Netflix sait donner une place importante à la production télévisuelle japonaise et le prouve une fois de plus avec « Asura ». La saga familiale est confiée aux mains expertes du réalisateur Hirokazu Kore-eda, grand spécialiste des relations humaines. Rajoutez à cela un casting 4 étoiles et vous tenez ici la première série de 2025 à ne surtout pas manquer…

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Asura est une série japonaise en 7 épisodes réalisée par Hirokazu Kore-eda (L’Innocence).

L’histoire commence en 1979 à Tokyo. On y suit quatre sœurs en apparence heureuses qui découvrent la liaison de leur père vieillissant. Cette révélation libère des émotions longtemps refoulées et fait tomber bien des masques. Comment digérer une telle information ? Chacune aura sa manière de le faire et les dissensions vont surgir de ce véritable tremblement de terre familial unique…

« Asura » : lumière sur une œuvre japonaise culte

En France, le nom Asura n’évoque pas grand-chose à l’oreille du plus grand nombre. Au Japon, pourtant, c’est une toute autre histoire. Au départ, il s’agit en effet d’une série télé de 7 épisodes diffusée en deux parties entre 1979 et 1980. Le succès qu’elle rencontre est alors immense. Écrite par Kuniko Mukôda, cette dernière l’adapte en roman, comme il est souvent de coutume sur l’archipel. Là encore, le livre devient immédiatement culte.

La romancière décède hélas en 1981 dans un accident d’avion. Elle ne voit donc pas la nouvelle itération de son œuvre en 2003 au cinéma, accueillie très positivement par le public. Ni la dernière adaptation par Netflix, attendue de pied ferme au pays du soleil levant.

De fait, pour le service de streaming américain, ce projet fut un défi de taille, face auquel il a su éviter les pièges en s’entourant de nombreux talents, à commencer par un metteur en scène multi-récompensé.

L’œil de l’humaniste

Asura sur Netflix

À la réalisation ? Hirokazu Kore-eda. Ce nom vous est peut-être inconnu, mais il enchaîne les succès au cinéma depuis plus de 20 ans. Nobody knows, Notre petite sœur, Tel père tel fils, L’Innocence, Une affaire de famille Le CV de Kore-eda est impressionnant, surtout la section « récompense » avec, notamment une belle Palme d’or au festival de Cannes pour le dernier film cité.

Plus habitué aux salles obscures, le Japonais brille toutefois également quand il s’aventure sur d’autres formats. Il signe ainsi en 2023, déjà pour Netflix, la mise en scène de Makanai, dans la cuisine des maikos, adaptation très réussie du manga du même nom de Aiko Koyama dont nous vous partagions à sa sortie tout le bien que nous en pensions. Réussit-il aujourd’hui la passe de deux ?

Dans la valse des sentiments

« Hommes comme femmes, personne n’est finalement vraiment parfait et tous titubent tant bien que mal dans les rues chaotiques de la vie ».

Ici également scénariste, le réalisateur nous livre une œuvre passionnante dans son étude d’une famille japonaise à la fin des années 70. La série se passant sur plusieurs années, nous suivons l’évolution des différents personnages. On y parle d’adultère, d’amour, de la place de la femme dans la société nippone, d’errances existentielles… Hommes comme femmes, personne n’est finalement vraiment parfait et tous titubent tant bien que mal dans les rues chaotiques de la vie.

On suit alors le parcours psychologique des sœurs, elles qui doivent digérer la découverte de l’adultère de leur père. Comme face à un miroir, elles réévaluent leurs relations amoureuses, ce qu’elles vivent aujourd’hui et jettent un œil à leur passé avec un œil nouveau.

Elles apprennent aussi à s’assumer et à ne pas seulement s’exprimer quand les hommes leur laissent un peu de place. Et nous de les suivre avec plaisir, émotion et compassion dans ce voyage poignant où l’amour, qu’il soit romantique ou familial, est finalement partout. Les dilemmes et les rebondissements y sont nombreux et permettent aux spectateurs de ne jamais se lasser ou s’ennuyer. Il n’y a qu’à se laisser bercer par le récit.

De grands noms pour une grande œuvre ?

Le casting de cette version 2025 d’Asura est également assez remarquable pour toute personne qui suit un tant soit peu la production audiovisuelle nippone de ces 20 dernières années.

Rie Miyazaka, formidable dans Her Love boils Bathwater, est Tsunako la sœur aînée délicate et professeur d’ikebana. Machiko Ono, déjà présente dans Tel père tel fils du même réalisateur incarne Makiko, la femme au foyer qui se pose beaucoup de questions sur la fidélité de son mari. Yû Aoi, éblouissante dans Les Amants sacrifiés, est Takiko la bibliothécaire réservée et pas très épanouie. Quant à Suzu Hirose, qui a croisé la première fois la route de Kore-eda dans Notre petite sœur, elle se glisse avec fragilité et glamour dans le costume de Sakiko, la petite dernière qui a l’impression de ne jamais avoir été prise au sérieux.

Asura enchante quand les quatre actrices sont à l’écran en même temps. Kore-eda a d’ailleurs l’idée de génie de filmer ces scènes chorales en plans séquences, souvent fixes. Le spectateur se sent alors vraiment avec elles, assis à leur table et profitant de ces moments familiaux d’échanges bruyants et dynamiques. Tout ce petit monde évolue dans des décors criant de vérité et forts de petits détails qui nous plongent en 1979. Des costumes aux coiffures, jusqu’aux intérieurs et extérieurs, la reconstitution est vraiment minutieuse et réussie.

En 7 épisodes denses et forts en émotions, Asura nous partage la belle et chaleureuse aventure humaine de cette famille soudée dans les bons comme les mauvais moments.

Les quatre sœurs nous auront faits rire autant que pleurer et nous ne pouvons nous empêcher de sourire avec elles dans les dernières secondes de la série. Elles semblent d’ailleurs nous regarder dans les yeux, dernière belle idée de mise en scène d’Hirokazu Kore-eda. Les secrets des sœurs Takezawa sont maintenant aussi un peu les nôtres…

Asura est disponible sur Netflix depuis le 9 janvier 2025.

– Stéphane Hubert