Sorti en dématérialisé en octobre 2024 et auréolé de nombreux prix (1), le titre culte du studio Nomada édité par Devolver Digital est désormais disponible en édition physique sur PS5 et Nintendo Switch depuis le 18 avril 2025. Une occasion en or pour ceux qui ne jurent que par les beaux objets de s’offrir un titre vidéoludique riche en émotions. D’autant plus qu’une édition collector est également proposée par Maximum Entertainment. L’occasion également pour Mr Japanization de vous proposer une critique de Neva et d’aborder ses différentes influences tout en évitant au maximum les spoilers afin de vous laisser le plaisir de la découverte. Nul doute qu’après nous avoir lus, vous aurez vous aussi envie d’essayer ce titre d’action aventure mêlée de puzzle qui est disponible sur toutes les consoles actuelles et sur PC.

Une bande annonce éclatante

Neva n’avait laissé personne indifférent lors de son annonce faite durant le PlayStation Showcase de mai 2023. Il faut dire que la vidéo présentée, qui sert d’introduction, parvient en moins de deux minutes à faire naître un cocktail détonnant d’émotions. Avec une patte graphique qui leur est propre, le studio espagnol Nomada promettait une aventure somptueuse et force est de constater que la promesse a bel et bien été tenue une fois la manette en main.

Les amateurs de japanimation n’ont pu s’empêcher alors de faire le parallèle avec le cultissime Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki. Comment peut-il en être autrement ? Tous les thèmes chers au cinéaste et au studio Ghibli apparaissent dans cette séquence. À savoir : une nature luxuriante, un personnage féminin fort, une créature fantastique somptueuse et une menace issue des ténèbres belle et bien tangible.

Toutefois, aucun plagiat ici mais un véritable hommage à un studio qui aura su bercer l’enfance de toute une génération d’artistes.

Il faut savoir que six ans auparavant, Conrad Roset et son équipe avaient déjà su enchanter les joueurs avec le titre GRIS. Avec plus de 3 millions de copies vendues à travers le monde, les critiques ne tarissaient pas d’éloges concernant cette aventure qui suit le voyage introspectif de son héroïne suite à un drame personnel. Le titre se distinguait par une direction artistique de toute beauté où chaque scène semblait être une toile à part entière.

Malgré l’absence d’ennemis et de Game over, GRIS a également marqué tous les joueurs qui l’ont essayé. Déjà à l’époque on trouvait des clins d’œil rappelant des œuvres du studio Ghibli, notamment avec ce champignon ami croisé dans une forêt et les sortes de boules de suif qui l’accompagnaient. Il est à noter par ailleurs que GRIS a également bénéficié d’une sortie physique depuis le 18 avril 2025 en édition simple et en édition collector.

GRIS

Mais nul besoin d’avoir joué à GRIS pour apprécier pleinement Neva. Peut-être apprécierez-vous encore davantage l’aventure sans éléments de comparaison. Il faut dire que Neva est beaucoup plus nerveux que son prédécesseur et propose son lot d’action là où GRIS se voulait beaucoup plus contemplatif.

Alba et les animaux fantastiques

La vidéo d’introduction ci-dessus nous met directement dans le bain. Neva nous narre donc une histoire poignante et pleine de noirceur qui suit son héroïne et son petit compagnon à quatre pattes qui vient de perdre sa puissante génitrice. L’héroïne deviendra donc, de fait, la mère de substitution de la fragile créature. Durant les 5-6 heures que dure l’aventure, le joueur sera confronté à une multitude de situations et suivra la croissance et l’évolution du canidé. D’abord fragile, Neva se révélera, grâce à vous, au fil des saisons, de plus en plus puissante. Malheureusement, le monde qui les entoure est en décrépitude constante et le danger grandit également.

Comme l’indique Adrian Cuevas du Studio Nomada, Neva est une ode d’amour dédicacée aux enfants, aux parents et à la planète elle-même. Après la sortie de GRIS, Conrad Roset devenait papa et la période qui suivait permit à l’équipe de réfléchir sur le monde en général. Le changement climatique, les troubles sociaux et la pandémie du Covid-19 ont donné naissance au synopsis de Neva (voir son interview ici)

Ainsi, pour le créateur, au début de l’aventure, l’accent est principalement mis sur le rôle protecteur et pédagogue du parent qui est là pour protéger et guider sa progéniture. Plus tard, avec l’adolescence, les enfants se rebellent contre les figures d’autorité et de vives tensions peuvent naître de cette rébellion. Enfin, en devenant adultes, ils prennent conscience du besoin d’être responsables et expriment le désir de vivre leur propre vie. Les parents sont donc là pour accompagner cette croissance en respectant toutes ces facettes.

Tout cela est donc retranscrit à travers la guerrière Alba et sa louve Neva tandis que se dessinent en toile de fond les problèmes environnementaux auxquels la Terre est confrontée en raison de l’ingérence humaine. Celle-là même qui conduit à la destruction de la flore et de la faune et détruit l’habitat des animaux mais également des humains eux-mêmes.

L’histoire de Neva est également l’histoire métaphorique du cycle de la vie où la naissance et la mort sont étroitement liées. Le tout en multipliant les clins d’œil et en proposant différents gameplays.

Une prise en main immédiate

D’emblée, le titre vous propose de choisir entre deux niveaux de difficulté. Si les joueurs habitués du genre choisiront sans hésiter le mode aventure classique qui propose un véritable challenge avec 3 points de vie et des ennemis retors, le mode histoire permettra aux joueurs occasionnels de découvrir le titre sans être frustrés (2). Ainsi, dans ce mode, vous ne connaîtrez quasiment jamais l’échec et les phases de plateformes vous proposeront une aide pour pouvoir les passer. Il faut dire que certains passages requièrent pas mal de réflexes ou de logique. Jouer avec des commandes inversées peut ainsi déstabiliser les joueurs qui n’y sont pas habitués (appuyer à gauche pour aller à droite n’est pas instinctif).

Pour résumer, premier bon point, Neva s’adresse à tout type de joueur. Que vous soyez du genre aguerri ou occasionnel, vous serez comblés.

La prise en main d’Alba est immédiate avec un bouton pour attaquer, un autre pour sauter et un dernier enfin pour esquiver. Un quatrième bouton vous permet d’interagir avec votre compagnon à quatre pattes pour, par exemple, l’appeler ou lui faire des câlins. Une fois que la louve aura grandi, elle saura vous aider plus concrètement et participera férocement dans vos affrontements en se jetant avec rage sur vos ennemis.

En ce sens, Neva rappelle ces jeux de « plateforme cinématographique«   comme l’un des pionniers du genre Another World d’Éric Chahi (1991) où le héros était accompagné d’un compagnon croisé en cours de route. Plus récemment, l’excellent Planet of Lana du studio Wishfully (2023) propose également une amitié entre un jeune garçon et une créature fantastique qui est toutefois beaucoup, beaucoup plus minuscule et fragile que Neva même s’il est essentiel dans la résolution d’énigmes et fait partie intégrante du gameplay.

Comme le souligne Thierry Falcoz dans son Pixel Bento, il est stupéfiant de voir à quel point le jeu vidéo crée « des liens émotionnels aussi forts avec des entités virtuelles. » Pour l’auteur, ce lien rappelle celui qu’a toujours su créer Fumito Ueda dans ses jeux, de ICO (2001) à The Last Guardian (2016), en passant par Shadow of the Colossus (2005). Où vous serez tour à tour accompagné d’une jeune fille, d’une créature fantastique ou de votre fidèle destrier. Neva se montre être le digne héritier de cette philosophie de titres qui créent des liens indéfectibles avec son compagnon de route.

Enfin, l’agencement des niveaux et des environnements est intelligente et propose un rythme soutenu avec un équilibre quasi parfait entre puzzle, plateforme et combat. Le titre est linéaire même s’il vous permet parfois de partir à la recherche de fleurs cachées. Dans tous les cas, il ne s’encombre pas de casse-têtes trop compliqués et vous ne devriez pas rester bloqué bien longtemps. En faisant preuve d’un minimum de logique, aucune épreuve ne viendra réellement freiner votre progression. Le gameplay et le level design constituent donc un autre atout majeur de l’expérience proposée par Neva.

De sublimes décors et des ennemis effrayants

Outre son histoire métaphorique, son level design recherché et son gameplay efficace, le dernier point positif de Neva est son aspect esthétique. Conrad Roset et son équipe d’artistes nous enchantent avec des décors exceptionnels, enchanteurs et variés. C’est simple, nous avons l’impression d’évoluer dans de véritables toiles de peintures. Si GRIS proposait déjà des décors en 2D de toute beauté, Neva démontre un esthétisme encore plus accru. Un souci du travail bien fait qui transparaît à chaque instant au fil des saisons du jeu.

Ainsi, certains niveaux offrent une végétation luxuriante avec des arrière-plans somptueux qui renforcent le parallèle avec l’œuvre de Miyazaki. Nul doute que cette forêt vous fera penser à celle où Mei et Satsuki découvriront la tanière de Totoro (1988). À moins que vous ne vous attendiez à découvrir une créature issue de la faune de Princesse Mononoke (1997) ? C’est effectivement sur une version corrompue d’un énorme sanglier à laquelle vous serez confronté.

Ce sont également des nuées de créatures cauchemardesques qui vous attendent tapies dans l’ombre et peuvent prendre possession des carcasses d’animaux morts. Ces créatures belliqueuses sont légions et font irrémédiablement penser au Sans-Visage (Kaonashi) du Voyage de Chihiro (2001). Les créatures imaginées par le studio espagnol font froids dans le dos. Si leur design a déjà de quoi vous donner la chair de poule, il suffit de les voir se mouvoir pour être littéralement terrifié ! De quoi déconseiller le titre aux plus jeunes. Le titre est d’ailleurs déconseillé au moins de 12 ans par le PEGI (Pan European Game Information)

Les décors aussi changent au fur et à mesure et la nature luxuriante laisse peu à peu place à des ambiances beaucoup plus inquiétantes, basculant même vers le minimalisme, le fantastique et le surréalisme. Vous ne sortirez certainement pas indemne de certains passages proposés par les développeurs. Certains s’apparentent à une plongée dans le royaume des morts avec des tons monochromes en noir et blanc et un arrière-plan choc. D’autre semble carrément sortir des enfers avec des prédominances écarlates. De quoi parfois vous serrer le cœur.

Enfin, certains passages, notamment en hiver, vous laissent dans des décors épurés de toute beauté mais où la vie semble inexistante. Ainsi, chaque plan de l’aventure est un véritable tableau d’aquarelle vidéoludique.

Les émotions risquent de se bousculer si tant est que vous êtes un minimum réceptif et immergé dans l’aventure. D’autant plus que l’environnement sonore et les musiques proposés par le groupe barcelonais Berlinistste jouent beaucoup dans cette immersion et contribuent grandement à rendre le titre exceptionnel.

Enfin, sachez qu’aucun bug ne viendra entacher votre expérience. Le titre a été testé sur Nintendo Switch et s’est passé sans aucun accroc. En outre, la caméra sait se rapprocher des personnages lors des combats ou au contraire s’éloigner lors de passages de plateforme qui donne le vertige.

Cerise sur le gâteau, certaines séquences animées viennent ponctuer une histoire qui se passe de dialogues.

Un dernier mot concernant l’édition collector

Nous ne saurions trop vous conseiller de vous procurer la version collector du titre. Celle-ci contient justement :

  • Le jeu en édition physique Standard
  • Un artbook à couverture souple de 88 pages
  • Le CD de la bande-son originale + téléchargement numérique
  • Une Boîte de collection
Photo du collector issue du site Just For Games

Conclusion

Nul besoin de tergiverser, Neva est bel et bien un nouveau chef-d’œuvre qui marque le monde vidéoludique et la pop culture en général. Chacun interprétera à sa manière cette aventure désormais culte d’Alba et de son loup et saura trouver un écho différent chez chaque joueur selon sa propre sensibilité.

Si vous faites preuve d’un minimum de sensibilité, Neva est la promesse d’une aventure somptueuse à ne pas rater. Car malgré sa courte durée de vie, le titre de Nomada Studio édité par Devolver Digital s’imprégnera au fer rouge dans votre psyché et vous marquera à vie. Même si le titre a été développé en Espagne, il est clair que, comme le souligne Thierry Falcoz, « son cœur est définitivement japonais. » Et c’est bien en plein cœur qu’il parvient à nous toucher.

– Yancha

Toutes les captures d’écran du jeu ont été réalisées par l’auteur du texte durant ses parties sur Nintendo Switch.

Notes

(1) Le titre a reçu, en outre le Game Awards 2024 dans la catégorie « Games for Impact », la « Meilleure direction artistique » au BAFTA Games Award 2025 et le Pégase 2025 du « Meilleur jeu indépendant étranger ».

(2) Pour découvrir une vidéo in-game (mais au risque de vous gâcher la surprise !) voyez ce trailer.