Alors que le monde évolue à nouveau dans un climat de guerre, avec une résurgence des mouvements réactionnaires, il peut-être bon de se rappeler à quoi peuvent mener les politiques ultra-nationalistes et les envies de domination des puissants. Il y a moins d’un siècle, le Japon, alors allié aux nazis, menait son peuple vers l’enfer sur terre. Des images images que nous ne devons jamais oublier ont refait surface.

C’est par le hasard que nos « chineries » dans une brocante de Tokyo que nous sommes tombés sur un vieux livre photographique d’Après-guerre exposant des scènes au bord de l’insoutenable. Un livre édité au Japon dont les images furent pour la plupart oubliées et peu diffusées en occident. Celles-ci sont pourtant particulièrement marquantes et nous replongent en quelques instants dans l’horreur de la Seconde Guerre mondiale. Car derrière les volontés de domination de certains puissants et les croyances de supériorité raciale, c’est la population qui va lourdement en payer le prix. Attention, âmes sensibles s’abstenir.

1943. Dans une école de Yamanachi, de jeunes enfants s’entraînent au bâton à frapper des mannequins à l’effigie de Churchill. Dans un esprit nationaliste, tous les Japonais étaient forcés à se préparer à tuer l’ennemi occidental (à l’exception des Allemands).

1932. Un soldat japonais, le lieutenant Kurihara, observe la lame de son katana abîmé après une bataille contre l’armée chinoise en Mandchourie. En septembre de cette année, l’Empire du Japon envahissait cette région de Chine, formant un état fantoche, dans le but de contrôler la région. L’opération sera présentée aux Japonais comme une mission de pacification et d’unification des peuples asiatiques à travers d’importantes campagnes de propagande.

1938. Infirmières militaires de la Croix-Rouge partant à la guerre, buvant leur « dernier » saké d’adieu. Bien qu’un tel processus existait, on sait aujourd’hui que cette photo fut une mise en scène réalisée sur demande probablement dans un but de propagande.

1938. Des jeunes soldats des Jeunesses Hitlériennes en visite au Japon font le salut nazi à l’occasion de la signature du pacte de défense germano-japonais. Ceux-ci sont particulièrement jeunes. On peut lire le niveau d’endoctrinement sur leur visage. La guerre mondiale se prépare…

1943. En pleine guerre mondiale, la foule japonaise salue une délégation de militaires à Tokyo. De grandes affiches de propagande garnissent les bâtiments de la capitale, animant l’esprit du sacrifice pour la nation. La ferveur nationaliste est à son paroxysme.

Cette ferveur nationaliste va pousser une large partie la population à s’entraîner contre l’envahisseur, y compris les femmes, avec des armes de fortune. Ici, des bambous taillés en pointe. Nous sommes au début 1945, peu avant les bombardements meurtriers sur Tokyo. Le Japon sait déjà que la défaite approche, ce qui ne fait que radicaliser les moyens mis en œuvre, bien que ces femmes n’auront jamais l’opportunité d’aller au combat.

1945. Après les bombardements des alliés sur Tokyo, les civils blessés s’accumulent à même le sol. Certains s’éteignent, épuisés. Un enfer de feu s’est abattu sur le Japon. La mort est devenue banale.

En mars de cette année, un tiers de la capitale Tokyo est rasé dans l’un des pires bombardements de l’Histoire, avec un total de 83 000 morts et 30 000 blessés dont beaucoup décéderont les jours suivants de leurs brûlures. À titre de comparaison, c’est autant de victimes qu’à Hiroshima, quelques mois plus tard.

1945. Nombre d’enfants sont soudainement orphelins. Ces jeunes rescapés de dix ans à peine profitent d’une cigarette… La défaite est proche.

Ce sont les incendies qui feront le plus de ravages dans la population. Le regard de cet enfant brûlé, aspergé de produits chimiques par des pompiers, se passe de commentaire.

Image symbolique d’un demi torii tenant toujours debout tel un signe d’espoir. On réalise qu’autour de lui, il ne reste rien. Sur la photographie, l’auteur indique l’endroit des écoles où il a étudié, ou du moins ce qu’il en reste…

L’image la plus difficilement soutenable de l’album. 10 mars 1945 dans le quartier de Sumida de Tokyo, bombardé par les Américains. L’auteur écrit : « Les cadavres étaient emportés telle une boite de pommes de terre par un immense torrent de feu qui se déversait dans la rue. Je m’enfuyais inconsciemment, tenant mon appareil photo, me préparant à la mort ».

Pour finir, une photo d’un soldat américain qui se fait littéralement cirer les pompes par un jeune homme japonais pendant l’occupation. Une image qui symbolise à elle seule les années d’Après-guerre, et certains diront, la culture moderne japonaise actuelle toujours très influencée par la culture américaine.

Si on ne peut revenir en arrière, l’humanité doit se souvenir des erreurs passées pour ne pas les reproduire. C’est un sentiment de supériorité raciale du Japon Impérial d’alors qui a poussé le pays à rejoindre les forces nazies et à signer la fin de son règne. C’est paradoxalement le choc collectif de la guerre qui a fait du Japon l’un des pays les plus pacifistes au monde aujourd’hui, bien que l’esprit nationaliste n’ait jamais vraiment quitté les mentalités. Si la paix avait fait place à de nombreux mouvements sociaux d’Après-guerre, le risque d’un basculement socialiste du Japon aura vite été maté par les Américains eux-mêmes dans plusieurs bains de sang, laissant peu à peu le terrain libre à de nouvelles velléités nationalistes. Aujourd’hui, le Japon évolue sous un régime politique de droite radicale, toujours profondément patriarcal, et souhaitant ouvertement le retour du pays dans la course à l’armement, devant une Chine toujours plus riche et armée. La paix n’est donc jamais acquise et nous ne pouvons qu’espérer que ceux qui détiennent le pouvoir sauront faire preuve de sagesse à l’avenir afin de ne jamais faire revivre cet enfer aux populations. Médias libres et citoyens engagés ont également leur rôle à jouer pour éviter le pire, tant il n’y a rien de plus malléable qu’un peuple cédant aux haines et à la réactance.

Mr Japanization