Qui se souvient du dessin animé Moomin qui berçait les ondes télévisées de notre enfance ? Oubliez un instant le Shinkansen à la vitesse étourdissante pour une escapade naturelle en dehors des sentiers battus -ou plutôt des rails- à bord du paisible train Moomin de la compagnie japonaise Isumi Railway Compagny, à la découverte des joyaux de la préfecture de Chiba.
Alors que beaucoup de petites lignes de chemins de fer en zones rurales voient leur existence menacée faute de rentabilité (la population active migre vers les grandes villes), les trains de la compagnie Isumi Railway continuent d’arpenter paisiblement la péninsule de Bôsô pour le plus grand plaisir des curieux et des amoureux des trains. Car prendre ce type de train est une expérience à part entière ! Le Japon compte de très nombreux fans de ce moyen de locomotion, symbole de l’industrialisation du pays. On nomme ces messieurs « Tecchan » et ces dames « Tetsuko ».
La ligne Isumi est longue de 27 km, depuis 1930, elle traverse la péninsule de Bôsô d’Isumi à Ôtaki divisée en 14 étapes entre les stations Ôhara et Kazusa Nakanokan. Comme bien d’autres, et malgré un partenariat public-privé, la compagnie de chemins de fer fut sur le point de disparaître lorsqu’en 2009 son nouveau Président aura une idée qui change tout. Il va simplement décider de décorer ses trains à l’image des protagonistes de la série d’animation « Moonin ». Le succès fut immédiat.
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À l’origine, The Moomins est une série de livres pour enfants écrits par la finlandaise Tove Jansson qui fut adaptée en un anime de 65 épisodes dans les années 70. On connait la passion des Japonais pour les mascottes kawaii. Dès lors, ces trolls mignons à l’apparence d’adorables hippopotames ne pouvaient les laisser indifférents. Ils sont si aimés au Japon que des magasins entiers leur sont consacrés ainsi que des expositions.
Mais ce n’est pas la seule raison qui a prévalu à ce choix : sur son blog, le Président d’Isumi Railway déclare que les Moomins ont gagné sa préférence car c’est une communauté vivant en harmonie dans un pays qui avec ces montagnes, ces bois, ces rivières, ces champs de fleurs ressemble à la péninsule de Bôsô. De plus, malgré son aspect enfantin, l’histoire est plus un conte philosophique sur la vie, une hymne à la simplicité. Enfin, cette série est particulièrement prisée des femmes de plus de 30 ans (donc indépendantes économiquement et plus enclines à se laisser tenter par un petit tour en train) parmi lesquelles la propre femme du Président dont on se doute de la discrète influence…
L’idée se révéla bonne et les trains Moomin sont désormais connus dans le pays entier. Il ne faut pas se laisser rebuter par les apparences. Car bien qu’anciens, les trains sont très propres et bien entretenus, fidèles en cela à la réputation des trains nippons. Leur côté vintage ajoute même à ce soucis de simplicité et du préservation du patrimoine commun. Ils transportent au sens propre comme au sens figuré leurs passagers au travers des magnifiques paysages bucoliques de la région que la vitesse modérée du train permet d’admirer. Au printemps notamment, on ne se lasse pas de voir défiler cerisiers et colza en fleurs qui bordent les voies.
En chemin, les passagers désireux de découvrir la région pourront notamment visiter le château d’Ôtaki en descendant à la station du même nom. L’édifice actuel a été reconstruit en 1975 conformément à son architecture d’origine mais le tout premier fut bâti au début du XVe siècle. Il abrite un petit musée présentant une collection d’objets historiques dont des armures et des sabres médiévaux. La localité semble coupée du monde, avec à peine quelques commerces et cafés.
L’ayant nous mêmes visité pendant l’Hanami, on vous recommandera de louer des vélos à la gare pour 300 yens (2,5 euros) afin de vous y rendre. En dépit de l’exode rural, la ville regorge de vieux bâtiments et sanctuaires qui semblent avoir traversé les âges. De plus, nombre de restaurants traditionnels offrent des repas authentiques pour moins de 1000 yens. Mais attention, les trains sont rares. Autant bien s’organiser pour éviter les mauvaises surprises.
La région est particulièrement frappée par la fuite des jeunes gens vers la capitale et une économie moribonde. Les différents arrêts qu’il est possible de visiter nous plongent dans un autre monde. Par exemple, l’un des arrêts, en pleine campagne, ne comptait qu’un seul restaurant face à la gare, et rien d’autre à l’horizon. Et quel restaurant ! Celui-ci était un salon d’une famille locale ouvert aux visiteurs de passage, avec 3 choix de plats. La maison même des propriétaires, dont l’age dépassait les 70 ans, était transformée en lieu d’accueil, de quoi maintenir une activité locale minimale et permettre le passage de visiteurs.
Plongé dans le salon privé de japonais, il devient très aisé d’entamer la conversation et d’avoir un échange humain sincère et unique. Sans surprise, les locaux sont toujours accueillants. De plus, la région regorge de ryokan à onsen (hôtels traditionnels à bains chauds) en plein cœur de la nature avec une vue imprenable, pourtant, proposant des tarifs inférieurs au premier hôtel tokyoïte venu. À l’heure du diner, des dames en kimono vous apportent le repas dans votre chambre en tatamis. Une expérience inoubliable.
Pour se rendre au départ du train Moomin, comptez 2 heures de voyage à partir de Tokyo Station via le Limited Express Wakashio sur la ligne Keiyo / Sotobō. Une fois arrivé à la station Ōhara Station, le train vous attend de manière claire pour débuter votre périple. Attention cependant, ils sont peu nombreux sur la journée ! Autant partir très tôt le matin pour s’assurer de pouvoir au moins descendre à deux arrêts. Il est conseillé de s’arrêter à Ōtaki pour profiter pleinement de son château de la période Edo. Une fois au bout de la ligne Moomin, il vous sera possible de prendre une ligne directe pour revenir à Tokyo.
Dernière chose, n’oubliez pas de prendre votre carnet de voyage avec vous ! La ligne Moomin possède nombre de curiosités qui proposent un souvenir gratuit de votre passage à travers un coup de tampon traditionnel ! Au Japon, il faut savoir parfois prendre le temps de ralentir pour mieux apprécier le voyage, voilà aussi le message que veulent nous enseigner ces trains Moomin.
S. Barret
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Sources : road-station.com / intojapanwaraku.com / jcastle.info