce qui fait la particularité d’Akira, c’est la foule de petits détails parsemés dans le film. Au premier visionnage, il n’est pas possible de tous les repérer tant ils sont nombreux. Mais ce sont ces détails qui forment finalement une œuvre singulière dans le paysage de l’animation.
Parce que rien ne vaut une petite série d’anecdotes pour rendre le film encore plus marquant (et pour briller en société en les répétant), en voilà trois, à votre service, concernant Akira :
– Lorsque le corps de Tetsuo est scanné, les sons émis par la machine sont exactement les mêmes que ceux de l’ordinateur « Maman » de la franchise Alien.
– Quand Kaneda est à côté du juke-box, on peut voir les logos de trois groupes de rock cultes : Cream, Led Zeppelin et The Doors.
– Sur le dos du manteau d’un des personnages poussés par Kei dans la scène de l’émeute, on peut lire « Young ». C’est une référence directe à « Young Magazine », un bimensuel dans lequel le manga était pré-publié au Japon.
Akira est disponible en ce moment en France sur Netflix, MyCanal et ADN. Autant dire que vous n’avez aucune excuse pour ne pas (re-)découvrir ce monument de l’animation japonaise.
Stéphane Hubert
PS : La photo d’illustration est signée Taylor Stout, un graphiste de grand talent qui nous a permis d’utiliser son œuvre rendant hommage à Akira. Vous pouvez retrouver ses autres créations et le suivre sur son compte Instagram.