Les frontières du Japon se sont enfin ré-ouvertes aux touristes. Les aficionados du Pays du Soleil Levant vont pouvoir revenir visiter les milliers de sites naturels, culturels, gastronomiques, touristiques dont regorge l’Archipel. Et pour préparer son séjour, quoi de plus utile qu’un guide compilant les meilleures adresses et conseils ? Jérôme Schmidt, amateur du Japon multi-casquettes (éditeur, traducteur, musicien…), s’est rendu des dizaines de fois au Japon et au terme de trois ans de recherche, il publie son propre guide : Japon, Le guide idéal. Pour Mr Japanization, il est revenu sur son parcours, son expérience et son approche du Japon qui ont abouti à l’écriture de cet ouvrage.
Parcourir le Japon d’Hokkaido à Okinawa
Plus qu’un simple guide comme il en existe des dizaines, « Japon, Le guide idéal » est la somme de l’expérience accumulée par son auteur durant des années à parcourir le Japon.
Une expérience qui se ressent à la lecture de l’ouvrage qui dépasse les 1000 pages ! Si beaucoup de guides ne sont qu’une succession d’adresses à la description sans âme, « Japon Le guide idéal » n’en fait pas partie. En témoignent les impressions, ressentis personnels et astuces de l’auteur qui parsèment les descriptions des sites et établissements recommandés.
Celui-ci ne s’est pas contenté des adresses (trop) connues et reconnues mais a exploré les recoins de lieux où le hasard le menait pour prendre le temps d’y poser son regard et d’en retirer toute la singularité.
Dans sa forme, le guide est divisé en 8 parties thématiques, chacune correspondant à une région du Japon. On commencera par la découverte de Tokyo, capitale incontournable, pour se diriger sur les villes du Japon éternel (Kyoto, Nara…), les grandes villes maritimes (Osaka, Nagoya…), puis goûter à la douceur de vivre du sud (Hiroshima, Oita, Shikoku), et au Japon tropical (Nagasaki, Miyasaki, Okinawa…), ensuite revenir sur la côte ouest avec la mer du Japon (Kanazawa, Toyama, Niiigata), gravir les montagnes de Shizuoka, Gifu, Ibaraki…, pour enfin se perdre dans la force brute de la Nature du Nord à Sendai, Aomori et Hokkaido.
Chacune de ses parties se sépare en plusieurs sections pour détailler un endroit précis. Les recommandations d’adresses se mêlent aux annotations culturelles et historiques ainsi qu’à des suggestions de balades (et même de circuits thématiques entiers). Une invitation à découvrir autant les lieux que leur histoire. Car le Japon ne se « binge-voyage » pas si on veut en apprécier l’essence et les spécificités qui ne s’offrent qu’au visiteur sachant ranger son appareil photo pour se laisser imprégner du moment présent.
Les adresses sont classées par genre, chacun avec un symbole et une couleur immédiatement identifiables selon le type d’activité recherché : « Les courses », « Au café », « Manger », « Boire un verre », « Espaces verts », « Culture », « Loisirs », « Boutiques » :
Le guide est évidemment agrémenté de cartes signalant aussi les lieux essentiels comme les supérettes (si un petit creux survient), les bureaux de poste (indispensables pour envoyer les cartes postales), les pharmacies & l’hôpital (en cas de blessure que l’on ne vous souhaite pas !), les temples & sanctuaires (pour aller prier les divinités et taponner son goshuinchô). Les symboles épurés et en couleur les rendent rapides et claires à parcourir, permettant de se passer d’un GPS.
En complément de toutes ces informations, le guide propose des renseignements pratiques qui seront fort utiles aux touristes « débutants » ou même pour réveiller la mémoire des plus aguerris : le budget à prévoir, choisir la période de son départ et l’organiser, des conseils pour sortir, se restaurer, faire des courses, se déplacer, les règles de politesse… Plus une partie compilant le vocabulaire et les expressions essentiels.
Pour achever la rédaction de son guide, plus de trois années ont été nécessaires à Jérôme Schmidt qui a bien voulu répondre à quelques questions.
Quelques mots de l’auteur, Jérôme Schmidt
Poulpy : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours en quelques mots ? Avec un passage obligé : comment avez-vous découvert le Japon et sa culture, et qu’est-ce qui vous l’a fait aimé au point d’y être allé plus d’une centaine de fois ?
J.S. : Je suis né en 1977, et je travaille dans l’édition au sens large du terme depuis la fin des années 90 : écriture, traduction, direction de projets éditoriaux, création d’une maison d’édition (inculte, de 2004 à 2019), auteur de films documentaires (Arte, France TV, CBC, HBO) et de podcasts. J’étais passionné par les musiques électroniques, noise, avant-garde (journaliste, alors, à Wire magazine, à l’âge de 16 à 20 ans) et j’ai alors dirigé, en 1995-97 un livre sur les « musiques indépendantes japonaises ». C’est mon premier ouvrage, et aussi la première expression de mon intérêt pour les cultures japonaises.
Je n’ai pas suivi le « parcours habituel » des occidentaux qui viennent au Japon souvent par le biais de culture anime/manga, par exemple.
Ensuite, en tant que musicien, j’ai fait trois tournées au Japon début des années 2000, puis j’y suis revenu en simple visiteur une trentaine de fois mais également pour des films documentaires, dont « Un Monde Manga », qui était un documentaire sur le manga adulte (Taniguchi, Tatsumi, Inoue, Urasawa, etc.) produit pour France 5, dont j’étais le co-auteur.
Depuis la parution de ces deux guides, je travaille également en collaboration avec mon ami Yann Stofer, photographe, sur deux livres documentaires autour d’un Japon que les gens connaissent peu, ainsi que sur une série de vidéos documentaires, « Faces Of Japan », une vision morcelée en 100 portraits vidéos de 100 Japonais.es. J’aime le Japon de façon assez simple : je m’y sens loin des autres contingences, et j’y apprécie les bulles de temps que propose ce pays.
Poulpy : D’où est venue l’envie de faire un guide ? Et surtout, que souhaitiez-vous apporter qui manque dans les autres nombreux guides sur la Japon ?
J.S. : C’est mon ami Pierre Bottura, éditeur aux Arènes et Directeur commercial, qui m’a incité à me lancer dans cette aventure, lorsque nous nous sommes retrouvés il y a quelques années à Tokyo pour passer une dizaine de jours ensemble, pour changer d’air. Il trouvait que j’avais une approche singulière du pays, loin, justement, des guides touristiques existants.
Je n’ai pour ma part jamais utilisé ni acheté un guide de ma vie, et je suis parti « vierge » dans cet exercice. Comme j’ai l’habitude du travail éditorial et que j’avais carte blanche absolue, j’ai pu avancer à ma façon dans l’élaboration du guide « Tokyo idéal » puis « Japon idéal ». Avec, en plus, la confiance de mon éditeur et des moyens conséquents en terme de temps, d’organisation, de budget — notamment avec la coédition avec Japan Experience, de Thierry Maincent —, et d’équipe éditoriale. Les conditions ont été réellement… idéales.
L’idée finale est de proposer un guide qui soit singulier : à la fois très riche, mais sans aucune volonté de *tout* faire ou *tout* voir. Je pense que le Japon ne se prête pas à cela. Il vaut mieux l’aborder, en tant que visiteur, avec sa propre sensibilité, et se laisser dériver : tout y est possible, sans danger, et chaque endroit, même anodin, peut révéler une richesse inédite. Mes guides vont dans ce sens : ils témoignent de mes propres expériences et donnent des clés pour s’accaparer, chacun, une expérience unique, n’importe où dans le pays.
Poulpy : Au cours de vos recherches, à quels imprévus amusants, déroutants, étranges, avez-vous été confronté ?
J.S. : Chaque journée est, par essence, un moment de découverte. Je procède « systématiquement » : chaque matin je prends un train, bus, taxi, train depuis mon hôtel, je me fais déposer à environ 3 ou 4h de marche de là, puis j’arpente les rues, je décèle les signes de chaque quartier, j’entre dans des immeubles borgnes, je m’installe dans des cafés locaux, je change de chemin au gré des inspirations architecturales, etc.
C’est là toute l’excitation et l’intérêt de travailler librement sur un guide, et ainsi trouver le « sublime » dans, parfois, des endroits du quotidien. Et je fais de même le soir, la marche de 3h en moins, en retournant dans des quartiers visités le jour et qui changent totalement la nuit venue, avec les néons, les bars et les restaurants ouverts, etc. Il faut surtout savoir garder son esprit ouvert à tout, ne jamais remettre au lendemain le fait d’entrer dans un établissement, et se laisser porter par les habitants, les rencontres, etc.
Poulpy : N’était-ce pas audacieux de visiter le pays sans parler la langue pour s’en remettre au hasard ? Cela vous a-t-il causé des désagréments ?
J.S. : Oui… et non. C’est une façon, je pense, plus honnête de l’assumer et d’ainsi partager la possibilité de l’expérience auprès de lecteurs qui auront les mêmes blocages linguistiques. Je crois aussi, sincèrement, que l’attitude, la présence physique, sa façon de se comporter dans l’espace japonais, s’apprend doucement et suffit à se faire accepter dans bien des endroits.
Bien sûr, on m’a souvent refusé l’entrée d’établissements ; bien sûr, j’y suis retourné plusieurs fois, devant la même porte close, si je jugeais cela intéressant de tenter à nouveau ma chance ; bien sûr, très souvent, on a fini par me laisser entrer, car je devenais une sorte d’habitude visuelle de ces quartiers.
Je pense que l’on peut tout visiter au Japon, en gardant une politesse, une discrétion et une volonté de se rendre quasi-invisible dans des endroits où, contrairement en Europe, le client n’est pas roi, mais bien le maître ou la maîtresse des lieux.
Poulpy : Quels seraient les lieux incontournables pour une personne qui prépare son premier voyage au Japon, d’après votre expérience ?
J.S. : Je conseille souvent à mes amis d’éviter Kyoto, notamment en période de tourisme effréné, et de préférer la campagne ou des régions plus reculées, qui ont la même histoire en terme d’architecture religieuse.
Si c’est pour vivre la beauté époustouflante d’un temple entouré de 500 perches à selfie, je ne vois guère l’intérêt…
Il faut souvent prendre des trains, essayer les îles comme Sado, par exemple, ou se perdre dans la nature du Kyushu ou du Shikoku, pour vraiment vivre la culture japonaise. Et toujours profiter de Tokyo plus que 3 ou 4 jours, tant la ville est riche, protéiforme et étonnante.
Souvent, je trouve que 10 jours à Tokyo et une dizaine de jours à aller à Kobe, puis le Shikoku, prendre des bateaux dans la mer du Seto, gravir les montages de la préfecture de Tokushima et profiter des onsen dans la nature est un bon départ pour apprécier le Japon.
Poulpy : Entre le début et la fin de ce voyage, qu’avez-vous appris d’inédit/de surprenant sur ce pays que vous connaissez pourtant bien ?
J.S. : J’ai surtout découvert pour la première fois le nord du Japon en plein hiver (Sendai, Aomori, puis 1 mois entier à Hokkaido) et je crois que j’y retournerai plus longtemps car c’est un moment hors du temps, magnifique, sous la neige, dans le silence, au milieu des campagnes vierges et, le soir, dans la ferveur des quartiers nocturnes des petites villes du nord.
La rédaction de Mr Japanization remercie Jérôme Schmidt d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Japon, Le guide idéal est en vente sur le site de l’éditeur Les Arènes.
Note : Cet article n’est pas un partenariat sponsorisé. L’éditeur a envoyé un exemplaire de l’ouvrage à la rédaction qui seule a décidé d’y consacrer un article. Aucune rémunération ne nous a été versée.
Montage d’en-tête : à gauche « Ishikawa (préfecture) » ©Jérôme Schmidt ; au centre l’image de couverture ; à droite « Osaka » ©Pierre Bottura.
S. Barret