Au Japon on mange avec des baguettes (箸, Hashi). Normal, direz-vous, comme ailleurs en Asie, telle est la tradition. Jetables, leur utilisation massive pose cependant d’importants problèmes écologiques. De manière regrettable, les alternatives sont peu nombreuses à ce jour. Fort de ce constat, Yavez S.E Antonio, étudiant aux Pays-Bas, veut rendre la consommation des sushis plus éco-responsable. Des baguettes produites grâce au recyclage de déchets plastiques récupérés en mer ? Une proposition qui mérite d’être creusée.

Au Japon, on ne rigole pas avec les couverts. Une attention particulière doit être données aux règles de table. Une baguette cassée pendant un repas, peut être compris comme une insulte à l’encontre de l’hôte. Attirés par une gastronomie très appréciée en Occident, les visiteurs ne seront pas en reste : le plaisir de pouvoir manger selon les us et coutumes accroît le charme du repas.

Pourtant, à la fin du festin un doute légitime surgit : quel destin pour ces couverts ? En très grande majorité, il seront jetés. Des millions de baguettes sont ainsi produites pour une durée de vie de quelques minutes à peine. La mise sur le marché de baguettes réutilisables, qui plus est construites grâce à des matériaux de récupération, est donc particulièrement bienvenue.

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Lutter contre la déforestation…

L’impact environnemental de la production des baguettes jetables (割り箸, Waribashi) est lentement mais surement devenu non négligeable. Participant à la déforestation, ces baguettes éphémères ne sont généralement ni compostées, ni recyclées. Loin devant le Japon, la Chine est le premier producteur de baguettes au monde. Paradoxe, près d’un tiers de la production du pays est destinée à la revente sur le marché Japonais, entièrement dépendant de son voisin en dépit de leurs querelles politiques.

Or, en Chine, l’équivalent de 3,8 millions d’arbres sont abattus chaque année pour arriver à produire environ 57 milliards de baguettes. Environ la moitié d’entre elles sont construites à partir de bambou. Les autres sont composées d’arbres divers comme le coton, le bouleau ou en encore l’épicéa. Le gouvernement japonais, pour sa part, estime que 25 milliards de baguettes jetables sont consommées dans l’archipel chaque année, soit 200 paires par habitants. Rares sont donc les jours où un japonais moyen n’utilise pas (et ne jette) une paire de baguettes.

De plus, les magasins japonais, très soucieux de la satisfaction du client, offrent systématiquement une paire de Waribashi à chaque achat de nourriture. Souvent, celles-ci sont emballées dans du plastique. Le phénomène est tellement massif que des artistes en viennent à utiliser ces déchets comme matériau de base. C’est notamment le travail du sculpteur et artiste japonais Donna Keiko Ozawa. Celui-ci a récupéré et exposé quelque 60 000 baguettes en bois à travers le Japon pour dénoncer ce désastre écologique invisible.

Photo : Mark Costantini
Photo : Mark Costantini

« Je veux que les gens le voient et le ressentent, afin d’avoir une expérience physique de tout ceci, dans le but d’évacuer l’idée qu’il serait inoffensif de jeter des baguettes et leur révéler le désastre environnemental qu’ils créent » Donna Keiko Ozaw Waribashi.

Autre fait inquiétant pour les japonais : la présence de produits particulièrement nocifs pour la santé dans certaines baguettes. On y trouverait du souffre, de la paraffine, ainsi que du peroxyde d’hydrogène. Des produits qui peuvent favoriser le développement de cancers.

De nombreux arguments invitent donc au changement des modes de consommation. Si le mouvement « mon-hashi » milite pour une prise de conscience ainsi qu’une utilisation plus rationnelle et responsable, les alternatives, elles, se font attendre.

… par la dépollution des mers

Yavez Antonio veut développer une alternative crédible aux baguettes en bois. Des baguettes réutilisables : finis les monceaux de bois et de plastique à la fin des repas. Constatant la pollution importante des océans par le plastique, il souhaite faire de ce matériaux l’ingrédient principal de sa nouvelle entreprise. Le nom de son produit ? Les baguettes de l’océan (海洋箸, Umi Hashi).

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L’initiative est intéressante, d’autant que le produit fini est à la fois esthétique et épuré : le mélange de couleurs obtenu par le recyclage des différents plastiques donne un caractère unique aux baguettes. Afin de sensibiliser à la surpêche, les baguettes ne seront proposées que dans les restaurants qui vendent des sushis composés de poissons péchés dans des conditions respectueuses des stocks disponibles. En effet, au Japon se développe également des alternatives durables à la pèche industrielle.

Afin de concrétiser son rêve et de mettre en place un processus de fabrication entièrement respectueux de l’environnement, Yavez Antonio est aujourd’hui à la recherche de fonds. Dans cette perspective, il a lancé une campagne de crowdfunding. Petit clin d’œil : dans la mesure ou les sushis sont composés entre autre de poissons, l’idée est également de garantir une meilleure qualité des aliments en participant à la dépollution de leur lieu de vie : l’océan. Du sushi aux hashi, il n’y a qu’un pas !


Sources : antonio.info /ecopedia.com / green.blogs.nytimes.com / japanesetimes.co.jp /spoon-tomago.com