Le dernier train d’Hiroshima de Charles Pellegrino est un incontournable de l’Histoire de la bombe. À l’occasion de sa réédition, retour sur ce livre dans le viseur de James Cameron. 

Soutenez Mr Japanization sur Tipeee

 » Un livre essentiel sur l’un des événements les plus determinants du XXe siècle » – James Cameron

À l’occasion du 80e anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, qui ont eu lieu le 6 août et 9 août, l’auteur américain Charles Pellegrino – qui a collaboré avec le réalisateur James Cameron en tant que conseiller technique sur Titanic et Avatar – publie une nouvelle édition augmentée et révisée du Dernier Train d’Hiroshima, aux éditions Massot. Une fenêtre sur une réalité toujours aussi glaçante.

Cette œuvre hybride, reprenant à la fois récit historique, enquêtes médico-légales et témoignages collectifs, dépasse largement le simple exercice de mémoire pour devenir un acte de résistance intellectuelle. Aussi ce livre incarne-t-il un bouclier puissant contre les discours officiels simplificateurs et, plus largement, contre la perpétuation de la menace nucléaire. 

Bientôt adapté au cinéma par James Cameron, Le dernier train d’Hiroshima s’affirme comme un véritable éclat de lucidité dans une histoire contemporaine où plane encore la menace de la bombe atomique. 

Le dernier train d’Hiroshima : pour ne jamais oublier l’enfer nucléaire

Avec toutes autorisations – Par Auteur inconnu —  Domaine public.

Le 6 août 1945, à 8h15, la bombe atomique, surnommée cyniquement Little Boy par les Américains, explose sur Hiroshima. Trois jours plus tard, Nagasaki subit le même sort.

Au-delà des faits historiques connus, Pellegrino nous invite à plonger dans la réalité de celles et ceux qui ont survécu, les hibakusha (被曝者), dont corps et âmes portent encore les stigmates de ce cataclysme. 

C’est là que Le Dernier Train d’Hiroshima se distingue des autres récits historiques. En effet, sa capacité à mêler des témoignages directs à des analyses scientifiques rigoureuses permet de dévoiler des dimensions de l’événement trop souvent ignorées : les expériences vécues par les survivants, la dévastation matérielle, mais aussi les effets biologiques à long terme, dont les guérisons paradoxales ou les malformations occultés pendant des décennies.

Grâce à son travail de reconstitution minutieuse et sensorielle des jours qui ont suivi l’explosion, l’œuvre offre un panorama immersif et précis de la violence de la situation. 

Les hibakusha : porteurs de mémoire et résistants politiques

En outre, le choix de mettre les hibakusha au centre de son récit est une prise de position radicale contre les versions officielles.

Loin de se contenter de relater les événements sous l’angle militaire, Pellegrino interroge les justifications politiques qui ont accompagné ces attaques, mettant en lumière les implications humanitaires et morales souvent minimisées

L’ampleur de la souffrance infligée aux civils, et les conséquences de la radiation sur le corps humain, ne peuvent être réduites à des calculs stratégiques. C’est pourquoi ce livre devient aussi une arme contre l’indifférence et la répétition de ces erreurs dans le contexte géopolitique actuel.

En écoutant les témoignages de Hibakusha, Pellegrino nous invite à écouter de manière critique, en déconstruisant les récits traditionnels qui présentent Hiroshima et Nagasaki comme des événements presque inévitables dans le cadre d’une guerre totale. 

« La bombe a explosé en une boule de lumière aveuglante qui a envahi tout l’espace. J’ai ressenti une vague de chaleur intense et j’ai été balayé d’un coup sec. » – Torikoshi, survivant de Nagasaki.(GEO)

Il rend alors à ces survivants une figure centrale : plutôt que d’être considérés comme des victimes passives, les hibakusha deviennent des héros résilients, des émissaires de la paix, porteurs d’un message contre la violence nucléaire, comme cet arbre qui a survécu à l’enfer de Hiroshima et pour la préservation de l’humanité.

La précision scientifique contre la banalisation de l’horreur nucléaire

La démarche scientifique de Pellegrino est plus qu’un simple outil de vérification historique. C’est un moyen de déranger les logiques simplificatrices et de dénoncer la banalisation de l’arme nucléaire, qui est parfois perçue comme un instrument de guerre parmi d’autres, une simple étape dans une escalade de la violence stratégique. 

En exposant avec une précision chirurgicale les mécanismes de destruction instantanée, mais aussi les effets à long terme des radiations, l’auteur livre un portrait effroyable d’une technologie qui non seulement tue sur le moment, mais détruit également à petit feu sur le moyen-long terme.

L’acmé de l’horreur se trouve ici : l’autopsie des blessures causées par la bombe, comme la vaporisation des corps aux ombres humaines figées sur les murs. Cette approche analytique, loin d’être froide, est au contraire un acte d’humanisme radical, un refus d’oublier ou de relativiser les souffrances humaines au nom de la politique ou de la stratégie militaire.

Controverse et honnêteté intellectuelle : une démarche salutaire

Charles R. Pellegrino @Wikicommons

L’ouvrage n’échappe pas à la controverse. Il est notamment retiré de la vente en 2010 en raison de graves erreurs factuelles et du doute sur l’existence de certains personnages cités sur la première version. Depuis, l’auteur new-yorkais a admis avoir été dupé par des témoignages inventés. Une polémique amplifiée par le fait que Pellegrino a longtemps prétendu détenir un doctorat de l’université Victoria de Wellington en Nouvelle-Zélande, une affirmation catégoriquement démentie par l’université.

Geste d’autocritique de la démarche de recherche, l’écrivain a décidé de rééditer une nouvelle version, un geste d’autant plus important qu’il réaffirme que la mémoire des hibakusha, loin d’être figée, doit être constamment réévaluée et revalidée à travers une étude minutieuse, comme tout fait historique.

Dans un monde où la menace nucléaire est de nouveau au centre des préoccupations géopolitiques, Le Dernier Train d’Hiroshima de Charles Pellegrino est plus qu’un simple rappel de l’histoire ; c’est un appel à l’action, un cri d’alerte contre la banalisation de l’armement nucléaire.

Pellegrino nous invite à réexaminer notre responsabilité collective face à cette menace, et à tirer les leçons d’un passé qui, s’il est oublié, risque de se répéter. Cette œuvre est indispensable non seulement pour préserver la mémoire des hibakusha, mais aussi pour empêcher le monde de sombrer à nouveau dans l’horreur nucléaire. Dans la même veine, Gen d’Hiroshima est un chef-d’œuvre à voir et revoir…

Se procurer Dernier Train d’Hiroshima, aux éditions Massot.

–  Maureen Damman