La récente sortie du Prince of Persia : The Lost Crown a permis de mettre en lumière le genre du « metroidvania ». Mais un autre jeu, que le monde découvrait en 2021, rendait déjà honneur au style : Record of Lodoss War : Deedlit in Wonder Labyrinth. De quoi s’agit-il ? Et qu’est-ce qu’un « metroidvania » ?… (Re)découverte nostalgique.

Avec le dernier Prince of Persia, Ubisoft a montré que le genre « metroidvania » n’était pas réservé qu’aux studios indépendants talentueux et plein d’idées. En effet, contraction de deux célèbres jeux : Metroid et Castelvania, ce sous-genre mêle action, aventure et plateforme à travers des systèmes inspirés par ces derniers, et plus précisément à partir de l’épisode Castlevania: Symphony of the Night pour le second.

Ainsi, le nouvel épisode de la franchise du Prince initiée par Jordan Mechner dans les années 80 a de quoi convaincre à la fois les néophytes et les habitués. Et ce, notamment grâce à des cutscenes dynamiques qui empruntent beaucoup au code de la japanimation et du nekketsu (熱血, littéralement « sang chaud », récit de genre initiatique) .

Or, cette récente parution vidéoludique nous a surtout motivés à vous parler de Record of Lodoss War : Deedlit in Wonder Labyrinth. Un autre metroidvania proposé dès mars 2021 sur PC. Puis sur PlayStation 4, PlayStation 5, Nintendo Switch, Xbox One, Xbox Series S|X en décembre 2021. Ce titre, édité par Playism et développé par les studios Ladybug et WSS Playgourd, prend place dans l’univers de Lodoss et souffle un vent de nostalgie bienvenu aux amateurs du genre et de la série. L’occasion de présenter ce monde à part…

A l’origine : le phénomène « Lodoss tō Senki »

Impossible de parler de ce jeu vidéo sans présenter le phénomène Lodoss tō Senki ロードス島戦記 (‘Les Chroniques de la guerre de Lodoss’ en France). Apparu dans les années 90, nous devons cet univers médiéval fantastique à Ryō Mizuno. Cet auteur japonais né en 1963 s’inspire d’abord du jeu de rôle papier Donjons et Dragons ou encore de l’œuvre de J.R.R Tolkien pour créer son monde imaginaire basé sur l’île de Lodoss, théâtre de l’affrontement entre le bien et le mal.

Si les romans rapportent un franc succès au Japon, c’est surtout son adaptation en 13 épisodes OAV de 30 minutes (Original Animated Video, courtes vidéos exclusivement distribuées sur VHS et non à la TV/cinéma) qui font exploser la notoriété de cet univers d’heroic fantasy a priori classique.

Produit par le Studio Madhouse en 1990, la série embauche pour character-designer ni plus ni moins que Nobuteru Yuki. Cet artiste se fait réellement connaître avec cette série même s’il travaille auparavant sur le long métrage Five Star Stories ou sur la série Bionic Six (Les Bionics). Son style graphique est reconnaissable entre mille car il fourmille de détails, ce qui ne facilite pas le travail des animateurs. (D’ailleurs, la série abuse quelque peu de plans fixes par souci d’économie.)

Pour Lodoss tō Senki, Nobuteru Yuki imagine par exemple des elfes avec des oreilles particulièrement longues. Et force est de constater que le spectateur s’habitue vite à ce style, les personnages de Pirotess et de Deedolito faisant partie des figures féminins préférées des fans d’anime des années 90.

Source :@Character Design References/ pinterest

Yuki proposera par la suite ses services sur l’adaptation de Gunnm en OAV, sur le film X1999 et sur les séries de Captain Herlock: The Endless Odyssey en 2002 et Vision d’Escaflowne en 1996. Quant au monde vidéoludique, nous avons pu voir ses travaux sur Seiken Densetsu 3 (Trials of Mana) en 1995 mais également sur Solatorobo: Red the Hunter en 2010. Sa mission sur Lodoss aura ainsi nettement contribué à sa carrière, tout comme à l’enfance de beaucoup d’entre-nous…

En effet, en France à cette époque, alors que tout le monde ne jure que par Dragon Ball, on se souvient qu’un dossier complet sur cet univers est proposé dans le numéro 12 d’Anime Land et fait alors saliver d’envie les fans d’heroic fantasy de l’époque. Et difficile d’imaginer la joie avec laquelle on découvre en 1993 l’annonce dans le magazine Occaz’ que la série allait être proposée par l’éditeur Kaze.

Kaze résumait l’histoire ainsi : « Selon la légende, les forces du bien et du mal s’affrontèrent jadis pour la possession du monde. Le combat ne connut pas de vainqueur, mais l’île de Lodoss est depuis séparée du continent et l’obscure île de Mamo est apparue. Sur Lodoss, la tourmente éclate et dégénère rapidement en guerre générale. Tandis que la magie et les éléments surnaturels se déchaînent, un jeune paladin nommé Parn, une elfe, un nain bicentenaire, un magicien, un prêtre et un voleur unissent leurs talents pour contrecarrer les projets de la sorcière Karla… »

Outre sa qualité graphique indéniable, ses protagonistes au fort tempérament et son intrigue classique mais haletante, l’autre point fort de la série est son titre musical d’ouverture. C’est simple, il suffit d’entendre les premières notes de l’opening « Adesso e Fortuna – Honoo to Eien » interprétée par Sherry (Kato Izumi) pour qu’elle vous revienne immédiatement en mémoire et que vous chantiez la larme à l’œil son refrain.

A noter que d’autres anime sont sortis autour de la série, à l’image d’une série TV de 27 épisodes sorti en 1998 qui prend place 5 ans après les événements des 13 OAV. Par contre, ce n’est plus Nobuteru Yuki qui s’est occupé des personnages. De plus, impossible de ne pas parler des mangas préquelles à l’histoire des OAV en deux volumes intitulés « La Dame de Falis » réédités chez nous par Kami.

Mais assez tourné autour du pot, intéressons-nous à la dernière adaptation vidéoludique de cet univers, proposée par le studio Lady Bug.

Incarner l’histoire de Lodoss War : Deedlit au Labyrinthe des merveilles

Avant ce titre, Lodoss avait été adapté sur Super Famicom en 1995 et sur Dreamcast en 2000 en RPG uniquement sortis au Japon. La disponibilité de Lodoss War : Deedlit in Wonder Labyrinth en 2021 partout dans le monde permet donc à tous les fans d’anime de la série de redécouvrir leur série en incarnant l’elfe Deedlit dans un jeu d’action de type metroidvania tout en 2D et en pixel.

Après un rappel succinct de l’histoire, vous prenez très vite le contrôle de la jolie elfe qui se réveille en pleine nature. Il vous faudra alors échapper aux attaques de loups, pour retrouver Sylph, l’esprit de l’eau, votre compagnon de route.

Très vite, vous ne tardez pas à croiser le nom de Parn, votre âme sœur. Mais alors que vous partez à sa rencontre, la sorcière grise Karla se dresse devant vous et vous demande de lui jurer, à la place, fidélité. Pacte que vous refusez…

Cette dernière disparaît alors sous vos yeux et vous laisse continuer votre quête. Une fois l’esprit du feu Salamander retrouvé, votre aventure commence réellement.

Que fait Parn ici ? Vers quoi court-il ? Quels sont les autres surprises et personnages qui vous attendent dans ce labyrinthe ? Mais, surtout, quelle est cette entité qui, dans l’ombre, semble surveiller tous vos faits et gestes.

Impossible d’en dire plus au risque de divulgâcher votre plaisir… Résumons simplement l’expérience à une aventure nostalgique courte, mais globalement appréciable. Et pour cause, le charme de la 2D pixelisée est indéniable et le bestiaire du jeu est assez diversifié. Sans parler des décors qui sont relativement variés.

une aventure nostalgique courte mais globalement appréciable.

Reste à s’intéresser au gameplay : quel plaisir prend-on manette en mains à parcourir les niveaux qui composent le titre ?

Un gameplay faillible mais efficace

La version Nintendo Switch du titre lancée, les premiers pas dans l’aventure peuvent être déconcertants… En effet, le début du jeu souffre très vite de ralentissements conséquents. Et changer les options graphiques n’y change rien ! Heureusement, cependant, on retrouve une fluidité au fil des niveaux.

Certes, la baisse de framerate (nombre d’images par seconde) se fait parfois sentir lorsque trop de sprites (personnages) sont présents à l’écran, mais rien qui ne vienne obscurcir l’expérience globale. Cela nous rappellerait presque nos moments passés dans Castlevania sur NES par exemple… D’ailleurs, ces ralentissements sont peut-être même spécifiques à l’adaptation du titre sur la machine hybride de Nintendo.

On se retrouve donc dans un metroidvania classique où vous aurez le choix des armes avec la possibilité de les améliorer. Votre niveau augmente également au fur et à mesure que vous engrangez des points d’expérience. La carte du jeu est assez claire, et se dévoile lors de l’obtention de compétences telles que le double saut ou la glissade. Vous aurez l’occasion de chercher des switchs (des objets clefs) d’une certaine couleur pour débloquer les portes correspondantes.

Outre les ennemis classiques, le titre vous opposera à des boss emblématiques allant du chevalier ténébreux au roi démoniaque en passant par des dragons belliqueux.

Mais en dehors de ses armes, dont la dague, la faux ou l’épée à deux mains, Deedlit saura compter sur ses pouvoirs magiques. En effet, elle apprendra des sorts puissants qui seront déterminants dans ses affrontements.

De même, c’est sur l’esprit de feu et de l’eau que le jeu tire sa force et propose une originalité qui rappelle le fameux gameplay shoot’em up façon Treasure Ikaruga.

Esprits de feu et d’eau

En fait, vous allez pouvoir vaciller entre l’esprit de Salamander et de Sylph à tout moment. Ainsi, équipé de l’esprit du feu, vous pourrez littéralement marcher sur la lave et passer à travers des murs enflammés. Lorsqu’un esprit est invoqué, vous devenez insensible aux dégâts de son type. Mieux, cela régénère votre jauge de magie.

En outre, les cubes qui apparaissent en attaquant ou en terrassant des ennemis (ou des carcasses d’animaux) font monter les esprits de niveau. Ce niveau des esprits correspond à la puissance d’attaque de Deedlit. Au niveau 3, vos points de vie se régénèrent automatiquement.

Tout ceci permet donc une vraie stratégie dans votre approche des combats et des obstacles que vous rencontrerez. Même s’il faut l’avouer, dans le feu de l’action, on a tendance à faire un peu n’importe quoi.

Outre cette dualité à prendre en compte, étant une elfe, Deedlit est une archère hors pair. Tant que vous avez de la magie, vous pourrez décocher vos flèches. Ces dernières rebondissent sur le métal et il faudra tirer parti de cette spécificité pour résoudre certaines énigmes. Vous aurez même l’occasion de montrer votre habileté d’archer car le titre vous propose un mini-jeu dans l’une de ses salles obscures…

Autre originalité : l’occasion de retrouver votre vieil ami Woodchuck qui vous proposera de jouer à une partie de dés avec lui. Misez votre pactole sur des numéros afin de gagner la partie. Anecdote amusante, votre compagnon voleur ne supporte pas les tricheurs. Ainsi, si vous décidez de sortir du jeu pour reprendre votre sauvegarde car vous avez perdu votre mise, Woodchuck vous rappellera vite à l’ordre.

En outre, un marchand (petit et barbu) vous permettra d’échanger votre argent contre des armes plus puissantes. Vous l’aurez compris, le titre propose donc tout un panel de bonnes idées qui a tout pour faire de lui un grand jeu… Mais c’est sans compter les défauts du titre.

Les défauts de Deedlit

Nous avons déjà évoqué les problèmes de ralentissement rencontrés au début, qui apparaissent dès que l’on fait face au mur magique de flamme. Heureusement, cette lacune se fait bien plus discrète par la suite et ne gène en rien la progression.

D’ailleurs, concernant votre acheminement, des téléporteurs vous permettront de vous rendre facilement d’un endroit à un autre vous évitant des va-et-vient trop nombreux. La minimap est assez claire et vous permet de savoir où aller dans ce labyrinthe de couloirs. Le parcours est donc fluide, globalement agréable mais hélas un peu court. Comptez un peu plus de 5h pour boucler votre aventure.

Heureusement, un new game + vous proposera un boss rush et de refaire le jeu avec des bonus ou des handicaps. Mais nous aurions aimé que le plaisir dure plus longtemps. Face à la vingtaine d’heure de Prince of Persia ou la quarantaine minimum de Afterimage, Lodoss War : Deedlit in Wonder Labyrinth fait pâle figure.

De plus, les combats sont assez typés ‘arcade’. La difficulté du titre n’est pas excessive, même si certains boss pourront vous poser quelque problème. Il n’est pas rare que l’on abuse des pouvoirs magiques de notre héroïne pour nous tirer du mauvais pas. Enfin, l’histoire peut laisser quelque peu dubitatif les fans de la série et n’est qu’un prétexte à retrouver nos personnages favoris.

Une belle édition collector

L’éditeur Red Art Games a eu la bonne idée de proposer une édition collector du titre. En plus de la version physique qui contient une superbe illustration, le distributeur proposait un bel artbook et la bande originale sur CD. Chanceux sont celles et ceux qui ont eu la bonne idée de la précommander.

L’artbook est magnifique et contient des dessins préparatoires, une galerie de personnages et d’ennemis, ainsi que de superbes illustrations signées Hiro tout au long des 22 pages d’un livret édité en France. Le CD, quant à lui, vous replongera dans les thèmes du jeu à travers 22 pistes.

Nous vous laissons avec le trailer du jeu que vous pouvez éviter de regarder si vous ne souhaitez pas être spoilé.

Pour conclure

Lodoss War : Deedlit in Wonder Labyrinth est un sympathique metroidvania au gameplay original qui saura satisfaire l’amateur de l’anime de la série de 1990. Par contre, ceux qui ne connaissent pas la série risquent d’être moins indulgents avec ce jeu indépendant à la durée de vie relativement courte et sa galerie de personnages qui leur sera inconnue. On ne regrette rien, pour notre part, de cette aventure onirique.

À noter que le studio Lady Bug a annoncé la sortie de leur prochain titre Blade Chimera pour ce printemps, un jeu qui proposera également de l’action en 2D dans une histoire 100% originale.

– Yan Cha