Si « Maboroshi » a connu une sortie au cinéma japonais en 2023, c’est sur Netflix que le film est à découvrir en France. Réalisé par Mari Okada, il explore le tumulte des sentiments adolescents dans un pays paradoxalement immobile. Critique.
Maboroshi est un film d’animation réalisé par Mari Okada. Il s’agit du deuxième long-métrage mis en scène par la Japonaise après Maquia, When the Promised Flower blooms.
On y suit Masamune et ses amis qui étudient ensemble pour préparer les examens d’entrée au lycée dans une ambiance légère. Une déflagration retentit alors dans la nuit. Dehors, à l’autre bout de la ville, l’aciérie est en feu. De flammes en explosions, un phénomène étrange se produit : la cité se retrouve coincée en 1991 et le temps n’avance plus.
« le tunnel qui conduit à L’extérieur est bouché et la mer trop agitée pour s’enfuir en bateau ».
Impossible même d’en sortir alors que le tunnel qui conduit à l’extérieur est bouché et la mer trop agitée pour s’enfuir en bateau. Des dragons de fumée s’invitent même parfois dans les rues alors que le ciel semble s’être voilé d’un dôme de verre.
Ainsi commence une nouvelle réalité à laquelle adultes, adolescents et enfants n’ont d’autre choix que de s’adapter. D’ailleurs, les changements d’états sentimentaux sont dorénavant interdits pour ne pas froisser le nouvel ordre des choses. Les cœurs des jeunes sont pourtant en proie à la naissance de l’amour.
Comment y résister et surtout rester de marbre face à cette étrange jeune fille apparue dans la ville comme par magie et qui hante maintenant les travées de l’usine ?
Maboroshi : écrin raffiné pour un monde bien sombre

Le long-métrage est produit par le studio Mappa, figure reconnue de l’animation japonaise de la dernière décennie. Salué pour la qualité de leurs productions, nous leur devons, entre autres, la deuxième saison de Vinland Saga, les trois dernières parties de la saison finale de L’Attaque des Titans et les premières saisons de Hell’s Paradise et Chainsaw Man. Loin des petits projets indépendants, ils sont coutumiers de grosses productions qui ont fait le tour du monde comme des services de streaming.
Autant dire que Maboroshi profite de l’expérience acquise avec les années. Techniquement, rien à reprocher à l’ensemble avec de beaux effets de lumières, un character design soigné bien qu’un peu lisse et une image qui fourmille de détails.

Quant à Mari Okada, elle collabore à nouveau avec Netflix après avoir écrit les scénarios de Loin de moi, près de toi et de Oni : Légendes du tonnerre. Comme ces deux derniers, la Japonaise joue ici aussi avec les sentiments humains.
Une cage à sentiments

Maboroshi est en effet un film fort en métaphores sur les émotions, encore plus sur celles amoureuses qui troublent les adolescents. Il y a bien sûr cette prison de verre au-dessus de leurs têtes. Alors qu’elle est parfois friable et laisse passer des images venant d’une autre réalité, les jeunes ont une vision plus optimiste de ce que peut être l’avenir. Même si dans leur bulle, il n’y a que l’hiver, encore et encore alors que les jours avancent et que les saisons sont elles aussi bloquées.
« les jeunes ont une vision plus optimiste de ce que peut être l’avenir ».
Il y a également cette brisure au sens propre comme au figuré quand les sentiments amoureux ne sont pas partagés. Alors, oui, les cœurs se cassent et la sensation de mourir traverse les corps tremblotants et fragiles. Dans le film, les êtres déçus ne peuvent pas retenir leurs sanglots jusqu’à-ce que leurs enveloppes corporelles explosent sous le coup des fêlures.

Si on veut pousser l’analyse encore plus loin, on peut aussi voir l’usine d’acier qui creuse la montagne et désagrège la nature comme ce qui a apporté la malédiction sur la ville. Les loups sacrés de fumée peuvent être des envoyés des dieux pour faire retrouver la raison à une ville qui fait fortune et survit sur le dos d’un désastre écologique. Le long-métrage de Mari Okoda pose beaucoup de questions… sans toujours donner de réponses claires.
Casse-tête japonais

Ce que l’on ne peut pas reprocher à Maboroshi, c’est d’être trop simple dans son histoire. Le scénario est foisonnant, multipliant les interrogations sans jamais vraiment y répondre. Pourquoi l’explosion de l’usine crée ce monde alternatif ? Est-ce une vengeance divine ? Pourquoi Itsumi, l’étrange jeune fille, grandit aussi vite ? Est-ce qu’elle subit le temps que les habitants originels de Mifuse n’expérimentent plus ? L’histoire tient-elle alors sur plusieurs années ? Mutsumi, Musume et tous ceux qui évoluent dans le monde alternatif disparaissent-ils à la fin ?

Oui, l’aventure de nos amis n’est pas toujours facile à suivre et il faut croire que c’est le parti pris de la réalisatrice/scénariste. Alors il faudra parfois faire marcher votre imagination et, finalement, écrire vous-mêmes à votre guise et suivant vos envies d’espoirs et de désespoirs les scènes du film qui ne vous seront pas montrées.

En 1h50, Maboroshi donne beaucoup de lui, submergé par le désarroi de ces adolescents attachants qui découvrent l’amour en même temps qu’il leur est interdit. Le long-métrage nous offre une belle aventure, certes imparfaite, mais sincère dans les tourments et la beauté qu’elle veut nous décrire.

Le film est disponible sur Netflix depuis le 15 janvier.














































