La reconnaissance des couples homosexuels avance pas à pas au Japon. Poulpy avait relayé l’adoption en octobre dernier d’une ordonnance pour lutter contre les discriminations à l’égard des personnes LGBT+ par l’Assemblée métropolitaine de Tokyo. Concernant les unions, nous avions souligné que la majorité des Japonais y était favorable. D’ailleurs plusieurs villes et une préfecture ont reconnu l’union entre personnes du même sexe et aussi le droit de devenir famille d’accueil à Osaka. Preuve que les mentalités évoluent positivement. Mais pour autant, les couples homosexuels ne peuvent pas encore jouir des mêmes droits que les couples hétérosexuels comme une récente décision de justice l’illustre.
Au Japon, même si un couple n’est pas marié, l’un de ces membres peut être reconnu comme conjoint de fait ce qui lui permet d’obtenir des indemnisations dans le cas du décès accidentel ou criminel de son/sa compagnon/compagne. Si les indemnités perçues ne remplacent évidemment pas l’être disparu, elles permettent d’atténuer la détresse émotionnelle et le poids financier des funérailles (très chères au Japon). De plus il s’agit aussi d’une certaine forme de reconnaissance du couple par la société même si celui-ci ne s’était pas uni administrativement. Mais ce droit est toujours refusé aux couples homosexuels.
C’est ce même droit que demandait Yasuhide Uchiyama dont le compagnon Hideaki Mizuno, avec qui il formait un couple depuis 20 ans, a été assassiné en décembre 2014. En décembre 2016, après la condamnation du meurtrier à 14 ans de prison, M. Uchiyama a déposé une demande d’indemnisation des victimes. Cette demande a été rejetée un an plus tard uniquement au motif qu’il entretenait une relation avec une personne du même sexe. Une discrimination manifeste liée au sexe du partenaire.
Pour contester cette décision prise par la Commission de sécurité publique de la préfecture d’Aichi, M. Uchiyama a mené l’affaire devant le tribunal de Nagoya qui s’est prononcé par la négative ce 4 juin. Le procès devait déterminer si un couple homosexuel pouvait être considéré comme une relation conjugale de facto. Auquel cas, M. Uchiyama aurait eu droit à l’indemnisation des victimes en tant que membre survivant de la famille. Mais le juge présidant l’audience, M. Masatake Kakutani, a estimé ne pas pouvoir reconnaître des relations homosexuelles comme relevant du mariage de fait car la société ne les percevrait pas comme un couple vraiment marié, selon elle.
Et ce alors même que les avocats de M. Uchiyama ont relevé qu’il était désormais dépassé de considérer les mariages de facto comme ne relevant que des relations hétérosexuelles au moment où les mentalités japonaises s’ouvrent justement à la reconnaissance de la diversité sexuelle qui, paradoxalement, était parfaitement accepté à travers l’histoire du Japon avant l’occidentalisation. Par cette décision de justice pointe l’aveu que même hors mariage les couples formés de personnes homosexuelles ne sont donc pas égaux à ceux formés par des personnes hétérosexuelles.
Ce jugement consacre donc officiellement une inégalité de considération que les avocats de M.Uchiyama n’ont pas manqué de noter : « il s’agit d’une décision extrêmement regrettable qui perpétue la discrimination à l’égard des minorités sexuelles ». Lors d’une conférence de presse après le procès, M. Uchiyama a exprimé son ressenti en déclarant qu’« Il est extrêmement décevant que ma demande ait été rejetée au motif que les couples de même sexe ne sont pas suffisamment acceptés dans la société ».
Les avocats de M. Uchiyama envisagent de faire appel. Tous les espoirs restent permis car dans un procès similaire qui s’est tenu en septembre dernier, un tribunal du district d’Utsunomiya avait statué en faveur d’une femme qui demandait une compensation financière pour l’infidélité de sa partenaire. L’existence du couple homosexuel avait donc bien été reconnue et cette décision avait été d’ailleurs confirmée par la Haute Cour de Tokyo en mars.
S. Barret
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