Mais pourquoi ? On ne cherchera pas trop à comprendre comment l’opération fonctionne en pratique, mais Godzilla est officiellement un citoyen japonais à part entière ! Âgé de 61 ans, ses papiers lui ont été remis en grande pompe par la mairie de Shinjuku en avril de l’année dernière, l’un des quartiers les plus animés de Tokyo.

Au Japon, et les gaijins en savent quelque-chose (gaijin/外人: personne étrangère), devenir un citoyen japonais à part entière est particulièrement long et délicat. Pour cause, le Japon est un état jus sanguinis, c’est à dire, qui offre la nationalité par droit du sang, pas par droit du sol. Si la démarche reste possible pour le commun, Godzilla aura eu à attendre 61 ans pour recevoir la citoyenneté japonaise !

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Décoré pour avoir détruit une ville

Godzilla est devenu un monument de la culture japonaise moderne. Plus de 30 films mettent en scène la créature gigantesque sur plus de soixante ans. Pour le pays, la créature fut une première opportunité de disperser la culture japonaise d’après guerre à travers le monde. Pour Kenichi Yoshizumi, le maire de Shinjuku, l’animal mutant est une véritable fierté nationale et le propulser au rang de citoyen est apparu comme une idée brillante pour faire la lumière sur le district.

Ainsi, le lézard géant devient également l’ambassadeur du tourisme de la municipalité de quelques 310.000 habitants. Capitale dans la capitale, Shinjuku héberge notamment la « skyline » tokyoïte de gratte-ciels tous plus haut les uns que les autres ainsi qu’un nombre incalculables de bars et de clubs branchés. Godzilla réside désormais physiquement au sommet d’un hôtel qu’il mime de détruire chaque jour. C’est bien la seule créature du cinéma à recevoir une distinction pour avoir détruit plusieurs fois une ville…

Nom : Godzilla

Adresse : Shinjuku-ku, Kabuki-cho, 1-19-1

Date de naissance : 9 avril 1954

Raison de la résidence : promouvoir le divertissement, surveiller le quartier de Kabuki-cho, et attirer des visiteurs du monde entier grâce à la tête de Godzilla construite sur le toit du Shinjuku Toho Building

Nombres de visites à Shinjuku : 3 fois; Le retour de Godzilla (1984), Godzilla vs. King Ghidorah (1991) et Godzilla 2000 (1999)

Godzilla, ce symbole à double face

Le monstre Godzilla (Gojira, la combinaison de « gorira » signifiant gorille et de « kujira » signifiant baleine) débarque pour la première fois en 1954 sur grand écran. Imaginé par Tomoyuki Tanaka et le studio Toho, l’animal préhistorique va rapidement révolutionner le genre du Kaijū eiga (怪獣映画/cinéma des monstres). Sa spécialité, réduire systématiquement les villes japonaise en cendres, dont notamment Shinjuku où il réside aujourd’hui. Si Godzilla est devenu un symbole fort de la culture nipponne, il porte également en lui les stigmates de l’histoire moderne japonaise et le rapport délicat d’un peuple avec le nucléaire autant civil que militaire.

Pour cause, à travers l’ensemble des œuvres où Gozilla est représenté, l’animal mutant est toujours le fruit de l’utilisation de l’énergie nucléaire par l’Homme. Il personnifie les stigmates du peuple japonais touchés par deux bombes nucléaires quelques années avant. Ses créateurs ont fait naître la créature préhistorique suite à l’explosion d’une bombe nucléaire au large de l’archipel. L’animal émet en permanence de la radioactivité et son souffle est fortement radioactif.

Un scénario qui sera conservé dans les versions suivantes jusqu’à nos jours. Dans le premier opus, c’est une bombe encore plus puissante qui détruira l’animal. Le scientifique à son origine finira par se suicider plutôt que de céder son arme aux mains du gouvernement. Gojira (1954) est donc dès l’origine éminemment critique. Face au succès international, il sera partiellement censuré aux États-Unis où un montage minimisant le rôle du nucléaire dans l’apparition du monstre sera finalement diffusé.

Coup de communication « made in japan »

Cette remise de citoyenneté surprenante est surtout une opportunité pour la mairie de Shinjuku d’attirer les regards des touristes vers ses nouvelles infrastructures tout en faisant la promotion ouverte du cinéma Toho, du nom du studio à l’origine de la franchise Godzilla. Au sommet du bâtiment, l’Hotel Gracery Shinjuku intègre quant à lui une reproduction géante du lézard dans ses murs et ses chambres à thème.

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On notera enfin qu’il est plutôt courant au Japon que des figures importantes du cinéma ou de la littérature gagnent officiellement la citoyenneté en vue de devenir les dignes représentants officiels d’une ville ou d’une région. À la sortie d’une gare, il est ainsi souvent possible d’observer des représentations du personnage ambassadeur local !


Source : tracks.arte.tv