L’art du bonsaï requiert une technique extrêmement délicate nécessitant beaucoup de patience et savoir-faire pour parvenir à miniaturiser et modeler ces arbres fragiles, qui peuvent vivre des centaines d’années et mourir à la moindre erreur du jardinier. L’artiste japonaise Mai Inoue, fascinée par ces arbres nanifiés, a imaginé une manière très personnelle de les peindre.

Originaire de Chine où il fut crée en 700 avant notre ère, l’art du paysage miniature « Penjing » fut importé au Japon à l’époque Heian (794-1185). Dans l’Archipel il subit l’influence du bouddhisme zen et se développa d’abord dans les classes dirigeantes éprises de raffinement avant de s’étendre à toutes les couches de la société au XIXème siècle, lorsque le régime féodal prit fin et que le Japon amorça son industrialisation. Le bonsaï n’est pas un arbre génétiquement nain, mais un arbre normal dont on a restreint et orienté la croissance grâce à différents procédés : la taille des branches et des racines, la ligature, le pincement des bourgeons et le dosage minutieux d’engrais. D’ailleurs le mot « bonsaï » signifie littéralement « planté dans un pot » (sous-entendu, peu profond).

Les tailles et les différentes formes possibles d’un bonsaï font l’objet de classifications rigoureusement définies dans le but d’obtenir une évocation miniaturisée et réaliste de la Nature. Et paradoxalement ce sont des procédés complètement artificiels qui sont utilisés pour atteindre cet objectif. C’est cette opposition qu’a choisie de mettre en lumière l’artiste Mai Inoue dans des peintures de bonsaïs qu’elle a nommées « Mecha-bonsaï ».

Jeune pousse dans le milieu de l’art, Mai Inoue âgée de 24 ans est née à Osaka et s’est spécialisée en Nihonga (peinture japonaise traditionnelle), à l’école d’Arts de Kyoto. Son intérêt pour les bonsaïs remonte à sa première année d’université, après être tombée sur un livre traitant de ce sujet dans une librairie. Par ailleurs, elle avoue avoir un penchant pour les milieux urbains : « Je suis davantage attirée par les environnements urbains que par les paysages naturels », a-t-elle confié en interview, « J’aime particulièrement regarder le système de tuyauterie complexe des usines ou des moteurs. » Certaines de ses œuvres ont d’ailleurs une signature proche du « steampunk ».

Le rapprochement entre ces deux domaines s’est donc fait naturellement : aux troncs et branches savamment tordus des bonsaïs, elle a intégré des entrelacements denses de tuyaux et de câbles pour symboliser la contrainte artificielle qui permet au bonsaï d’exister. En outre, le contraste entre les éléments mécaniques et le végétal est accentué par le rendu « parcheminé » de la toile, le style de Mai Inoue se distinguant aussi par cette touche particulière qui donne l’impression que ses peintures datent de plusieurs siècles.

détail de la peinture précédente

Toujours concentrée sur l’obtention de son diplôme, Mai Inoue n’est pas présente sur les réseaux sociaux. Mais son talent certain lui a déjà permis de gagner une compétition sponsorisée par le Musée Royal d’Ueno de Tokyo et d’y exposer ses œuvres le mois dernier, la révélant au public qui entendra certainement encore parler d’elle dans un avenir proche. À suivre.

S. Barret


Vous aimez ce que vous lisez ? Soutenez Poulpy sur Tipeee !

Sources : spoon-tamago.com / bonsaiempire.fr / den393.blog81