Et si le meilleur moyen de reprendre sa vie en main était de ne rien faire ? Dans « Megane », film loufoque et inspirant, le laisser-aller demande de la pratique pour devenir enfin naturel.
Megane est un film de 2007 de OGIGAMI Naoko, réalisatrice en 2023 du très réussi Le Jardin zen.
Taeko arrive seule sur une île mystérieuse. Elle est la seule cliente de la maison d’hôtes tenue par Yuji, qui passe son temps avec Haruna, une jeune enseignante. Ils sont rejoints par Sakura, qui vend des glaces pilées chaque printemps sur la plage. Au fur et à mesure que Taeko passe de plus en plus de temps à faire ce que son cœur désire, elle commence à ressentir la joie de vivre librement, qui envahit chaque fibre de son être.
Megane : loin de tout et de soi !
Quand Taeko arrive sur l’île, tout est une découverte. Rien ne semble en effet se rapprocher de son quotidien. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a beaucoup de mal à s’y faire. Pourtant, on sent bien qu’au fond d’elle, la Japonaise a besoin de s’éloigner de quelque chose. D’une relation ? De son travail ? À vrai dire, ce détail est finalement bien accessoire. Au départ, elle est assez réticente à pas mal de chose que cette réalité alternative lui propose. Son personnage est du genre à imposer sa vision plutôt que d’accepter celle des autres.

Néanmoins, après avoir compris qu’elle ne pourrait changer les choses, elle va tant bien que mal essayer de l’accepter.
Une parenthèse où ne rien faire
Dans Megane, quand Taeko confie à Yuji son envie de visiter les alentours, il lui répond simplement qu’il n’y a rien à visiter. Mais alors quoi faire ? Les habitants de l’île et les visiteurs n’ont qu’une seule véritable occupation : ils contemplent. Le film de OGIGAMI est ainsi une ode à ce moment de déconnexion totale.

Dans une société où l’attention n’a jamais une seconde de libre, quand prenons-nous encore le temps de ne simplement rien faire ? De simplement regarder devant nous et laisser notre esprit se vider de tout objectif ? La réalisatrice nous montre par les yeux de ses personnages combien cette pratique est une libération pour l’âme et l’esprit.
Et si régler ses problèmes commençait finalement par d’abord les oublier ?
L’absurde comme quotidien
Les habitants de l’île de Megane ont en effet fait disparaître tout ce qui, d’habitude, est source de conflit.

Le temps n’est plus un critère de stress. Ici, il se contente de passer, seconde après seconde, sans ligne d’arrivée à franchir. L’argent non plus n’écrase pas les relations de son poids imposant. Vous voulez manger une délicieuse kakigōri (glace pilée aromatisée au sirop de fruits ou au thé vert) ? Payez avec un dessin ou une chanson. Ceux qui vivent ici pêchent sans vraiment vouloir attraper de poisson. Les cartes sont dessinées de manière plus que simpliste. Résultat ? On s’y retrouve quand même. Tous les matins, on danse pour remercier.
La mise en scène rappelle ainsi parfois les films muets. Comme dans certains passages des meilleurs films de Takeshi Kitano.

Oui, la vie avance ici naturellement, sans jamais trouver à redire. Même quand les événements s’envolent dans des dimensions où la logique n’a pas vraiment sa place.
Megane est ainsi une comédie originale, apaisante et charmante. Très connectée à son sujet dans sa forme, elle invite le spectateur à la contempler, sans perte ni fracas. Juste à passer un moment calme et inspirant avec des personnes de bonne compagnie, le bruit des vagues et ce soleil qui inlassablement se lève et se couche. Le film nous rappelle ainsi que l’important, c’est de sourire, même si on ne sait pas vraiment pourquoi.

Megane est à découvrir gratuitement en streaming sur le site du Japan Film Festival jusqu’au 2 février 2026.
– Stéphane Hubert
















































