En mars dernier, une jeune fille japonaise a sauvé un homme d’une tentative de suicide. Cette histoire très locale mais non moins inspirante s’est déroulée à Niigata et a fait son chemin dans les médias jusqu’à aujourd’hui. Grâce au sang-froid et à l’empathie de la jeune Iguchi Ayano, un drame a pu être évité. Récit.
Le matin du 21 mars 2023, à Niigata, Iguchi Ayano 井口綾乃, une jeune fille de 17 ans, se rendait au lycée Niigata Higashi pour assister à ses cours. Une partie de son trajet à pied la mène naturellement au-dessus de la rivière Agano, comme chaque jour. À cet endroit, près de son embouchure, l’eau est particulièrement profonde. Alors qu’Ayano traversait le pont, elle remarqua un homme arrêté près de la rambarde, fixant l’eau en contrebas.
L’homme avait déjà posé un pied sur la partie inférieure de la rambarde, et lorsque Ayano s’approcha, il la regarda plusieurs fois de manière suspecte. Puis, soudainement, il balança ses jambes par-dessus la rambarde, prêt à se jeter dans le vide. Il n’y avait plus rien entre lui et la rivière. « Si je n’agis pas aussi vite que possible, il va sauter et mourir » pensa Ayano. Courant vers l’endroit où se trouvait l’homme, elle passa ses bras à travers la rambarde pour le retenir, tout en lui demandant frénétiquement de ne pas gâcher sa vie. Elle répéta sans fins ces mots, le retenant de toutes ses forces : ne gâchez pas votre vie !
Ayano réalisa alors que l’homme qu’elle retenait n’était pas japonais et qu’il ne comprenait pas ce qu’elle disait ! En déduisit qu’il était brésilien. Spontanément, Ayano sortit son smartphone et ouvrit une application de traduction automatique, tapant « Je sais que les choses sont difficiles, mais tu ne dois pas te tuer » en japonais pour le traduire en portugais !
Touché par l’action de la jeune fille, l’homme repassa derrière la rambarde et Ayano appela les services d’urgence qui arrivèrent peu de temps après. « J’ai ressenti un tel soulagement qu’il n’ait pas chuté », se souvient Ayano en évoquant l’incident. « Je suis contente d’avoir pu l’aider, et quand je m’en suis rendue compte, je pleurais. »
Aucune déclaration publique n’a été faite concernant l’homme brésilien en question, et de nombreux commentateurs en ligne expriment l’espoir qu’il reçoive les soins et le soutien dont il a besoin pour traiter les problèmes qui l’ont poussé aussi près de mettre fin à sa vie.
Quant à la jeune Ayano, elle a été officiellement reconnue comme héroïne pour sa compassion et sa réactivité. Elle a d’ailleurs reçu un certificat de reconnaissance au poste de la police locale de Kita.
Même si l’homme n’était pas en mesure de comprendre les mots qu’elle lui disait en japonais, le contexte aura très probablement rendu leur signification globale assez évidente. Cependant, l’impact plus direct d’un message délivré dans sa langue maternelle, et de voir la compassion et la considération impliquées, a certainement aussi eu un effet significatif sur ce sauvetage improvisé.
Iguchi Ayano est actuellement lycéenne en Terminale, ce qui signifie que l’année prochaine, elle poursuivra des études supérieures ou entrera sur le marché du travail. Si l’incident sur le pont ce matin-là est un indicateur de la personne qu’elle deviendra à l’âge adulte, il est fort probable que ce ne sera pas la dernière fois qu’elle laissera une grande et positive impression dans la vie de quelqu’un.
Le suicide au Japon, toujours problématique
Le Japon est toujours confronté à un problème sérieux de suicide. Même si le phénomène a connu un certain ralentissement notable depuis les années 1980, l’archipel reste l’un des pays industrialisés ayant l’un des taux les plus élevés de suicides au monde.
Plusieurs facteurs contribuent à cette situation, notamment la pression sociale élevée, les attentes élevées envers les individus en particulier au travail, la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale, les difficultés économiques, l’isolement social et d’autres problèmes sociaux complexe comme la prostitution des étudiants ou encore le harcèlement au travail. Les taux de suicide sont particulièrement élevés parmi les groupes de population vulnérables, tels que les jeunes, les personnes âgées et les travailleurs surmenés.
Chez les expatriés spécialement, la vie au Japon promet son lot de chocs culturels et d’angoisses existentielles qui en découlent. La difficulté de communiquer avec les japonais(es), le peu de possibilité d’évoluer dans la société, le rejet d’une partie de la population, vivre au Japon n’est pas vraiment reposant pour la majorité des immigrés qui sont souvent perçus comme des sous-citoyens. Nombre d’entre eux sont exploités par les entreprises sans ménagement.
Le gouvernement japonais et diverses organisations ont mis en place des initiatives de prévention du suicide et des programmes de soutien psychologique. Des lignes d’assistance téléphonique et des centres de conseil sont disponibles pour offrir une aide et un soutien émotionnel aux personnes en détresse.
Si vous connaissez quelqu’un au Japon confronté à cette problématique, les coordonnées des centres d’aide pour les étrangers sont disponibles sur Suicide.org.
– Mr Japanization