« Ride Your Wave », film d’animation japonais réalisé par Masaaki Yuasa, est arrivé sur les écrans français. Fort de sa fraîcheur et de son émotion pure distillée avec délicatesse et poésie, comme seuls les japonais savent le faire, il se permet une leçon de vie qui se déguste entre larmes et plénitude. Découverte.
Masaaki Yuasa est fasciné par l’eau et dernièrement, sa filmographie s’en ressent plus que jamais. De Lou et l’île aux sirènes (2017) à Japan sinks 2020 (2020), l’élément aquatique a marqué de ses ondes l’inspiration du réalisateur japonais de 56 ans. Entre les deux, il a fait escale sur les belles plages nippones avec Ride Your Wave, long-métrage d’animation sorti il y a deux ans sur l’archipel et arrivé au cinéma en France l’été dernier. Depuis peu, il est également disponible sur MyCanal de Canal+.
Vague à l’âme
Ride Your Wave conte l’histoire d’Hinako, jeune femme énergique et sportive, qui a décidé de poursuivre des études d’océanographie dans la ville de Chiba. Elle vient d’emménager dans un petit appartement et la première chose qu’elle fait en arrivant n’est pas de défaire les cartons mais d’aller surfer sur les belles vagues. Un retour aux sources pour elle puisqu’elle a déjà habité dans la ville côtière étant plus jeune, ce qui explique sa grande maîtrise des vagues à l’instant où elle se retrouve sur une planche.
Mais voilà qu’un incendie se déclenche dans le building dans laquelle habite Hinako à cause de feux d’artifices tirés par des imprudents. Elle sauve trois choses : son téléphone, son porte-monnaie et sa planche de surf ! Réfugiée sur le toit, elle échappe aux flammes grâce à l’apparition, comme dans un rêve, de Minato, un pompier qui vient la chercher dans une nacelle alors que les feux d’artifice continuent de subjuguer le ciel. C’est le début d’une belle histoire d’amour qui ne sera pas épargnée par les drames de la vie.
L’univers de Ride Your Wave est chatoyant, très clair et ensoleillé. On s’y sent à l’aise dès les premières minutes. Qui ne voudrait pas rejoindre les protagonistes pour profiter nous aussi de ce cadre nippon idyllique et contempler le coucher de soleil sur la plage pendant que Hinako surfe.
Les musiques qui les accompagnent sont également légères et joyeuses. Esthétiquement parlant, le film d’animation est vraiment très réussi et bien animé. On retrouve avec joie les grands personnages longilignes chers à Masaaki Yuasa, un style qui a déjà fait merveille dans son incroyable Night Is Short, Walk On Girl.
Le scénario étonne pourtant par le tournant que prend l’histoire très rapidement et qui donne ainsi au réalisateur la possibilité de nous proposer de très beaux plans plein de poésie et de fantaisie ainsi qu’une trame narrative qui sort des sentiers battus.
Attention, la suite de l’article contient des spoilers sur l’histoire du film !
Ce petit grain de sable…
Au bout de 20 minutes de Ride Your Wave, Hinako et Minato coulent déjà le parfait amour et on se demande bien comment le scénario peut évoluer alors que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Quelques minutes plus tard, c’est la douche froide alors que Minato perd soudainement la vie en voulant sauver quelqu’un de la noyade. Pour Hinako, le deuil est impossible tant l’amour était fort. Tout ce qu’elle fait ou voit lui rappelle inévitablement son amoureux disparu tellement leur relation était fusionnelle.
La poésie s’invite tout à coup dans le récit jusque-là assez classique alors que la jeune femme se met à voir Minato dans l’eau à chaque fois qu’elle chante ou entend leur chanson fétiche. Que ce soit dans une flaque, un verre ou un lac, dès que les paroles retentissent apparaît un Minato souriant faisant le signe du shaka avec les mains. Le chagrin se transforme soudain en espoir que l’esprit de l’ancien pompier soit toujours présent dans sa vie mais sous une autre forme. Après tout, il lui avait promis qu’il la protégerait jusqu’à la fin de sa vie et c’est bien ce qu’il fait même après sa disparition tragique.
Le film plonge alors dans l’onirisme et la poésie avec de belles séquences assez magiques où le surnaturel se fraye une place dans le réel. Les deux amoureux sont à nouveau réunis, même si le retour très inattendu de l’un se fait sous forme liquide.
La vie reprend donc son cours et Hinako trouve toujours un moyen d’avoir Minato avec elle, que ce soit dans une gourde ou à l’intérieur d’un marsouin gonflable. Certains plans jouant sur la présence du jeune homme dans l’eau sous toutes ses formes sont réellement sublimes et le romantisme est à son comble. Attendez-vous à rester souvent bouche bée devant la beauté de certains plans.
Les fantômes du passé
Ride Your Wave est un film qui traite avant tout du deuil et de la difficulté de continuer à vivre sa vie en l’absence de ceux qui nous quittent. Il est toujours difficile de garder le cap sur la vie et de ne pas oublier qu’une part de nous-mêmes disparaît avec l’âme des défunts. Dans le cas d’Hinako, surfer lui devient impossible alors que c’est sa passion depuis toujours. Elle doit retrouver la force de ne plus associer le surf à la mort de Minato. Elle y parvient finalement dans une des dernières séquences du film, absolument jubilatoire et fantasmagorique.
Vous aurez les yeux plein d’étoiles devant cette scène irréelle et poétique à laquelle il ne manque que la musique de Joe Hisaishi pour qu’elle trouve sa place dans un film des studios Ghibli. La jeune femme sacrifie la dernière apparition de Minato de son existence pour sauver la sœur de ce dernier. Une immense vague entoure alors un building en feu et Hinako la surfe de haut en bas dans un des plus beaux adieux d’amoureux vu dernièrement dans les salles obscures.
A la fin du film, Hinako a appris à surfer les vagues de la vie et, comme lui avait justement demandé Minato, à sortir la tête de l’eau. Une métaphore au double sens propre et figuré qui justifie le titre du film. La mélancolie est de mise et les au revoir risquent de vous faire couler une dernière larme lors de la séquence de Noël avant que ne reviennent enfin les couleurs chatoyantes du début.
Dans les derniers plans, Hinako est à nouveau sur la plage et surfe sous le soleil, plus forte que jamais pour faire face aux obstacles de la vie. Elle est devenue sauveteuse et va prolonger l’œuvre bienfaitrice de Minato à sa manière.
We can be heroes
Dans son message, Ride Your Wave se veut également optimiste dans la tragédie. Il nous rappelle que tout le monde peut être héroïque et sauver quelqu’un, que ce soit par ses actes, mais aussi ses paroles. Sauver une personne de la noyade ou en lui offrant une oreille attentive ou un conseil vital revient au même. Le scénario nous rappelle combien être attentifs aux autres est important. Parfois, un seul moment de courage peut avoir des répercussions sur de nombreuses vies. Se sentant presque inutile, Hinako est jalouse du fait que Minato puisse se montrer valeureux dans son métier de pompier, sans se douter une seconde qu’elle fut, il y a bien longtemps, le déclic qui lui donna envie d’être au service des autres.
Chaque décision prise est un nouveau rouage dans la grande horloge du destin.
Ride Your Wave est donc un beau film riche en émotions, bien réalisé et esthétiquement magnifiques que Poulpy n’hésitera pas à vous conseiller. Il vous laissera un grand sourire sur le visage, une fois les larmes séchées, quand vous entendrez pour la dernière fois la chanson fétiche de nos tourtereaux lors du générique final.
Stéphane Hubert
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