Keigo Shinzō est un des nouveaux maîtres du manga depuis plus d’une décennie. Alors que le Japonais commence à trouver son public en France, c’est « Summer of Lave », une de ses œuvres de jeunesse que nous découvrons aujourd’hui : une histoire d’amitié et d’adolescents en quête d’identité, publiée chez Le Lézard Noir et que nous avons dévorée.
Summer of Lave est un manga écrit et dessiné par Keigo Shinzō et édité pour la première fois au Japon en 2012.
On y découvre qu’une éruption volcanique vient de transformer la paisible bourgade de Kanematsu en station thermale envahie de touristes. Au milieu de cette révolution économique, Takeshi Toyama et Yû Sakurajima, deux adolescents, vont également vivre spirituellement la leur.
Ce bouleversement va avoir des répercussions sur les deux inséparables.
Une tranche de créativité
Summer of Lave est la deuxième œuvre de Keigo Shinzo après L’Auto-école du collège Moriyama. Ce manga one-shot a été prépublié sur l’archipel dans Big Comic Spirits de l’éditeur Shôgakukan. Le dessin du Japonais y est déjà maîtrisé. Chaque case fourmille de détails, de vie et d’émotions.
On ne peut pas dire que le mangaka est paresseux : le découpage des pages est un festival de choix audacieux et de créativité. Les dialogues sont parfois abondants puis, d’autres fois, s’effacent et nous invitent simplement à la contemplation ou la fascination.
Le mangaka est, comme son compère Inio Asano, passé maître pour nous partager de fortes émotions. Ici, on rit avec eux, on pleure avec eux et on ressent leurs tourments, encore plus quand il s’agit de ceux de deux amis que tout oppose…
Ombre et lumière
Keigo Shinzo nous invite en effet avec grand talent à partager le quotidien de ces deux jeunes garçons attachants et que l’on prend un immense plaisir à suivre.
D’un côté, Takeshi, jeune désabusé, perdu au milieu de cette effervescence qui met à mal son amour pour le calme et la solitude. Sous ses airs blasés, Takeshi est pourtant brillant, tout comme le sont ses idées. Celle du festival Summer of Lave, c’est la sienne, même s’il la regrette ! Et plus il semble détaché et indifférent, plus il semble gagner en charisme aux yeux de ses camarades du lycée. De quoi rendre fou son ami Yû.
Lui incarne en effet tout le contraire. Naturellement, personne ne fait trop attention à Yû alors que, de son côté, il ne rêve que de projecteurs, quelle que soit la raison de les braquer sur lui. Extraverti à outrance, il peut très bien prendre un micro et chanter, mal mais avec le cœur, devant une assistance dont les oreilles saignent. Même si la jalousie envers son camarade est forte, il veut s’inspirer de sa lumière pour donner de la force à la sienne, qu’il trouve un peu terne…jusqu’à-ce que l’amour vienne s’en mêler.
Ado, les sens…
Dans Summer of Lave, le mangaka nous montre combien il est le roi de la tranche de vie. On suit l’évolution de notre duo d’ados, eux qui vont grandir, se perdre, se découvrir et se retrouver. Parce que les deux copains doivent penser à aujourd’hui mais aussi à demain.
Ils doivent ainsi comprendre pourquoi le sentiment d’amour ne s’annonce pas toujours, pourquoi il peut chambouler même celui qui se pense à l’abri derrière une carapace imperturbable. Ils vont surtout, au grès de leurs destins communs ou parallèles découvrir pourquoi leur amitié est aussi forte et vitale pour leur équilibre. Et au milieu de ce volcan d’émotions aux éruptions plus régulières que celui de la ville, n’est-ce pas la seule chose qu’ils ne doivent pas remettre en question ?
Keigo Shinzo sait mieux que personne nous chambouler et nous faire nous inquiéter pour les personnages qu’il croque avec autant de justesse, de mélancolie et de vérité.
Même s’il narre une histoire simplement humaine, cette dernière nous tient en haleine jusqu’au bout, avec même quelques moments d’actions sur la fin où la peur se mêle à l’inconscience d’un duo plus soudé que jamais dans son envie de liberté. Au bout de 316 pages avec Takeshi et Yû, nous les quittons même avec un petit pincement au cœur. Nous savons aussi que nous les retrouverons avec plaisir en relisant régulièrement leurs drôles d’aventures.
Un vrai régal que nous vous recommandons fortement, tout comme La Vie d’Otama.
Summer of Lave est édité par Le Lézard Noir.
Stéphane Hubert